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dimanche 18 décembre 2016

Year of No Light Pryapisme Black Sheep 16 décembre 2016

Usé par une semaine qui n'était pas finie, le ventre gonflé par un dîner excessif, je suis venu pour la première fois en tram au Black Sheep comme un petit vieux. Pour le – probable – dernier concert de l'année, c'était un rattrapage car les deux groupes étaient déjà passés en ces lieux hors de ma présence. Il était difficile pourtant de faire un plateau aussi dissemblable, en apparence.

Devant une affluence correcte, PRYAPISME semblait presque banal dans son instrumentation, ce ne sont pas trois petits synthés qui vont nous impressionner… Mais quand ça a démarré, l'ensemble dynamite, disperse et ventile. Le mélange entre Metal et BreakCore est très au point, les sonorités de Mario Kart survitaminé croisent des ponts Thrash ou Black énergiques à faire pâlir d'envie bien des trues. D'autant qu'une certaine noirceur dérangée se ressent de partout, si bien que le fameux titre en variation sur Moussorgski est d'une incontestable cohérence. Plus qu'à un Psykup au carré, c'est à la démarche de Mike Patton que l'on pensait immanquablement pour cela. L'intensité, l'imprévisibilité des titres est extrême même si le propos global sera largement cerné quand viendra la fin du set au bout d'une heure sans ennui. Cela vaudrait le coup de bien réviser les titres à l'avance pour laisser passer moins de subtilités et d'effets Manu Chao. Le jeu du bout des doigts des guitaristes sur certains plans est intéressant. En matière d'extrême et de technique, Pryapisme se pose bien.
Moi qui ne goûte guère l'humour dans le Metal je dois reconnaître m'être laissé charmer par l'humour vif du principal communicant, assez brillant pour un propos partiellement improvisé, le batteur fumeur en ayant une bonne couche aussi. L'occasion de rappeler la jeunesse Rock basque avec quelque membre de YONL (légende ou réalité ?), de casser le jeu de l'autre guitariste plus diverses plaisanteries envers Arbre ou les pires fans. Passons sur les intitulés comiques. Du chant gâcherait certainement l'ensemble. Foutraque mais léché, Pryapisme ne m'a pas déçu.

À la pause je me suis fait aborder à cause de mon t-shirt, cela faisait longtemps que ça ne m'était plus arrivé.

Après avoir pris son temps pour installer son riche matériel et vérifié des balances précises, obligeant notamment à placer le retour central dans ce qui tiendrait lieu de fosse à d'autres occasions, YEAR OF NO LIGHT s'est lancé peinard dans son set. Les Bordelais jouent bien fort une musique à présent bien en vogue, au croisement de multiples styles auxquels sont donnés une synergie improbable en théorie. Le volume sonore, par exemple, est autant propre au Shoegaze qu'au Drone. Ces riffs et ces structures rallongées peuvent être autant du Doom épuré que du Post-Rock bétonné. Certains passages légers et délicats rappelaient ouvertement Cure le mois dernier, alors que la froide noirceur irradiant de l'ensemble est incontestablement apparentée au Black le plus ouvert. Il n'est pas si courant d'avoir deux batteurs, qui ne se forcent pas mais dont les jeux se complètent (l'un des deux étant pigiste).
Une minorité du public s'était éclipsée dès le premier quart d'heure, mais je me suis coulé dedans très facilement tant ce soir une musique lourde et peu violente me convenait. Oui, je trouve ce genre de groupes aisés à écouter, sans vouloir vexer. Ce vaste mélange tient la route parce qu'au final c'est simple et facile à digérer. Un bon chanteur, de quelque scène qu'il provienne, apporterait dans ce cas une profondeur supplémentaire au tout ; mais c'est un choix artistique évidemment. Comme ces titres de morceaux à la Mogwaï francophone, pure écriture automatique, cohérente avec les émotions que le collectif transmet. Cette fois la communication se réduisit à quelques mots avant le dernier morceau, qui venaient du cœur, pour évoquer la longue histoire entre ces Bordelais et les plus anciens passionnés de notre scène Montpelliéraine. Le set s'achevant au bout d'une heure je n'ai pas traîné, devant encore me lever tôt.

dimanche 4 décembre 2016

Meshuggah High on Fire Rockstore Montpellier 1er décembre 2016

Cela avait un drôle de goût de retourner voir Meshuggah au Rockstore. C'était l'un de mes premiers concerts de Metal un peu gros, en 2000… Nous étions une quarantaine de fadas bien motivés. Et depuis je ne les avais jamais revus. Encore les avais-je ratés il y a encore plus longtemps, en 1996, lors de la légendaire première tournée européenne de Machine Head, à l'époque j'étais juste en train de découvrir tout ça. Ce soir quelques amis devaient venir, mais trouvèrent le guichet fermé ! Du jamais vu depuis l'unique date méridionale d'Opeth il y a cinq ans ! Comme je suis moins cigale et que j'avais réservé depuis longtemps, je vous propose de me suivre dans cette chère vieille salle.

En effet c'était bondé. Je ne croise pas très souvent ce grand public Metalleux moins typé, qui est pourtant le plus important, ceux qui ne sont pas spécialement fans d'extrême mais qui aiment la musique exigeante. Cette foule était assez jeune, la moitié devait être encore à l'école lorsque je voyais Meshuggah la première fois. C'est dire l'immense influence que ce groupe a patiemment étendue au fil des albums. Certains vieux requins de concerts que je retrouvais ici ne sont pas spécialement hardos.

Tout le monde connaît au moins de loin HIGH ON FIRE. En fait de Thrashy, leur Stoner Heavy demeure calé sur le mid-tempo quasiment en permanence. L'excellent son permettait de bien profiter du chant rogue de Matt Pike et de la basse qui amène un peu de groove. Il le fallait bien pour faire passer des riffs sympathiques mais assez classiques, et une rythmique qui tenait la basse altitude sans chercher à décoller. À part sur un titre annoncé d'ailleurs comme rapide, vers le milieu de set. Ce qui permit de constater que Pike a la voix aussi rauque que son chant, qu'il ne force pas. Le style est bien maîtrisé et particulièrement à la mode par chez nous. S'il n'y avait pas la place de faire une fosse dans tout ce peuple cela semblait bouger pas mal devant. Il est possible que certains soient venus principalement pour cette première partie de renom fort éloignée (complémentaire ?) de la tête d'affiche. Pour ma part je sature de ce style, trop répandu en Languedoc, heureusement que c'était fait par des maîtres qui en tiraient le meilleur.

La pause prit une grosse demi-heure, et il fallait bien ça pour se mouvoir dans toute cette presse afin de réaliser l'habituelle boucle merch' – pissoir – bar.

Sans MESHUGGAH le Metal actuel ne serait pas le même. C'est en grande partie à cause d'eux (et de tous les autres groupes qu'ils ont peu ou prou marqués) que le Metal est respecté et défendu par les musicophiles les plus diplômés. Devant le backdrop magnifique reprenant la pochette du tout nouvel album, les cinq compères prirent possession de la scène sous les acclamations après une remarquable introduction simple et cohérente, un sifflement… Le style polyrythmique si particulier qu'ils ont prôné depuis les origines semble venir d'une autre dimension, des confins de l'espace-temps ou de ce que cherchait Erich Zann (pour ceux qui ont des lettres). Le son parfaitement propre et puissant rendait honneur au timbre unique des guitares de Thordendal et Hagström. Le chant de Kidman sonnait un peu en retrait, comme sur album, mais l'interprétation était également parfaite. Les solos assez fréquents étaient à l'avenant du reste, à nuls autres pareils.

La débauche d'effets visuels était exceptionnelle pour un concert de Metal, plus digne d'un festival Electro en club. Très loin du service habituel dans le genre, et encore plus de ce que c'était la dernière fois. Ce light show avait cependant comme inconvénient que l'on distinguait mal les musiciens, alors que le spectacle de leur jeu serait aussi captivant. Mais ce n'est pas ce qu'ils veulent, certainement. C'est à rapprocher avec la communication minimale de Kidman, tout est lié dans cette géométrie musicale non euclidienne. La puissance de ce machin restait suspendue parfois quelques instants lorsque passaient les parties de guitare claire, tout aussi froides.

Le public rangé en sardines hochait la tête en cadence ou de façon plus démonstrative vers le devant. Quelques téléphones tentaient de capter le spectacle mais avec la barrière du light show cela ne ressemblera pas à un concert de Metal classique. Du reste, pas mal de gens manifestaient leur dévotion en faisant des cœurs avec les mains parallèlement aux cornes traditionnelles… encore du jamais vu à un concert Metal pour ma part.

Ne connaissant pas précisément le répertoire du groupe, la régularité des morceaux piochés au long de leur carrière m'amènera à saluer l'exceptionnelle réussite artistique de Meshuggah. Ils ont bâtis leur succès sur une parfaite intégrité musicale, sans jamais dévier de ce qu'ils voulaient faire depuis le départ, aucun compromis. Les titres finaux plus anciens du rappel, certains déjà présents dans le répertoire en 2000, le démontrent. C'est ainsi que le jeune groupe original dans un style à la mode il y a vingt ans est devenu un guide, suscitant des milliers de vocations musicales à travers cette planète.

Après un set d'une heure et demie, l'hybride mal identifié se retira vers l'infini et au-delà. Les yeux pleins de couleurs du show, j'ai attendu un certain temps que ça se vide un peu pour aller récupérer mes affaires. Reprendre pied dans un monde normal aux lois physiques familières le nécessitait bien aussi.

samedi 26 novembre 2016

The Cure The Twilight Sad 18 novembre 2016 Arena Pérols

The Cure demeure une question existentielle compliquée depuis ma prime jeunesse. Il a accompagné toute ma génération, je connaissais leur répertoire classique bien avant de m'intéresser un jour au Metal et au vrai Gothique, comme tout le monde. Mais ce fut de Depeche Mode ou New Order que je tombai fan au fil du temps. Préférer même les Sisters of Mercy ou Clan of Xymox (passant à Paris la veille par ailleurs) fut longtemps un mystère pour moi-même. En fait, je n'ai jamais accepté l'absence totale d'autodérision d'un Robert Smith, maladivement sensible, hautain et perclus dans ses complications esthétiques, alors qu'une partie importante de sa monumentale production a consisté à pondre des tubes grand public massifs, transparents, agaçants. Reste qu'un amour de jeunesse raté, ça vous marque à vie. On n'aurait pas fait cinq cents bornes pour voir ça, mais c'est à la maison que ça se passait et des amis y allaient de toute façon.

L'Arena, bordant le Parc des Expos de Montpellier sur la route des plages après l'aéroport, est un bon exemple de ces immenses salles confortables et moches, destinées à accueillir autant les rencontres de Handball. Il y avait un monde énorme, et pourtant quelques places restaient à vendre au guichet. Le tramway était bien mieux adapté pour accéder au site au milieu d'un gigantesque bouchon, puis les queues aux entrées et aux bars étaient décourageantes. Évidemment, l'assistance n'était pas jeune en majorité, mais beaucoup de gens venaient justement en famille avec les enfants. Et on comptait aussi beaucoup de jeunes simples mélomanes fans de Pop Rock plus ou moins Indé, s'honorant de connaître les classiques. Il y avait du merch' en bonne quantité mais je n'étais pas intéressé.

Pile à vingt heures, les cinq Écossais de THE TWILIGHT SAD se présentaient sous une forte acclamation. Je ne connaissais pas du tout. Bien qu'un peu fort, leur Post-Punk passait bien. Les mélodies à fleur de peau rappelaient IAMX ou Pink Turns Blue avec une instrumentation ni New Wave ni Punky et les synthés présents (le bassiste abandonnant parfois son premier engin pour doubler le claviériste). Le chanteur tout de noir vêtu avait un chant de poitrine ample mais délicat et traversait des crises nerveuses à la Ian Curtis. Son accent écossais le rendait mieux compréhensible que d'autres.
La grosse basse et les notes cristallines assumaient une certaine inspiration Shoegaze, non envahissante heureusement. On n'en dira pas tant des mamans papotant à voix haute sans gêne derrière moi malgré les remontrances de tout le monde… Le point faible devint progressivement évident au fil des titres, malgré le bon accueil du vaste public : ça n'accélérait jamais, aucun titre ne décolla du mid-tempo. Et on comprenait ainsi pourquoi ils avaient décroché cette prestigieuse première partie… Au bout de trois quarts d'heure il était donc temps de rompre pour préserver une bonne impression avant qu'on se lasse pour de bon…


THE CURE se présenta sans autre cérémonie que l'immense clameur populaire et se lança avec "Shake Dog Shake", titre très pertinent pour permettre à la fois à Robert Smith et ses quatre sbires de prendre possession de la scène, et au public de s'immerger. N'ayant pas d'album à vendre, Cure a enchaîné une palanquée écœurante de tubes après les premières notes de basses de "Fascination Street" semées à plein fuzz par Simon Gallup… avec son t-shirt de Maiden ! Dans les gradins certains étaient en pleine expérience mystique introspective, en bas autour de moi ça bougeait volontiers dans un bon esprit, couvrant à pleine voix le clavier d'O'Donnell pour le motif principal de "The Walk". Communiquant très peu, Smith ne permettait que de brèves pauses quand Jason Cooper ne commandait pas un enchaînement depuis sa batterie. En fait il fallait profiter des titres les moins denses pour se relâcher. Le messie Robert fait toujours plus décrépit, le khôl n'y fera jamais rien, surtout avec cette chemise flottante qui le grossit encore pire. Courbé en arrière pour dégager sa gorge, il a conservé ce timbre… réserve faite que depuis longtemps il attaque beaucoup de titres un ou deux tons au-dessous des versions originales ce qui peut les affaiblir nettement. À la seconde guitare, le vétéran de Bowie suppléait à point nommé le patron, lançant même quelques solos. Pour autant le show n'était pas si Heavy que certains l'ont écrit pour d'autres dates, des titres comme "A Night Like This" ou "Charlotte Sometimes" sonnant même plus légers que normalement.

Les éclairages étaient riches et travaillés, avec des moyens certains. Les projections derrière la scène étaient assez atmosphériques, jusqu'aux photos d'histoire des guerres et totalitarismes du XXe siècle illustrant un sombre "One Hundred Years" laissant l'Arena tétanisée. Le Cure comme j'aurais tellement voulu l'aimer… Les écrans de côté étaient bienvenus même si je n'avais pas trop à me plaindre de la vue… le côté droit profita surtout de la jambe de Simon Gallup qui se calait le pied sur les retours juste devant quand il n'allait pas provoquer en duel l'un des guitaristes. L'importance du bassiste devient claire sur scène, pas seulement à cause de la bannière de son club de foot qu'il avait installé une fois de plus sur ses amplis.

Malgré quelques longueurs prévisibles je n'avais pas à me plaindre de la setlist quand arrivait le premier faux départ au bout d'une heure et demie. Au milieu de bluettes Pop pour vieilles adolescentes j'avais participé à l'intense communion de la foule pour "In Between Days" et mon cœur s'était déchiré comme il y a vingt-sept ans dès le premier passage du riff de "Lovesong". Finalement, pas de quoi chambrer les compères en pâmoison…

C'est à ce stade-ci que Smith force encore l'admiration en poursuivant son set, une fois de plus, pendant une heure, sans changer son schéma. Enchaîner "Play for Today" et un long "A Forest" illustré par une masse d'arbres sinistres en négatif est difficilement résistible. Le public tapa des mains au rythme de Simon Gallup sur l'interminable final de ce titre achevant le premier rappel, tandis que Smith essayait quelque chose à la guitare en le regardant. Le dernier retour à la scène servit bien tassé une dernière brochette de tubes obligatoires, pas mes morceaux préférés, ce qui me laissa redescendre en douceur quand beaucoup sombraient dans l'hystérie sur les cœurs dessinés et les vers de collégiens de "Friday I'm in Love", l'infantile "Boys don't Cry" et ce "Why can't I Be You ?", qui synthétise tous mes vieux griefs envers ce groupe et qui clôt la soirée comme par hasard… Smith quitta la scène le dernier pour s'incliner devant tout le monde de chaque côté dans un geste touchant de sincérité. Deux heures trente, comme promis.

Une fois vite sortis nous nous sommes retrouvés… pour finir au Rockstore à nager dans le champagne millésimé jusqu'après trois heures !!!

Avant de revenir prochainement à des affiches plus Metal, je dois donner raison à qui disait que 2016 a été ultra 1986 pour avoir vu en six mois New Order, les Sisters, And Also the Trees, les Swans, Ministry, Frustration même…


Shake Dog Shake/ Fascination Street/ A Night Like This/ The Walk/ Push/ In Between Days/ Sinking/ Pictures of You/ High/ Charlotte Sometimes/ Lovesong/ Just Like Heaven/ From the Edge of the Deep Green Sea/ One Hundred Years/ Give Me It/

It Can Never Be the Same/ Burn/ Play for Today/ A Forest/

Step Into the Light/ Want/ Never Enough/ Wrong Number/

The Lovecats/ Lullaby/ Friday I'm in Love/ Boys Don't Cry/ Close to Me / Why Can't I Be You?

mardi 8 novembre 2016

Feral Membrane Black Sheep Montpellier 5 novembre 2016

Par un samedi de mauvais temps, le public d'habitués est arrivé tardivement dans la cave du Black Sheep. Parfois venaient-ils de loin… Après une semaine usante il avait bien fallu que je me motive, moi-même… Il y avait du merch', et comme il n'y avait que deux groupes ça ne s'est pas pressé pour commencer.

J'avais vu MEMBRANE une première fois il y a une douzaine d'années. Le trio est bien modifié par rapport à cette époque, mais pas ce qu'il restitue. Le HC Noisy Franc-Comtois de tradition est très pur, dans le sillage de nos Tantrum et d'Unsane. Avec des riffs simples mais fins, le son laissé un peu sale et abrasif, c'est tout à fait ce que le public local aime. Par contre, même si cela correspond dans une certaine mesure aux règles du genre, les vocaux étaient bien trop faiblement mixés. À l'arrière étaient projetés des extraits en noir et blanc de différents grands classiques de l'angoisse tirés de Lynch, Gilliam, Kubrick, Hitchcock… ce qui distrayait légèrement alors que le spectacle du batteur qui tapait haut en-dessous justifiait l'attention. Ce qui compensait aussi le néant quasi-total de communication. Le Noise ça emballe, ça rabote et y'a rien à ajouter ! Une petite reprise finale paracheva la communion parfaite entre les aficionados du Noise et ceux qui leur en donnaient du pur.

Déjà observé il y a quelques semaines à peine en ouverture de Napalm Death, FERAL s'est montré plus brutal encore. Le projet parallèle de plusieurs membres anciens ou présents de Stuntman, Morgue, Morse (du Sud) devient de plus en plus considérable. Ils ont donné à leur HC Crusty Grindy une agressivité jamais atteinte, sans doute par le fait de jouer dans la salle emblématique de toute cette scène presque aussitôt après la tournée en Europe centrale. La part de Sludge présente dans les compos semblait céder le pas au vrai Death Metal quand pétaient les blasts. Et pourtant, le public est resté tétanisé par l'explosion jusqu'à ce que le chanteur l'invite à se lâcher un peu et se jette dedans, comme d'habitude. Cela a marché, la fosse se reformant dans une sauvage bousculade. Dur, violent et bien métallisé, imprévisible, le répertoire s'avère complexe à l'image de celui de certains de leurs maîtres évidents (Converge ou Today is the Day c'est dit !). Deux autres chanteurs dans l'assistance furent invités sur le dernier titre, ils se plongèrent dans le public avec le même entrain malgré les micros filaires, provoquant un beau bordel. Faute d'avoir des morceaux disponibles, Feral ne put assurer le rappel réclamé. On en avait oublié ce problème de jeune formation !!! Cette marge de progression était prévisible, reste à suivre où cela peut encore aller.

Les aventures reprendront dans quelques jours pour une très grosse affiche, un groupe déjà repris par l'un de ce soir d'ailleurs…

vendredi 4 novembre 2016

Swans Anna von Hausswolf Paloma Nîmes 2 novembre 2016

La décision de venir ce soir à la Paloma fut prise tardivement. J'avais déjà laissé passer les Swans la dernière fois et j'avais peur de m'ennuyer sur un long set. C'était toutefois l'ultime occasion, probablement, de voir ce groupe majeur qui a influencé décisivement un certain nombre de groupes qui comptent pour moi, d'Ulcerate aux Young Gods, et d'autres qui ont à leur tour suscité tant de vocations : sans les Swans, pas de Neurosis, ni ce qui s'ensuivit.
Dans ce confortable centre musical moderne et proche de l'autoroute, l'affluence était correcte mais pas compacte. Et ce n'était pas très jeune en moyenne. La distribution de bouchons à l'entrée était une saine précaution tant on sait que les Swans jouent fort. Le temps de jeter un œil au stand bien fourni, la première partie commençait discrètement dans la petite salle, la Red Room. Le peuple qui était encore plutôt dans la cour se transbahuta peu à peu.

La toute menue ANNA von HAUSSWOLF n'a pas l'air de grand-chose au milieu de ses trois comparses (dont un membre des Swans). Mais quelle voix ! Si certains y voient déjà un phénomène artistique, le long premier titre ne montrait rien de très nouveau en fait, c'était de la Dream Pop ou Heavenly Voices digne des temps légendaires du label 4AD. Avec un volume élevé et pur dans la pénombre bleuie, il faut reconnaître que ça transmettait : le silence religieux absolu flottant plusieurs secondes à la première pause s'observe rarement. La suite navigua entre Néo-Folk, Drone et Indus martiale, avec des traces de Néo-classique, l'obscurité glissant vers des reflets plus rouges. Le malentendu peut venir d'une certaine parenté esthétique avec le Black Metal, surtout quand elle headbangue sa tignasse blonde, alors qe cette musique provient de toutes autres traditions. Et vraiment, ce chant puissant à large amplitude est un vrai don. Reste à vérifier ce que ça rend dans la durée avec un autre cadre, sur album. Le long final dépassant le temps prévu sembla comporter une bonne part d'improvisation, à titiller les potards des synthés et tirer des sons inattendus d'une simple Fender Stratocaster. "Eraserhead" n'était pas loin. Le set de trente minutes restait trop court pour des titres aussi longs, mais justifie qu'on y revienne dessus à la maison à condition de ne pas se tromper sur l'identité de la chose.

Les SWANS se sont installés en demi-cercle autour du seul chef désormais, Michael Gira iconique avec sa guitare. Cela commença par un titre de cinquante minutes (oui !), de déchaînements telluriques au volume sonore massif, d'où monta une petite boucle Electro (limite un loop) qui rappelait combien les frontières du Rock Industriel sont poreuses. Le charisme de Gira, après avoir tourné le dos au public un long moment, se déploya progressivement à l'image de sa diction et d'une gestuelle lente. Ses bras s'ouvraient aussi lentement que son débit, comme une éclosion.
L'exercice du live permet de comprendre bien mieux la musique des Swans. Que les morceaux soient pachydermiques ou un peu plus rapides, délayés à mort ou d'un format classique, il y a quelque chose de spirituel, chamanique et viscéralement américain. Certaines personnes étaient en comme en transe. La puissance dégagée, appuyée ponctuellement par Gira faisant comme s'il jetait le son sur nous, n'a rien à envier au Metal bien qu'il vienne d'ailleurs. Des morceaux interminables et patiemment mis en place par des répétitions délayées s'achevaient ensuite très rapidement.
La préparation des montées sur des rythmes lents laissait de longs passages de tension très progressive, autant dire de vraies longueurs pour des bourrins comme nous, sur un set exceptionnellement long. Cela justifiait que comme à la messe orthodoxe, certains fidèles sortent s'asseoir ou se détendre un moment. Pendant ce temps le service d'ordre passait au fond avec des casques sonores de chantier, la mine hilare. Rarement me suis-je autant félicité que ce soir d'avoir des bouchons de qualité… Soucieux du détail, Gira n'appréciait pas trop les spots dans la figure ni les larsens qui l'amenèrent à essayer de chanter un passage sans micro, puis à chercher une meilleure position et à commander le technicien aux retours qui n'a pas eu l'air de comprendre ce qu'il voulait.
La batterie, bien que rigoureuse, n'avait servi pendant une bonne partie du set qu'à marquer les déchaînements de guitare. Puis de vrais riffs apparurent enfin et elle reprit le rôle de donner le rythme sur les titres plus entraînants amenant l'assistance vers la sortie, dans un style rappelant presque le Ministry des grandes heures. Ainsi délassé de tant de vagues sonores et de tensions répétées, le show s'acheva sans rappel au bout de deux heures et demie.

Dans un autre genre c'était un show aussi éreintant que de grandes pointures de Death brutal, un show musical étrange mais séminal, je ne regrette pas cette expérience un peu éprouvante.

lundi 31 octobre 2016

Obscura Revocation Beyond Creation Rivers of Nihil Jas'Rod Pennes Mirabeau 28 octobre 2016

En plus d'avoir planifié cette soirée depuis beau temps (j'avais même calé un déplacement professionnel en fonction !), les excellents retours de cette tournée me donnaient une forte excitation au moment de monter au Jas de Rod, au bout de l'Estaque, en surplomb de la zone commerciale de Plan de Campagne, ou de l'étang de Berre et de Marseille pour ceux qui connaissent moins.
Je n'y étais pas retourné depuis presque dix ans pour une autre affiche de Death Metal… Avec sa scène un peu étroite en arc de cercle et bien en surplomb dans une salle plus large que profonde, elle est mieux fichue que d'autres. Et puis surtout cette fois ce n'étaient pas seulement un mais deux groupes prenant place dans ma discothèque que je venais voir ! Le truc qui ne m'est arrivé que cinq ou six fois en vingt ans de concert !
L'affluence était conforme à ce qu'on pouvait attendre, bien que j'aurais certes rêvé de voir plus de monde. Avec le dernier Gojira en fond sonore, profitons de l'attente pour faire un tour au merch' très fourni pour tous les groupes à des prix classiques et tenu au moins au début par les musiciens eux-mêmes. J'ai failli craquer et si vous voulez faire un bon placement, profitez de ce que l'album d'Unhuman soit disponible au stand de Beyond Creation.
Comme souvent, Obscura avait déjà installé la batterie en arrière de la scène et les banderoles de côté, mais il y avait bien assez de place.

Les Pennsylvaniens de RIVERS OF NIHIL ouvraient le show avec un Death bien typé des années 2010, propre et largement combiné aux polyrythmiques du Djent. Cela produit en conséquence du gros riff carré bon pour charmer tout fan des premiers Gojira dans un habillage plus extrême. Une certaine expérience de la scène se sentait, dans l'aisance et la capacité à vraiment jouer ensemble. Le niveau professionnel du groupe d'ouverture s'appréciait, la fosse se forma au bout de quelques titres. Il n'en demeurait pas moins cette tarte à la crème si typique de l'époque actuelle se laissait bien vite cerner, la demi-heure accordée suffisait.

Je suis BEYOND CREATION depuis le premier album et pas question de rater leur première tournée en Europe. Les instruments sans tête et les quotas de cordes dépassés déclaraient déjà les ambitions techniques. Les changements de personnel et l'exigence du style pratiqué n'ont pas provoqué d'accidents. Même avec un jeune nouveau bassiste en lieu et place de Dominic Lapointe, c'est une vraie machine à quatre qui vient encore du Québec et qui a captivé l'auditoire. Leurs compos varient entre titres complexes plein de trouvailles, renouvelant sans heurter ni ramollir le Death très technique et bien Jazzy (le dernier album), et autres morceaux aux solos de guitare inspirés, indécemment longs et jamais ennuyeux (le premier album). Le tout étant restitué au poil. Hugo Doyon va vite se faire connaître. Les passages en tapping de la vieille garde du groupe emportaient l'admiration des premiers rangs. À la batterie, Philippe Boucher a quelques gestuelles originales un peu spectaculaires lui permettant d'enchaîner certains plans par un seul mouvement fluide.
Simon Girard s'exprimait bien sûr en français mais n'en fit pas des tonnes, sa musique parlant pour lui. Son growl n'est pas original mais irréprochable. Il est d'ailleurs remarquable qu'avec Kevin Chartré, le vieux noyau guitariste du groupe ne cherche pas du tout à écraser la section rythmique, tout au contraire. Encore une fois, le Death technique a comme grand atout de mettre la basse mieux à l'honneur que presque partout ailleurs. Se sentaient dans les acclamations une pointe d'admiration collective, plus que de simple plaisir. Vers la fin le pogo reprit malgré la force d'attraction du spectacle instrumental, et en m'écartant j'ai pu constater que dès qu'on sortait de l'axe des enceintes le son se perdait très nettement, en raison de la structure de la salle. Au bout de trois quarts d'heure ils ont laissé place, mais j'étais comblé et ils ont surtout gagné de nouveaux fans.

Au fil de leur discographie déjà dense, je n'ai jamais trop accroché à REVOCATION qui était le groupe un peu différent du plateau de ce soir. Leur Death-Thrash mélodique assume aussi certains gros riffs, et ce mélange plaît évidemment au public qui pouvait enfin se lâcher pour de bon sur la plupart des passages, avec ce style plus simple et direct. Le chant criard et les quelques passages limite acoustiques semblaient révéler une certaine influence d'At the Gates et consorts, aussi. N'empêche que cette mixture à la mode manquait de personnalité par rapport à ce qui s'entend ailleurs, même en s'en tenant à leur génération et en ne tiquant pas sur les simples "France" du chanteur pour nous interpeller. Certes il y a de vrais riffs – tout le monde ne peut en dire autant dans le Deathcore – et des domaines d'inspiration suffisamment variés, mais une fois terminé on n'en retient pas grand-chose.

Pour couronner le tout OBSCURA arriva sans se chauffer et au pas, pour attaquer par des titres d'"Akroasis" comme on pouvait s'y attendre. En quatre ans depuis la première fois que je les avais vus, la fougue semblait avoir disparu. Il fallait donc plutôt s'immerger à mesure dans ces nouveaux titres à l'architecture complexe, chargée, aux multiples chatoiements et à l'interprétation si exigeante. Ceci expliquant certainement cela. Le personnel a bien changé depuis Toulouse, mais le répertoire antérieur apparaissait dès le vilebrequin morbidangélique "Ocean Gateways" qui remit un peu de physique dans ce Death si intellectuel…
La gentillesse réservée toute germanique de Kummerer n'aide pas à compenser cette attitude plus statique, cependant son anglais très compréhensible lui permettait d'exprimer son amical souvenir à Benighted, ou de demander si certains les avaient vus au HellFest malgré les préjugés entre nord et sud de la France. Le beau spectacle technique s'équilibra ensuite quand apparurent des titres de "Cosmogenesis" dont l'approche plus directe corrigeait le danger d'un set démonstratif et un peu trop froid. La fosse se réanima. Cette réorientation ne laissa place ni à la période antérieure à l'arrivée chez Relapse (mais on est habitué) ni même à l'album intermédiaire, bizarrement, qui ne revint pas au programme. Le chanteur de Rivers of Nihil et une roadie vinrent même slammer sans crier gare, bon esprit. Le rappel vite consenti finit encore sur cet album de la révélation, pour un final plus emballant qu'avec des reprises pieuses comme naguère. Pendant que Kummerer présentait son équipe actuelle, je me disais que le dosage de la setlist était rassurant, il a conscience du risque pris avec "Akroasis" et ne veut clairement pas qu'Obscura devienne le groupe de perfomeurs au répertoire brillant et sans âme qu'on bade sans bouger. C'est rassurant pour l'avenir.

Heureux d'avoir eu la bonne dose de Death haut de gamme que j'attendais depuis un certain temps, me voici ragaillardi pour de nouvelles aventures vers d'autres horizons musicaux requérant un peu plus d'ouverture de ma part.


mercredi 26 octobre 2016

Epica Visions of Atlantis Rockstore Montpellier novembre 2004

…Mais qu'allait-il faire dans cette galère? Petite chambrée, le heavy ramène moins que le brutal. Public donc clairsemé, typé heavy mais fort féminisé (pas la parité mais au moins le tiers). En ouverture VISION OF ATLANTIS profite d'avoir un vrai fan, de ceux qui se voient mais pas trop ridicule quand même. Il sera question ici de heavy typé. La section rythmique est bien en place, la batterie charpente solidement l'ensemble. La guitare manque par contre de présence. Les claviers restent très classiques, parfois d'un goût hasardeux. Reste le chant, partagé entre un chanteur qui est très visiblement le capitaine d'équipe, et une chanteuse. Cette dernière manque encore de charisme mais au moins assure son affaire honorablement, donnant un côté très Nightwish qui s'accentue à mesure que s'accumulent les titres, souligné par des plans souvent très similaires. Cette ressemblance n'était d'ailleurs pas un handicap et c'est là que bien souvent résidaient les meilleurs passages. Par contre le boulet, le maillon faible est bien à la charge de son compère, dont le chant est beaucoup moins bon et gâche sempiternellement les bons moments introduits par le chant féminin. Il serait sans doute plus utile avec une seconde guitare rythmique, quitte à continuer les annonces et interludes. Dix fois plus criant que chez Lacuna Coil. C'est ici qu'il faut signaler aussi une nouvelle faiblesse de micro en début de set. Lyrique, agréable mais très classique, manquant légèrement de puissance et frisant allègrement le kitsch, la musique de l'Atlantide s'est déroulée sans surprendre jusqu'à l'esquisse d'une reprise de Nightwish aussi téléphonée que la passe de l'attaque anglaise qui offrit à Philippe Sella son essai de 70 m dans Twickenham médusé un bel après-midi de l'hiver 1987 et la victoire au XV de France avec Grand Chelem au bout. C'est vous dire… Mais succès facile. De bons morceaux, talentueux mais sans génie, sans accroche... sans personnalité? La sincérité fait beaucoup mais pas la totalité. Un dernier titre, applaudissements cordiaux et puis adieu. V. o. A. n'est pas franchement mauvais, mais il faudrait quelques arrangements de fond pour espérer vraiment passer un cap.

EPICA c'était évidemment autre chose, à moult points de vue. Le son était évidemment bien meilleur, plus puissant. Un très bel effort sur les effets lumineux, particulièrement travaillés, et qui seront pour pas mal dans la réussite annoncée de l'affaire (les effets ventilos aussi peut-être, mais c'est le genre qui le veut). Epica, en fait, se montre beaucoup plus ambitieux. Ici le heavy est bien plus sombre. Il se fait finalement doom, enrichi par une option symphonique clairement revendiquée à grands renforts de samples et que d'aucuns rattacheraient à une tendance gothique… Très proche d'After Forever (mais vous saviez). L'expérience scénique se fait également sentir. Et pourtant les compos ne se privent pas de surprendre, notamment par des passages au claviers osant des sonorités inattendues. Les guitares sont utilisées comme éléments de puissance, non d'envolées lyriques. Lourdeur renforcée par la présence non symbolique d'un excellent guitariste-chanteur spécialisé dans le chant death/black, employé selon un dosage subtil et de très bon aloi. C'est néanmoins la chanteuse qui assure l'essentiel du travail, enchaînant les titres sans mal et menant son public au son d'un organe sans aucune faiblesse… sauf un énième pain de micro, rendant cette faiblesse exaspérante (carton jaune à la maison Rockstore pourtant vénérable!) Ce dualisme bien réparti procure une profondeur importante à la musique. Epica se présente comme une formation équilibrée, jouant de tous ses atouts sans se reposer à l'excès sur sa gironde et compétente vocaliste. Pas question de heavy helloweenesque mais bien au contraire tourné versant doom. Noir, romantique et symphonique à défaut d'être peut-être vraiment gothisant selon nous, réellement puissant et lourd – certains passages envoyaient sévère. Le raffinement des compositions se sent dans leur intelligence. Certains critiqueraient peut-être un usage abusif des samples en intro ou outro, mais c'est peine perdue chez un groupe qui revendique si fort le caractère symphonique. Plus franchement regrettable, l'absence de soli bien trempés qui ajouteraient encore une dimension. Mais c'est là que joue sans doute aussi la revendication doom. A noter une excellente chanson en duo piano-synthé & chant, pendant laquelle le claviériste se paya quelques mimiques parodiques d'autant plus poilantes qu'elles étaient en finesse, juste assez outrées pour laisser un doute. Deux titres en rappel, dont un dernier long mais pas ennuyeux du tout. Vous l'aurez compris, les bataves d'Epica se sont montrés convaincants, pros et pertinents. Plus que Within Temptation, Evanescence ou  Nightwish parmi cette récente vague féminisante transversale dans le Metal, des combos de ce genre contribuent à démontrer que la présence de chanteuses et de samples a un réel intérêt et toute sa place dans la tendance plus extrême, à condition de lui faire une place à part. Sur ce constat, 22h 35, tout le monde au lit.

Machine Head God Forbid Ramonville 13 octobre 2004

Bienvenue au Bikini virtuel, abrité par la salle des fêtes de Ramonville cité de banlieue, salle longeant le canal du Midi. Incontestablement, cette soirée était marquée du signe de la tendance. Deux groupes appartenant clairement à cette fameuse nouvelle scène émergeant outre-Atlantique sous le nom un peu prétentieux de NWOAHM, et une tête d'affiche accusée depuis longtemps de s'orienter en fonction de ladite tendance du moment à chaque album… Conséquence de tout ça : salle comble, concert complet, ce qui confirmait là encore la tendance au succès des concerts. Public assez jeune dans l'ensemble.

Et il fallait arriver à l'heure pour ne pas rater CALIBAN qui commença devant un public encore très clairsemé. Porté par un son correct sans plus, Caliban réunit tous les traits du jeune groupe américain qui fait sa première tournée européenne. Un petit manque d'expérience de la scène se sent, notamment avec quelques jolis blancs entre les titres (ah, le trac…). Ou sinon n'échappe à aucun des petits poncifs du combo américain : "You France are really great, thanks a lot, buy our new album, etc, etc…". Tout ceci agrémentant une musique elle-même hyper-tendance, très proche de Killswitch Engage avec quelques hurlements à la Chimaira. Que reprocher finalement à Caliban sinon de sonner comme tous les autres groupes du courant actuel et d'avoir un chanteur qui se grime comme pour ressembler à son confrère de chez Placebo (ce qui accentue le côté attrape-mode)? En attendant la suite éventuelle, espérons que ces chers petits se trouveront une personnalité pour plus tard quand le courant qui les porte aujourd'hui aura décru, et mettons tous ces petits défauts sur le compte d'un suivisme dû à la jeunesse et donc excusable pour le moment.

GOD FORBID, au contraire, est un des précurseurs de la nouvelle vague. Il promeut déjà son deuxième album devant nous. Aussi nulle surprise à trouver un groupe bien plus à l'aise sur scène, et un son plus abouti. L'affiliation avec Gotebörg est ici encore plus criante au fil des morceaux. Mais, vous l'aurez compris peut-être, ni cette école suédoise originelle ni son rejeton américain ne sont mes tasses de thé. Alors, hormis quelques bons moments comme le dernier titre plus direct et primaire que les autres, ou lors de certains solis, un certain désintérêt nous gagne. Il était plus l'effet d'un manque d'inclination envers le créneau musical en scène que de quelconques défauts imputables au combo. Une partie du public, devant, a l'air d'apprécier, pas surprenant finalement…
… Bon, en attendant el jefe de lidia, nous ne retenions pas grand chose de ce que la nouvelle génération triomphante nous avait montré. Le long intermède au son du dernier Chimaira nous parut le meilleur moment en attendant la suite, pour vous dire.

Et arriva enfin MACHINE HEAD au son d'un Imperium dont les premières notes furent chaleureusement acclamées et donnant lieu évidemment à un joli pogo. Ainsi commença en fanfare (et un peu trop en fumée mais ça ne dura pas) une performance qui s'avéra remarquable. Même le vieux fan que je suis et qui ne les voyait pas pour la première fois reste soufflé par la force, l'enthousiasme de MH cuvée 2004. Robb Flynn a-t-il aggravé son cas de compositeur opportuniste avec Through the Ashes…? En tout cas il est patent qu'il s'est depuis libéré de certaines choses, à le voir se donner avec la joie et la foi des psychanalysés, des renouvelés, sans tabous ni limites. Autrefois, il faisait penser malgré lui tour à tour à Kerry King, James Hetfield ou Phil Anselmo sur scène. A présent, les mêmes poses sont prises avec tellement de naturel que ces références s'oublient complètement. Maintenant, les quatre d'Oakland ont assez de titres en réserve pour ne choisir que les grands classiques hors bien sûr la grande place laissée au dernier album à promouvoir. Mais même les plus anciens morceaux de Burn my Eyes (en l'occurrence Old, Davidian et Block) sont interprétés avec une sincérité frappante malgré le temps passé, spontanéité partagée par tout le groupe y compris le dernier arrivé Phil Demmel. Ce dernier semble beaucoup mieux intégré qu'Ahrue Luster en son temps, du moins sur scène. Et ne parlons pas d'un public déchaîné et heureux, répondant à toutes les invitations. Encore une fois, la franchise sur scène se ressent toujours dans le parterre dont le bonheur transcende en retour l'artiste et ainsi de suite…
Et Flynn de rigoler à l'adresse du maladroit qui n'a su rattraper son verre lancé plein, de nous blaguer à sortir tous ensemble à boire un pot en sortant (mais on aime se laisser prendre aux promesses de gascon par ici), puis nous exhorter à fêter publiquement l'anniv' d'un des membres de God Forbid qui revient sur scène noir comme l'encre et en perpétuel déséquilibre, de nous gratifier d'une très jolie interprétation de Descent the Shades of the Night avec intro complète à deux guitares sèches le tout dans un éclairage presque a giorno osé mais adapté à l'ambiance, de sacrifier à la nouvelle mode au milieu de Block en séparant le public par le milieu tel Moïse avec la Mer Rouge pour nous ordonner ensuite de nous rentrer dedans… Une impression de liberté atteignant une dimension quasi transcendantale et hallucinée lorsque s'entonne une reprise tronquée au premier couplet du Walk de Pantera, reprise en chœur jusqu'au fond de la salle. Oui, Pantera! Le groupe avec lequel MH fut sempiternellement comparé et mis en concurrence ou en parallèle par la critique et le public, tandis que les deux intéressés feignaient sans cesse de s'ignorer… Certes, les texans sont aujourd'hui séparés. Mais un tel hommage brisant les anciens interdits ne prouve-t-il pas aussi une assurance enviable?
Tout en sachant qui tient les commandes, nous signalerons un Adam Duce toujours égal à lui-même, inusable en un certain sens, et un Dave McClain toujours très pro derrière sur son matériel (mais un peu juste quand il jongle avec ses baguettes!).

Sortant comblé et quelque peu sonné d'un tel déferlement, il faut rappeler que c'était là l'une des toutes premières dates de la tournée européenne d'un groupe qui est donc en forme car pas encore usé par la vie décalée propre à ces exercices, qui sait que son public est essentiellement en Europe et qui s'y sent donc particulièrement à l'aise. MH n'est-il donc qu'une girouette? S'inspirer de la mode en vogue pour modifier son style à la marge ou en privilégier coup par coup un aspect jusque là discret n'est assurément pas condamnable lorsqu'on constate un talent et une sincérité aussi brillantes. Si ça continue même train, attendez-vous à du très grand Machine Head. Quant aux détracteurs…

PS : Dommage qu'on se soit loupé, Fabrice! Sans doute la foule.

Manimal Leiden Rockstore Montpellier 19 janvier 2005

Quand des groupes toulousains viennent jouer à Montpellier c'est un peu la réunion de famille… Public moyennement fourni, pas honteux mais pouvait-on espérer la foule ?

Entame tout de même aux locaux avec HYPNO5E – oui, vous avez bien lu, pas de faute de frappe. Ce jeune groupe – paraît-il – est quand même assez carré, ce qui est un bon point. L'intro' est assez surprenante avec ces nappes de cordes enchaînées avec une boucle tek' bien bourrine. Mais il est ensuite question d'un Metal très froid, qui fait immanquablement songer à Gojira. On alterne les passages très lourds, aux rythmiques parfois surprenantes, avec d'autres passages mélodiques et mélancoliques sans jamais aucune transition. Une autre intro en boucle, très proche de la première. Le chant est encore présentable à ce niveau mais il faudra impérativement s'en occuper. Il y a un mur d'images derrière mais les jeux d'éclairage empêchent d'en profiter vraiment. Dans ce genre de musique, il est fondamental de donner de la cohérence par les compositions et Hypno5e semble l'avoir plus ou moins compris ce qui permet aux morceaux de passer assez bien malgré une certaine linéarité et une marge de progression encore large. Encore vert, mais pas ridicule. Par contre il faut aussi faire un effort pour se rendre communicatif, car déjà que la musique est froide... Même Godflesh à l'époque il était mieux là-dessus ! Mais mettons tout ça sur le compte de l'inexpérience dont on ne saurait tenir rigueur.

Après un long intermède arrive LEIDEN. Un peu décalé entre les deux autres groupes. Ils ne m'étaient pas inconnus, et je me pris vite à penser qu'ils avaient bien plus leur place en première partie d'Epica que les Visions de l'Atlantis… Les toulousains sont impeccables, quel beau chant Death ! et un son de gratte intéressant rappelant parfois celui de The Gathering période "Mandylion". Mais pourtant Leiden prend à complet contre-pied les habitudes données par la bande à Simone et After Forever. Ce qui fait leur personnalité, c'est qu'au contraire de ces derniers le lyrisme n'est pas épique mais glacial, angoissé, inquiétant, comme un mauvais rêve qui frôle le cauchemar sans jamais y tomber. Car il est ici question de Heavy Death Atmo et non pas de Heavy Doom Atmo, et la nuance est de taille. Alors c'est sans doute pourquoi leur musique est plus difficile à pénétrer que ce qu'on pouvait peut-être prévoir. Leiden n'est assurément pas un groupe à chanteuse opportuniste de plus. L'avenir nous dira si leur différence paiera ou au contraire leur vaudra l'ignorance générale. En tout cas accéder à leur univers se mérite un peu, il faut accepter d'y consacrer plusieurs écoutes attentives ou une concentration accrue en concert. Mais vous auriez tort de ne pas faire l'effort, car il y a là quelque chose de nouveau, peut-être de précurseur dans leur créneau si étroit. Alors courage à vous et aussi à eux, ça serait dommage pour tous… En tout cas un pogo là-dessus m'apparut un peu incongru et le violent dancing (oui !) complètement hors de propos, limite irrespectueux…

Enfin MANIMAL, attendu par quelques fans conquis d'avance. Attention les mémés ! Servis par un excellent son, remontés visiblement par la chaleur de l'accueil, ce fut un triomphe. Il y a de quoi ! Manimal propose un Death Metal très original, mâtiné et paraît-il influencé pour cela par Faith No More. Soit, si c'est période King for a Day… ou plus précisément la personne de Mike Patton car j'ai plutôt pensé à Mr Bungle. Quelle fureur ! Quelle puissance rafraîchissante ! Quelle débauche de folie déjantée mais nullement brouillonne ! L'erreur serait de se jeter à corps perdu dans la fosse, car la musique de Manimal est intelligente et mérite toute l'attention, un peu comme System of a Down dans un autre registre. C'est ce qui fait la force du projet, plus encore que des musiciens tous très pros et un chanteur faussement primesautier, concentré d'abord sur son job (prestation impeccable et il faut le faire en assurant les deux types de chant, demandez ce qu'il en pense à Burton C. Bell) mais pour autant charismatique. Les titres regorgent insolemment de bonnes idées, étonnantes, jamais délayées, parfaitement intégrées dans des ensembles parfois brefs mais d'une cohérence redoutable et même exceptionnelle pour un groupe niveau premier album. Nous avons eu une grande performance, en partie grâce à l'énergie du public captée par le groupe et renvoyée selon le théorème bien connu… Le groupe demanda et obtint une belle ovation pour Buffet Froid. La clameur finale fut telle que nous fûmes gratifiés d'un rappel imprévu ; faute de reprise ou de morceau prêt on se renvoya une nouvelle fois un déjà interprété mais peu importait pourvu qu'on grappille un peu de rab'. Voilà, un truc comme ça existe et mérite un sérieux soutien. Car c'est du jamais entendu, du très bon, un projet parallèle qui gagnerait à un investissement complet, qui contribue pour beaucoup à tirer la "scène française" de l'espèce de suivisme qui l'a longtemps discréditée si vous voulez voir les choses ainsi, qui apporte quelque chose de novateur au Metal certainement. L'avenir est au Sud. Occitán Metal liure !

Kreator Dark Tranquillity Ektomorf Hatesphere Rockstore Montpellier 10 février 2005

Grosse affluence pour une affiche large. L'avantage de ce profil de tournées pour la province c'est que ça motive le public pour se bouger. Il fallait arriver très à l'heure pour ne pas rater HATESPHERE qui commençait alors que le public était à peine autorisé à rentrer, et déjà que coup d'envoi était précoce beaucoup de gens les ont hélas raté. Car la réputation d'Hatesphere les précède. Cet excellent groupe de Thrash moderne (plus PanterA Machine Head que directement Slayer) est très carré et jouit du son bien puissant qu'il leur faut, et pourtant bien typé thrash scandinave même sur scène. Des compositions classiques mais fort efficaces maintiennent un bourrinage massif, sans pitié. L'expérience musicale et scénique est très visible, même si quelques poses ou plans sont un peu cliché sur les bords (mais on s'en fout). Performance triomphale, trop courte hélas, qui a lancé la soirée en plaçant la barre bien haut. Hatesphere méritait un placement plus honorable et plus de temps de jeu.

EKTOMORF aussi a mis pas mal de monde d'accord, mais pas de la même manière hélas. Je rejoins la critique de l'album sur le site. En un demi-morceau, la filiation Soulfly est limpide. Elle tombait mal parmi les autres groupes présents. Néanmoins après tout on a le droit d'aimer Soulfly et de suivre ses traces. Mais même, le manque d'originalité est rédhibitoire. Le professionnalisme ne fait rien à l'affaire, c'est que l'intérêt de la musique du groupe est trop restreint. Ektomorf n'apporte rien de plus par rapport à son maître. C'est la tragédie classique des suiveurs trop respectueux. Manque de génie ? Bah, ça pouvait aller pour jumper si vous vouliez.

DARK TRANQUILLITY s'est fait tout de suite remarquer par un son très différent, extrêmement propre et clair. Le même qu'en studio, restitué à un point presque incroyable, laissant tous les instruments cohabiter sans qu'aucun ne surnage en particulier (et surtout pas les guitares). C'est une façon de reconnaître aussi que la performance musicale de tous les musiciens fut parfaitement irréprochable. Il m'a fallu un peu de temps pour rentrer dedans quand même, à cause de ce manque d'aspérités auxquelles s'accrocher. C'est pas le tout d'être mélodique. La propreté du son de D.T. est liée aussi à celle des compositions, je ne vous apprends rien. Mais à force d'être bien lissé et laqué comme un canard on court le risque de laisser s'installer un certain ennui chez le spectateur non fan qui ne connaît pas les morceaux par cœur. Pas de surprises, pas de folie…Bref on retrouve en concert les mêmes griefs que l'on peut faire aux albums, et à toute l'école de Gotebörg. Heureusement pour eux D.T. compte de nombreux fans, et un répertoire assez riche pour y puiser quelques anciens tubes après avoir défendu son dernier opus. Joli succès donc mais impression un peu mitigée chez le spectateur neutre, qui savait pourtant à quoi s'attendre. Au fond, on ne peut rien reprocher à D.T. qu'ils ne veuillent délibérément, alors les critiquer ne servirait pas à grand chose.

KREATOR enfin a retrouvé l'esprit du début de soirée et a laissé tout le monde sur les rotules. Un son d'une puissance énorme (surtout par rapport au précédent groupe tout en étant aussi impeccable à sa manière) et surtout une envie… Car si Kreator évoque forcément les vestes à patches et nos années 80, toute ringardise est hors de propos. Mille et sa bande n'ont pas perdu la foi, loin de là. On a embrayé sur Enemy of God et Impossible Brutality (avec l'habituel faiblesse de micro du Rockstore en début de set, ça devient pathétique), puis un enchaînement Pleasure to Kill – Renewal éreintant. Les classiques se sont succédés sans merci, Extreme Aggression, People of the Lie, Riot of Violence chanté par le batteur qui a d'ailleurs assuré une performance extra bien mise en valeur par la production… et j'en oublie. On a l'impression agréable de bien connaître le répertoire du groupe, ses mille et uns riffs qui vous lacèrent et vous transcendent à la fois, et ses refrains hurlés en chœur par la foule. Les slammeurs n'étaient pas nombreux mais repassaient sans cesse et ont causé une petite explication pour leur rappeler de ne pas fichtre en l'air le micro à chaque fois et autres incidents. Par contre, au risque de vous faire écrouler de rire je comprends mieux les assez nombreux couples qui se pelotaient sous le pilonnage sonique des allemands, car il est porteur d'une puissance de vie, d'un rare sentiment de vivre intensément le présent comme en amour, de ce qu'est en réalité le Metal au-delà des clichés morbides. Rappel pas très bruyamment exprimé (épuisement physique général…) mais très attendu. Terror Zone, Flag of Hate et Tormentor enchaînés pour nous achever. Une telle avalanche de classiques imparables est le privilège des monuments vivants. Moi qui d'habitude ne vis pas les concerts très physiquement, j'étais vanné sur le court trajet vers la maison. Franchement, laissez vos éventuels préjugés sur le Thrash "à l'ancienne" et allez voir les allemands de ce pas. En cette époque où la scène est saturée de groupes pas toujours solides il est bon de se replonger dans les classiques. Pas seulement pour pouvoir dire qu'on connaît, qu'on a la culture Metal etc, mais tout simplement parce que c'est BON et qu'avant de se hasarder dans la dernière nouveauté vue en pub dans la presse spécialisée il vaut mieux se tourner vers les Grands Anciens vous attendent et vous combleront plus certainement. D'autant qu'ils sont toujours verts.

Très heureux enfin d'avoir pu rencontrer quelques vseurs de plus – et aussi des non vseurs, ça devient people ces concerts ! C'était la cerise sur le gâteau d'une excellente soirée au terme d'une journée bien bien merdique.

Dirge Spinningheads Antirouille Montpellier 5 février 2005

De ma fenêtre, en vous tournant vers la gauche vous apercevez l'enseigne de l'Antirouille. Après un long moment d'absence, cet ancien haut lieu de concerts dans la ville a été repris cet automne par un ancien barman du Rockstore. Ce samedi, soirée piercing avec volet musical prestigieux. Autant vous dire que comme un certain nombre d'autres spectateurs c'était uniquement ce dernier qui m'intéressait. Mais le concept ratissait deux sortes de publics assez distincts, si ce n'est trois comme on va le voir. Mais cette double facette permettait de ratisser large et d'assurer une belle entrée.

Quelques premières performances meublèrent donc l'attente avant l'entrée en scène des locaux SPINNINGHEADS venus défendre leur nouvelle production. Et par rapport à la dernière fois que je les avais vu il y a un peu plus d'un an les progrès sont certains. Le groupe est beaucoup plus puissant et carré, ce que certains coreux taxeraient de métallisme… Mais ce serait sévère, car la typicité HC ne fait pas de doute. Les compos apparemment nouvelles passent bien, le chanteur a gagné en aisance ce qui rend sa colère plus expressive que dans mes souvenirs. Sa capacité à faire du spectacle est plutôt un atout comme lorsqu'il mime avec son micro l'auscultation de son gratteux, mais surtout par son investissement scénique preuve de sa sincérité. Le HC n'est-il pas une musique d'expectoration, qui plus que toute autre permet de traduire ce moi qui n'est pas exprimable autrement ? Hélas, le set sera gâché par d'incessants problèmes techniques (retours, batterie, guitare…). La seule chose qu'on pourrait regretter, c'est que même pour moi dont la culture HC reste lacunaire Spinningheads apparaît comme un bon groupe très classique. Bien sûr, Bonne Maman qui n'y connaît rien trouverait ces petits jeunes incroyablement excités ; mais par rapport à ce qui se fait ailleurs il n'y a rien qui fasse une vraie différence, une originalité qui frappe, quelque chose qui marque la mémoire auditive. C'est un peu frustrant quand on sait que le groupe existe quand même depuis pas mal de temps, et j'ai compris alors les quelques critiques respectueuses mais unanimes ayant visé l'album que je ne connais pas. En attendant, on pouvait se contenter de ce qu'on avait et la scène HC méridionale est loin d'être assez saturée à mon sens pour qu'elle ait le luxe de se passer d'un combo quand même bien rôdé et efficace. Mieux vaut du traditionnel solide et sans faute que de se lancer dans des expérimentations au-dessus des moyens qu'on se connaît, parfois, et se contenter de ce que l'on a. Néanmoins, mention spéciale au dernier morceau avec double basse qui montre peut-être la voie vers autre chose et a esquissé en finale une autre dimension à explorer, qui est pourtant cohérente avec le reste… malgré la corde cassée qui clôturait cruellement le chapelet de pépins techniques.

Pour la mi-temps reprise des performances piercing, avec la tant attendue suspension annoncée et projection d'extraits de la Passion du Christ selon Mel Gibson pour donner le ton (rien que ça !). Born Too Late a eu alors la gentillesse de m'offrir un godet fort désaltérant et donc personnellement bien plus profitable, on s'est plus intéressé à la conversation, tandis qu'un peu plus loin certaines tombaient dans les vappes à la vue du spectacle (authentique !) Le temps de tout ranger et place à la musique à nouveau…

Je ne connaissais DIRGE que de réputation. Il ne m'a fallu que quelques instants pour rentrer complètement dedans. L'apparentement à Neurosis est limpide mais parvenu à un certain niveau on se fiche des ressemblances et des filiations. Et Dirge nous a emmené dans un voyage hallucinant, cet univers parallèle si ressemblant au nôtre gisant au plus profond de nos angoisses, et dont nous cherchons hypocritement à nous détourner. Pour une fois, voilà un groupe qui offre un mur d'images travaillé, vraiment en phase avec la musique et homogène par lui-même. Il n'est pas indispensable mais agrémente le trip onirique en l'enrichissant, en précisant les émotions par lesquelles on entend vous faire passer. Je ne me suis plus guère intéressé à ce qui se passait sur scène pour me laisser porter par ce son post-apocalyptique. Ivre de désespoir, dépouillé de tout, ne restait à l'auditeur-spectateur que l'introspection lentement guidée par les rares mais précieux râles des trois chanteurs, des rythmiques hypnotisantes savamment distillées par la section spécialisée, et des interventions proprement fascinantes à la guitare. Une telle complémentarité doit demander énormément de travail de composition aux musiciens, en tout cas l'investissement dans l'interprétation est totale et il ne peut pas en être autrement pour donner à cette musique la dimension qu'elle demande. Elle nous permet, coupés du temps mais projetés dans un autre espace, d'accéder en pleine conscience au plus profond de nos cauchemars, à cet Eraserhead qui gît dans nos âmes dévastées. Tout comme sa glorieuse référence, Dirge prend tout le temps d'installer ses ambiances, de dépeindre par le son le mal-être profond donnant âme au collectif, comme un maître particulièrement pédagogique. Je ne crois pas que beaucoup de titres aient été joués en comptabilité nette, mais c'est le genre qui le veut. Là encore, preuve était faite que le HC est une musique qui permet de dire ce qui n'est pas exprimable autrement, mais d'un point de vue radicalement différent que celui de Spinningheads. Malgré un premier morceau d'anthologie, une grande partie de l'assistance avait mis peu à peu les bouts discrètement. Bande d'ignares ! Il n'y a pas que le groupe local des copains de copains ou la scarification dans la vie ! Un peu pressés (mais courtoisement) par un staff désireux d'en finir vue l'heure avancée, il fut très difficile de redescendre vers le monde habituel. Dirge nous avait donné de vivre une expérience extra-ordinaire au sens premier du terme. Et m'avait prouvé que l'idée reçue selon laquelle l'aventure folle nous attend au coin de la rue n'est pas une fadaise mais une vérité vérifiable par soi-même !
Quelle belle semaine musicale, tout de même…

Superstatic Revolution Membrane Peanuts Montpellier 22 février 2005

Sous les fenêtres de la préfecture, le Peanuts organise régulièrement des concerts dans sa cave. Tandis qu'un paquet de buveurs matait le foot (quel désœuvrement !) en rez-de-chaussée, les amateurs et les engagés les plus mordus de la scène HC locale se rassemblaient donc en bas. Ca faisait quand même peu de monde, déception sur ce plan malgré la qualité des présents sur ladite scène locale.

Un troisième groupe d'ouverture avait été rajouté, jouant sur le matériel prêté gracieusement par les deux autres. Il s'agissait d'IMENMES qui évolue dans un style très différent. Ce créneau déjanté où on trouve Mr. Bungle, Empalot, Carnival in Coal ou Wormfood. Passages brutaux sont alternés avec d'autres plus acoustiques et ralentis, intros samplées et arrangements divers. Mais Imenmes ne néglige pas l'aspect spectaculaire qui sied à ce genre. Le robuste chanteur avait le visage peinturluré tout en noir et une lampe de poche scotchée à son micro. Chantant en français, il quitta peu à peu son espèce de bure violette pour faire admirer progressivement d'adorables liquettes, un vêtement portant une espèce de loupiote collée sur le cœur, puis un t-shirt aux couleurs du drapeau libanais. Il était assisté au chant de son gratteux pour les growls. Le groupe parsema sa performance de pas mal de blagues comme le jet de carambars, les vannes, l'anniversaire à une groupie avec offre de fleur et cadeau. Et tout ça fonctionnait très bien avec une musique vraiment furieuse lorsqu'il le fallait et doucement dérangée l'instant d'après. L'humour compte beaucoup chez Imenmes, pas le style prise de tête malsaine. Une certaine fraîcheur s'en dégageait et nous a convaincu de la pertinence d'Imenmes dans un style très casse-gueule et qui n'est pas ma came d'habitude. D'ailleurs le titre d'inspiration orientale, avec intro et conclu' au tambourin et archet utilisé pour jouer de la guitare, était réussi. J'ai l'impression que le groupe est encore trop jeune pour avoir enregistré mais les amateurs du genre des références précitées devraient retenir, car si un nouveau groupe rattaché à cette famille ne surprend plus autant qu'avant, celui-ci ne laisse pas le spectateur morose. Restera à passer l'épreuve du studio.
Ceci étant on avait assez rigolé.

Avec MEMBRANE, c'était une autre folie qui allait se déchaîner. C'est bien connu, à trois on fait plus de boucan qu'à plus. Et pour ça les franc-comtois ne s'en laissent pas compter. Très carrés, ils nous ont assénés un excellent HC hyper Noise. Des plans parfois très barges, servis paradoxalement par le son quelconque des locaux (qui ne peuvent mieux faire toutefois) qui collait à merveille. Énergique, interprétée avec engagement (c'est surtout le batteur qui m'a impressionné), très bien composée, la musique de Membrane me faisait penser aux débuts d'Helmet sur certains passages, parfois à Nostromo mais de façon plus fugace encore (références contestables par le premier venu un peu mieux cultivé que moi en HC). Elle est non seulement bien violente mais aussi très puissante d'un point de vue strictement coreux. Ce sont là les apports de la personnalité du projet, les conséquences très bénéfiques de l'intégration d'une facette Noise. D'ailleurs la reprise d'Unsane est passée aussi aisément qu'un verre de chardonay dans ma gorge. En qualité de composition elle coulait très bien, ce qui démontrait sans contredit possible que de ce côté-là Membrane est fort. Mais elle passait aussi pour plus barrée et moins propre que les titres originaux, ce qui soulignait par contrepoint l'autre affinité plus HardCore. Je ne sais pas quelle est la notoriété réelle de Membrane, au sein d'un genre trop souvent réduit à deux ou trois références écrasantes et moribondes, un genre hélas donc considéré bien à tort comme aussi mort que le Grunge. Mais sans en être vraiment amateur j'ai toujours pensé que l'héritage de Portobello Bones, Unsane ou Quicksand si vous voulez bien aussi était honteusement abandonné ces dernières années alors que c'était l'une des possibilités les plus intéressantes qui s'ouvraient pour l'avenir d'un monde HC alors en plein doute. Un courant qui aurait même pu apporter des choses très intéressantes au Metal. Alors franchement j'espère que l'audience d'un groupe comme Membrane croîtra et embellira encore beaucoup, car c'est par des combos de cette qualité que l'influence Noise peut renaître vraiment pour le plus grand bien de la scène.

C'était encore autre chose avec les cévenols de SUPERSTATIC REVOLUTION. Ne vous laissez pas tromper par un nom pas très bien pensé qui renvoie par erreur à une culture pseudo fusionneuse à la Mass Hysteria prônant la révolution par la musique, le métissage musical comme fin en soi etc, etc… Rien à voir. Donc formule trio là encore. Mais ici, la violence est bien pire quoique sous une expression radicalement différente. Elle est complètement cérébrale. C'est pourquoi le public alors réduit à une vingtaine de personnes à tout casser à ce moment est resté stoïque. Ce n'était en rien de l'indifférence, c'est la seule façon possible de profiter des nouveaux titres d'un groupe au projet fort ambitieux. Extraordinairement riche dans ses compos, la musique de S.R. exige une concentration totale pour la suivre, car les changements sont légion et jamais un riff n'est utilisé une fois de trop. A peine est-il bien posé qu'un autre le chasse, sans aucune aspérité. En fait, cette capacité à surprendre dans la succession sans jamais choquer l'oreille me semble sincèrement exceptionnelle. On croirait réellement sentir son bulbe réaliser de nouvelles connexions entre des neurones qui jusque là s'ignoraient. Ce qui me faisait un peu penser aux premiers essais de Dillinger Escape Plan, du moins au souvenir que j'en ai.
Les alésiens sont déjà passés maîtres dans l'art d'alterner le riff qui tend et le riff qui écrase. Certains étaient d'une lourdeur à faire pâlir d'envie bien des plus gras parmi les grands de la scène Death. Cette complexité n'est pourtant pas hermétique, même pour le Metalleux car beaucoup de plans se rapprochent du Metal par la densité et la lourdeur comme déjà dit. N'empêche que S.R. doit surtout s'écouter chez soi, un grand nombre de fois, pour être vraiment possédé tant c'est dense. Quand ils auront un public plus large qui connaîtra bien les titres, alors ça pourra donner des déchaînements collectifs étourdissants mais le disque est sorti beaucoup trop récemment pour qu'on en soit là. En attendant on rentre dedans sans difficulté, mais il manque cette joie particulière de connaître les morceaux, joie généralement exponentielle selon leur complexité et là… C'est aussi très carré, si quelque chose sembler dépasser c'est que c'est voulu, ce qui renforce l'aspect chirurgical. Pour donner corps à tout ça, il faut évidemment une compétence technique de haut niveau. Le chant haut perché souffrit de quelques faiblesses par moments. Pas la batterie, mixée assez flatteusement ce qui soulignait un vague aspect Metal peut-être. Un morceau plus vieux était plus brutal – forcément sans doute. Une sensation de froid se devine probablement, et je dois dire qu'à ce sujet il faudrait faire gaffe à s'exprimer un peu plus clairement dans le micro, et avec la gratte coupée sinon avec le larsen ce n'est pas la peine !
L'ambiance intimiste (trois fois hélas) permettait là aussi une ou deux vannes, notamment le "Montpellier" crié à la Bruce Dickinson par le batteur. Elles détendaient agréablement la forte tension intérieure imprimée par la musique. Tout ceci nous amenait à l'heure de fermer boutique. Je crois pour finir que nous avons eu de la chance d'avoir en petit comité trois formations prometteuses à des niveaux croissants. Espérant qu'elles auront chacune la reconnaissance à laquelle elles peuvent légitimement prétendre en étant ce qu'elles sont. Je regrette que la sinusite m'ait empêché d'être plus dedans. Moi qui trouvait vers Noël que question concert ça s'annonçait mort pour quelque temps, en deux mois on a été plutôt vernis. Et c'est pas fini. Entre S.R., Eyeless et Spinningheads le HardCore Languedocien jouit d'une scène très solide, qui peut faire bien des envieux.

Mais… horreur ! Le coup de tampon donné à l'entrée est marqué d'un double 666 ! Sur ma main ! Et moi qui vois Maman ce matin ! Vite, du savon boudiou !

Cult of Luna Tantrum TAF Saint-Jean de Védas 1er mars 2005

Dans un lieu discret et plus ou moins confidentiel de la banlieue, le microcosme du HC montpelliérain s'est réuni une nouvelle fois en quelques jours à peine, le beau linge comme les plus discrets. L'effet "collectif" - puisque la TAF organisait - assurait un public assez fourni (tout est relatif néanmoins…).

Puisque Overmars aurait bien collé à la tête d'affiche mais s'était décommandé, c'est donc les locaux de TANTRUM qui ouvraient. Bonne occasion de les revoir pour votre serviteur : le problème avec les groupes de chez soi, c'est qu'on se dit toujours qu'on aura l'occasion de les revoir bientôt et donc on remet indéfiniment pour cause de flemme ou d'empêchement… Et ça faisait bien des années que mes retrouvailles avec la référence Noise de chez nous se faisaient attendre. Le trio affiche une certaine personnalité en se fringuant chemise noire et jean bleu basique. La musique de Tantrum est toujours aussi typique, ce Noise pur mais caractérisé par des vocaux inimitables, ces cris pas très puissants mais jamais faibles. Le bassiste pousse quelques gueulantes en fioritures, plus rauques mais pas très poussées (mixage ?). Le son très rond est également bien caractéristique, rappelant quelque peu la scène Stoner dans les détails de l'interprétation, un espèce de feeling discrètement sensible sous l'appartenance Noise. Au fond, Tantrum ne m'a pas du tout l'air de ce genre de groupes où la batterie tient la baraque ; au contraire elle est enveloppée par la guitare. Quant aux compos elles sont plutôt simples mais pas pauvres ni inconsistantes. Ce choix permet de garder la pleine attention de l'auditeur qui ne s'ennuie jamais dans une performance sincère. D'autant que par un certain paradoxe, il faut quelque temps pour s'immerger dans les ambiances de Tantrum, qui n'est pas très agressif ni incisif dans sa musique par rapport à d'autres groupes du même créneau (je vous renvoie à la rondeur). L'intelligence des compositions, montant fréquemment en violence pour rompre brusquement, favorise cette montée saccadée sur la longueur du set. Pour finir, tout comme avec Membrane, preuve était donnée qu'il y a beaucoup à gagner dans le retour de la scène Noise, fort clairsemée mais toujours intéressante, qui n'a pas réellement joui de l'influence à laquelle elle pourrait prétendre.

CULT OF LUNA par contre ne jouait pas à domicile, et ça se sentait par une relative désaffection du public certes toujours présent physiquement mais globalement plus distrait, beaucoup sont partis au fond blaguer ou bader le merchandising. La longue introduction éthérée s'est étendue sur un brouhaha de papotages constant… La pureté du son offert par les scandinaves fut vraiment épatante, un vrai son de studio amplifié comme il faut, ça a l'air si simple à dire comme ça… Le même exploit que Dark Tranquillity le mois dernier (entre suédois). Le set était très axé sur le dernier album, trop au goût de certains. Les compositions, étirées jusqu'à la démesure, permettaient de bien marquer la griffe du culte lunaire, cette ambiance glaciale et éthérée débouchant sur un déchaînement de puissance. C'est là qu'il faut bien dénier certaines accusations hâtives : Cult of Luna n'est pas si proche de Neurosis au fond, car leur musique n'est pas si noire ni si riche malgré quelques ressemblances dans la forme. Elle est plus accessible au contraire, car elle replonge toujours dans la même froideur hypnotique (mais pas hallucinée) reformulée à chaque titre de façon légèrement différente, en lui laissant tout le temps de pénétrer l'âme jusqu'à saturation et écrasement par le retour des guitares grasses, de ces rythmiques lentes mais sévères, de ces vocaux de martyr abruti par l'oppression psychique… hélas un peu sous-mixés et peut-être volontairement d'ailleurs. La finesse des passages acoustiques interprétés avec une grande rigueur demeura gâché par les bruits de fond, mais l'atmosphère arctique finissait par s'imposer. Mais le groupe paraissait un peu fatigué malgré une sincérité qui compensait un peu, l'accroche moyenne du public se sentait dans la faiblesse des applaudissements intermèdes. Et il ne faut pas s'étonner qu'au bout de trois quarts d'heure le groupe soit parti sans rappel, en ayant fait une impasse quasi complète sur les deux premiers albums. Sans aller jusqu'à laisser quelque frustration, ce concert aurait pu être plus fort si le public avait été globalement plus répondant, sans minimiser le plaisir des quelques fans qui ont certes été comblés. La distance que le groupe conserva constamment et la mélancolie boréale dégagée par les enceintes furent aussi pour quelque chose dans la réserve du public. Il n'a pas manqué beaucoup, mais ce bon concert, tout convaincant qu'il fut, n'a jamais atteint les sommets de l'extase fédérative. Si les fans et les simples connaisseurs s'y sont retrouvés – et encore seulement sur la base du dernier opus un peu contesté par les uns autant que loué par d'autres, je doute sérieusement qu'un quelconque curieux de passage soit reparti accroché. Et si, tout simplement, Cult of Luna faisait partie de ces combos mieux faits pour le studio et l'écoute individuelle, comme on le disait d'Emperor dans un autre genre ? Possible, mais je crois aussi que le public HC lambda du secteur et de la TAF ("Tout à Fond") est plus habitué à une puissance plus agressive, violente, communicative parce qu'elle "envoie" et par là chaleureuse. Un peu comme ç'avait été le cas pour Dirge il y a quelques semaines. Rien à voir avec ce que les ex-Breach recherchent.

Punish Yourself Psykup S-Core Hypno5e Rockstore Montpellier 9 avril 2005

Belle affluence au Rockstore pour une affiche éclectique, apothéose annoncée du festival Murmurlement – tronqué par l'annulation de la veille. On remarquait tout de suite la présence d'une forte minorité true Goth', alléchée par le groupe clôturant le spectacle.

Annoncé par une longue intro finissant en boucle technoïde basique, voici HYPNO5E en ouverture, qui fit preuve de quelques progrès depuis trois mois. Alliant des riffs assez élémentaires, à la Sepultura ou Gojira, avec de longs passages acoustiques dépouillés, Hypno5e est toujours aussi froid mais passe beaucoup mieux grâce à un son un peu meilleur, servant mieux le chant notamment. Les parties lourdes remportèrent l'adhésion de la fosse. Le style du combo se découvrit donc assez rapidement, sans plus procurer aucune surprise. L'absence de mur d'images était compensée très avantageusement par des jeux de lumière plus élaborés et suggestifs, qui laissaient à l'auditeur plus de liberté pour s'installer dans la musique. Et une fois le concept du clivage entre les deux facettes bourrines et acoustiques entrelardées était bien saisi, leur simplicité laissait conclure que tout était dit. La relative brièveté du set empêcha néanmoins l'ennui de s'installer. Globalement encourageant.

Nous avions remarqué S-CORE dès la sortie d'un premier album très prometteur. Le groupe confirma amplement l'espérance semée dans les cœurs. Massif, écrasant même, le Power Metal des Alsaciens vous replonge au meilleur de PanterA période "Far Beyond Driven" ou encore des regrettés Dearly Beheaded sur la tournée "Chamber of One" sur ces mêmes planches voici sept ans déjà. Certes, les riffs sont moins complexes que ceux du regretté Dimebag mais tout le monde n'a pas le poignet aussi souple ; et de toute manière l'effet produit est aussi dévastateur. S-Core, auteur d'une performance impeccable techniquement et très à l'aise sur scène, ne fait aucun compromis et remet les choses au point sur l'identité du genre. Pour maintenir la tension, le groupe exhorte une assistance rapidement déchaînée, non-connaisseurs inclus (y compris bien des Goths précités). Le son très puissant illustrait parfaitement ce que "lourdeur" veut dire, pas seulement par les grattes mais aussi par le chant merveilleusement rugueux. Et ça fait du bien par rapport à une certaine mode actuelle qui tendrait à confiner le chant rauque au Death Metal pur. Les titres ont défilé avec bonheur, la joie non feinte du combo de jouer communiquant immanquablement cet enthousiasme au public via l'interprétation de titres originaux, comptant une reprise de la seconde partie de "Domination" qui passait comme la moissonneuse dans le champ (da da dam da da dam da da dam da da dam…). Seule formation à s'autoriser un bref rappel vivement réclamé, S-Core nous gratifia d'une autre reprise, exécutant cette fois un "Roots Bloody Roots" sonnant de façon incroyable exactement comme l'original studio ! Capable de fédérer et de conquérir par la force de ses performances live, l'avenir appartient certainement à S-Core, qui a tous les éléments pour aller encore beaucoup plus loin. D'ores et déjà, allez les voir à l'occasion (un peu pour les mêmes raisons qu'Hatesphere dont le t-shirt était arboré par le bassiste) notamment les nostalgiques un peu rancis du vrai Power Thrash bien abrasif des années 90 comme votre serviteur. Du Metal d'hommes !

PSYKUP était la première des deux formations toulousaines conviées à la fête. Bien maîtrisé par de nombreux fans, leur répertoire propose des titres extrêmement variés et riches, kaléidoscope musical emmenant de surprise en surprise. Dénués de tout trac, les remarquables musiciens ont fait discrètement montre d'une excellente technique leur permettant cet étonnant brassage musical au liant Metal, portés par le son fort clair de M. Etxemendi soi-même venu aux manettes. À retenir la performance vocale des deux chanteurs chargés chacun également d'une gratte et des claviers, et aussi celle du batteur derrière. Déjà grande figure de ce créneau extrêmement déjanté très en vogue dans la France métallique actuelle (et qu'il faudra bien rassembler sous un vocable commun un de ces quatre matins), Psykup combla ses fans mais laissa les néophytes décontenancés par tant de détours enchaînés sans crier gare en un même morceau. Pour les metalheads plus bourrins, les parties lourdes faisant la jointure entre deux incursions vers autre chose souffraient de la comparaison avec la formation précédente question puissance. Pour la délégation Goth, impossible d'adhérer à la "positive attitude" fièrement revendiquée par le groupe. Les adhérents au concept étaient toutefois assez nombreux pour que cela ne soit pas trop visible au point d'être gênant. Les petites blagues tombèrent juste, y compris celles improvisées. L'interprétation attendue de "l'autruche" se termina d'ailleurs par une improvisation où certains musiciens intervertirent leurs postes, avant de tirer leur révérence. Au final, la bonne connaissance des titres ne doit pas faire grand'chose à l'affaire : le genre faussement déconstruit dans lequel Psykup officie déroute ou charme d'entrée selon les sensibilités. Ce projet ne ressemble véritablement à aucun autre mais n'est pas non plus expérimental puisqu'il peut se rattacher à quelques références ici ou là. La question n'est plus que de vérifier jusqu'où peut s'étendre l'audience d'un style qui bénéficie donc du vent en poupe ces temps-ci. Le succès futur de Psykup ne dépend que de cela, car le groupe a tant de talent dans ledit style qu'il y rafle déjà tous les suffrages.

Mais enfin changement complet de décor. Rattaché à une scène sous-développée dans nos contrées, il est très rare de voir passer vers ici des formations de la famille de PUNISH YOURSELF. Mis à part les "Golgoths" qui avaient patiemment attendu leur heure et une délégation toulousaine assez importante venue pour l'occasion, beaucoup de spectateurs semblaient ne rien savoir du dernier groupe. Que se tramait-il derrière ces incongrus grillages ? L'effet de surprise fut donc très net lorsque le rideau noir masquant les préparatifs fut écarté, découvrant des artistes quasiment sans cheveux, à moitié nus et peinturlurés au fluo, parmi lesquels errait une danseuse les miches à l'air mâchonnant lubriquement un rat en plastique ! Ébauchant les premières notes d'un son inconnu pour beaucoup parmi les jeunes, ceux-ci étaient à l'orée d'une fantastique initiation à l'Indus Electro Goth, transcendé par une guitare alourdissant considérablement une performance ultra violente. Aller simple pour Sodome et Gomorrhe, retour non garanti. Le voyage s'avéra triomphal, la savoureuse puissance de ces autres Toulousains, sans comparaison sérieuse à notre connaissance au sein de leur scène même au niveau international, était un atout-maître pour séduire le jeune public Metal. Captivée ainsi dès le deuxième titre au beat pilonnant, la masse des spectateurs retrouva les forces nécessaires pour faire honneur à la folie gagnant la scène. Punish Yourself c'est aussi une forte expérience visuelle, car derrière ces grilles symbolisant génialement l'interdit qui nous bride et derrière lequel couve nos pulsions les plus folles, se déroulait un spectacle effarant, les zicos se jouant de cette barrière attisant la fascination en y grimpant régulièrement. Les quelques titres plus calmes ne laissaient pas réellement retomber le grisant parfum de scandale ambiant, ils permettaient plutôt de se ressourcer physiquement pour la suite.
Se foutant allègrement du scandale, Punish Yourself s'en joue avec délices, exhibant nonchalamment ses parties intimes et son fondement à peine serti d'un string ou laissant ses musiciens se peloter avec un naturel confondant. Tant et plus éloigné des chocs scéniques calculés d'un Manson. Le plus surprenant étant sans doute que ce show extrême déployé à longueur de lascivités et de perversions sexuelles suggérées ne mettait même pas vraiment mal à l'aise un instant tant il n'était pas chiqué, tant la musique qu'il appuyait était efficace et conservait toujours la primauté sur le scandale visuel. Le groupe n'érige pas la transgression en gimmick, elle leur est plus certainement l'accès nécessaire aux seules choses ayant une intensité valant la peine de vivre. Que ce soit en se peignant de façon totalement absurde, en jouant un Indus de barges, ou par d'autres expériences largement évoquées sur le plateau et par les textes. Quittant brutalement la scène, P.Y. ne fut pas en mesure de répondre à l'attente générale d'un rappel, à contre-cœur semble-t-il. Puissent les nombreux néophytes conquis s'intéresser durablement à cette scène pour laquelle le pays est encore terre de mission. C'est le lieu de signaler aussi la gentillesse du crew. Puisse aussi Murmurlement ayant organisé cette excellente soirée de Metal entièrement "Français" être rentré dans ses frais, ce ne serait que justice ! Ce fut pour eux un bel annif'.

Misery Index Eyeless Korigan Luynes 16 avril 2005

Bon, report tardif du passage au Korigan à Luynes, mais j'ai dû m'absenter plusieurs jours loin de toute connexion. N'y revenons plus, mais le concert a débuté avec une heure et demie de retard au bas mot ! Chambrée assez modeste mais décente dans un espace aussi réduit, merchandising fort intéressant et peu cher. Son globalement bon chez tous les groupes sauf le dernier.

SPINNINGHEADS excusé (cause mariage !). Après d'interminables balances, les coreux toulonnais d'INDUST avaient la lourde charge d'entamer la soirée. Leur HC à appellation d'origine new-yorkaise contrôlée était bien en place et, chaque titre pris à part, irréprochable. Dans la droite lignée des maîtres. Mais la linéarité et le simplisme des compos fut gênante à force, et le chanteur eut beau se démener il fallut envoyer une reprise quand même fort démago ("Reign in Blood !") pour que le pit s'anime vraiment, par le violent dancing plutôt que par le pogo classique. Après quelques titres efficaces mais sans surprise, constatant que seules les covers excitaient un peu l'assistance, on conclut avec le "Scratch the Surface" de Sick of It All et une autre que je ne sus reconnaître (Agnostic  Front ?).

????, en suivant, confirmait très rapidement que sa réputation un peu sévèrement formulée de clone de Meshuggah était parfaitement méritée… Moins les solos. Même le chant était à s'y méprendre. Et pourtant, ce n'était nullement désagréable, indice de qualité tant technique qu'en fait de compositions. Les plans étaient sans doute moins compliqués qu'en apparence, mais ça fonctionnait fort bien et le bon format des titres y est certainement pour beaucoup. L'attention était distraite par le spectacle d'un brave minot plein comme une huître alternant le vautrage par terre et le headbang ???? – quel nom difficile à porter, quand même – me semble être un jeune groupe, ce qui excuse beaucoup mais il est déjà très prometteur car visiblement sans complexes, et maîtrise très bien un exercice d'imitation a priori terriblement casse-gueule vu le modèle choisi. Nous nous en contentâmes de bonne grâce en attendant la suite, pour laquelle il faudra agrémenter tout ça en lâchant une personnalité propre ou en incluant d'autres influences de préférence inattendues, conditions sine qua non. L'effet de surprise a été gagnant sur le coup, mais à terme il faudra compter sur autre chose. Mais à chaque tournée suffit sa peine.

Avoir fait 150 bornes et se retrouver avec les voisins de palier EYELESS, on s'était vraiment mal arrangés pour le covoiturage avec Born Too Late ! Loin des polémiques crées à Paris, le groupe a donné une performance franchement bonne. La faiblesse étant probablement le surmenage du chanteur, qui en fait trop à vouloir mettre le feu partout où il passe, à tutoyer son public, à abuser des spéciales dédicaces. Tout cet abattage finit par lasser, il serait plus utile si la musique était moins expressive par elle-même. Mais il n'est pas très difficile de rentrer, au moins le temps d'un set de concert, dans le répertoire d'Eyeless. Les morceaux étaient tous bons, sans exception, fort accrocheurs et c'est déjà très louable. Alors, il est superflu d'en rajouter. Quant à savoir s'il s'agit bien de MetalCore tendance avec la présomption d'opportunisme sous-jacente, les racines HC du bon vieux temps d'Uncut sont trop visibles pour que l'accusation tienne vraiment. Toutefois, dans la conjoncture, les montpelliérains seront toujours rapprochés d'Hatebreed et consorts, le fond HC est tellement assaisonné au Metal relevé d'une approche mélodique volontariste que c'en est inévitable. Je ne me souviens pas bien de l'album mais le solo inclus dans un des titres ouvrait des perspectives intéressantes, et les vocaux chantés "en clair" sont restés un peu hasardeux. Le public répondit favorablement.

Mais jusque là le rythme de la soirée était demeuré débonnaire, elle allait se conclure en apothéose par la subite et… brutale montée de niveau imposée par la tête d'affiche MISERY INDEX, seul groupe étranger de la soirée et d'assez loin le plus purement Metal, au point de jurer quelque peu avec ses prédécesseurs. Le phénomène mit tout le monde d'accord dès les premières mesures du premier titre, malgré un son étonnamment confus pour un groupe de cette ampleur. Le départ de Kevin Talley ne s'est nullement fait ressentir et il faut saluer le groupe pour avoir su le remplacer aussi bien aussi vite, mais aussi le nouveau titulaire qui nous a laissé comme sous le feu de cent mitrailleuses. La puissance des grattes s'y coulait parfaitement, déchaînée sans aucun pain même si les deux titulaires se compliquèrent la tâche en envoyant sans cesse leur chevelure aux quatre vents. L'ensemble de la performance technique déployée était vraiment saisissante, si nul n'ignore l'importance capitale de la rigueur d'exécution dans le détail et sur la totalité des titres pour que le Death Grind atteigne toute la colossale énergie qu'il renferme, d'une brutalité capable de réveiller les morts, et que seuls quelques dinosaures ont pu toucher dans l'histoire. Misery Index les a rejoint depuis longtemps. Même notre ami le soulographe se releva de sa torpeur éthylique pour jouir du décrassage. Les membres de Misery Index ne cachent pas leur plaisir de jouer, il n'empêche qu'ils méritent le titre de tueurs que je n'aime pourtant guère employer. Plus de violent dancing, que ce headbang le dos voûté et frénétique typiquement Death brutal, ou du pogo classique sur la fin. Nous eûmes droit à un rappel de deux titres, purement pour le plaisir là encore car les jeux étaient faits depuis beau temps. Les joies du Death Grind fulgurant ne sont pas données à tout le monde, mais pour les amateurs je doute qu'il y ait beaucoup de formations de cette trempe. Tellement hallucinant que la lassitude qui pourrait poindre à l'écoute de Retaliate est bien loin. Colossal !! Exceptionnel !

Paradise Lost Orphaned Land Rockstore Montpellier 29 mai 2005

Alors que l'Europe entière attendait tétanisée l'issue très prochaine du scrutin que vous savez, l'abstention était inexcusable pour la première date Française d'une affiche énorme au Rockstore tonight : un groupe déjà légendaire fait ses premières apparitions publiques hors de chez lui alors que personne ne l'espérait plus. En quelques années on a déploré la rareté des publications d'enregistrements, à tel point qu'on a cru Orphaned Land mort, on disait ensuite qu'il ne voulait pas tourner et que de toute façon il n'en avait pas les moyens, on a même douté que cette éventualité intéresse grand monde… C'était heureusement sans compter sur la survenance d'un miracle, peut-être provoqué par l'intercession de la tête d'affiche de ce soir dont on sait l'estime qu'il cultive envers le groupe israélien depuis que celui-ci fit une reprise très personnelle du titre "Mercy" très appréciée de ses créateurs originaux. Il était d'ailleurs heureux que le Padre soit là, car son insistance fut pour beaucoup dans mon initiation à la musique de la Terre Orpheline. Et comment donc oublier la tête d'affiche ! Un monstre sacré de la scène daigne nous visiter alors qu'il vient de livrer son meilleur album depuis des lustres ! Comme s'il avait encore des choses à prouver à son âge ! La participation était correcte, mais la salle n'était pas pleine, il y a eu des défections visibles. L'assistance était, naturellement, assez féminisée.

UN PREMIER GROUPE LOCAL dont le nom demeure inconnu accueillait les premiers arrivants. Cette jeune formation prodiguait un Thrash à l'ancienne, années 80, avec des passages assez Rock dans les structures. De plus, le son très primaire et le chant éraillé suggéraient une autre facette bien Black dans la forme. Mais il n'y avait pas d'ambiguïté, pas de warpaints sinon les t-shirts Metallica. Bref, furibard et somme toute efficace même si c'était limité notamment à cause des riffs basiques. En tant que pur bonus, un groupe probablement niveau lycée qui se tape un délire bon esprit. Pas plus mais celui qui n'était pas passé par ce trip à cet âge n'avait de toute façon rien à faire là ce soir.

Pour ce que je connaissais SOCIETY 1, il allait s'agir du projet d'un metteur en scène de films pornographiques, proposant un Metal Industriel sans aucun relief oscillant entre les deux références habituelles du genre, quoique penchant un chouia plus vers NIN que Ministry, exprimant par là une approche très provocatrice de l'existence et dénonçant tous les suppôts de l'ordre moral honni. Donc gros a priori de départ reconnaissons-le… D'autant que ce profil global du groupe d'ouverture correspondait très mal avec les deux suivants. Le groupe débarque avec le rimmel sur les yeux, genre Slayer période Show No Mercy. Le frontman avait deux croix en sparadrap noir sur les mamelles... Il se démena sur les premiers titres comme un beau diable en gesticulations, poses et tirages de langues. Le son souffrit de grésillements sur les premiers titres. Mais le répertoire interprété était différent de mes prévisions : c'était un Thrash moderne celui-là, mais d'une pauvreté crasse. L'effet de la pantomime retomba très rapidement, d'autant que le chant se paumait vers les aigus puissants. Ca tournait au grotesque, le chanteur mimait de mettre des coups de chibre aux retours (vous verrez…), de se faire faire un pompier par son gratteux… Je me suis déplacé plusieurs fois pendant le set et partout où je me suis trouvé les gens étaient pétés de rire devant le spectacle. On comparait à voix haute avec un Manson de bas étage. Tout ça devenait relou étant donné que la qualité musicale ne progressa jamais. Quelques poses faisaient penser à quelques grandes références genre Kiss ou Deicide pour la bouteille de Jack, AC/DC pour l'exhibition des deux côtés (le chanteur tient son organe dans une seule main, p'tite bite…). Enfin on arriva au terme. Le groupe ne s'aperçut pas de l'effet produit et de l'espèce de second degré planant dans les applaudissements courtois et, en réalité, condescendants, ç'en fut pathétique. Suggestion : en passant par Toulouse dans quelques jours prendre Punish Yourself à la place pour faire du scandale musical avec la qualité en plus.
Bon, jusque là, rien de bien excitant !

Je vous ai rappelé les circonstances qui causaient l'allégresse des quelques fans d'ORPHANED LAND que l'on trouvait ce soir devant la scène. Mais l'assistance était très majoritairement en attente de voir ce que cette formation inconnue allait proposer. Le groupe s'installe puis le show démarre à l'arrivée du chanteur Kobi. Il est surprenant sans doute de voir un groupe de Metal vêtu à l'orientale. Plus encore de le voir exhorter le public à battre des mains en cadence avant même de commencer à jouer, moyen très habile de solliciter sa complicité. Mais ça a fonctionné tout de suite. Car où qu'on soit autour de la Méditerranée, ce geste est assez naturel… C'est libérer une partie de notre tempérament. Ceci servit à ouvrir sur Ocean Land. La joie d'enfin jouer hors de chez soi et de se faire connaître était très palpable, notamment chez Sassi le guitariste hilare du début à la fin, son batteur aussi. Kobi la joue plus concentré sur son travail mais n'oublie pas de relancer le public régulièrement ni de lui parler. Et sa prouesse le dispense de tout autre spectacle. Malgré un son correct sans plus, le groupe livra une performance technique sans faute (bon, un léger pain de batterie mais personne ne s'en est aperçu), on en avait oublié qu'à la base ce sont d'excellents musiciens de ce strict point de vue et c'est un atout maître pour un groupe qui vient se faire connaître par rapport à toute jeune formation pas encore en place, question crédibilité. O.L. livra tout d'abord sa face la plus prog' avec El Meod Na'ala, et la seconde moitié de The Kiss of Babylon. L'absence des orchestrations complètes était un peu frustrante quand on connaît les albums, mais elle était partiellement compensée par les effets enregistrés qui reproduisaient les plus importantes, l'interprétation très fidèle jusque dans ces solos à la griffe inimitable, les chœurs secondés par le claviériste Eden… et les battements de main à tout bout de champ. Le Metal est donc aussi une certaine chaleur, la joie de vivre et faire la fête sous le soleil plutôt que la guerre. Mais Orphaned Land n'a pas pour autant renié la première période de sa carrière, jouant ensuite des titres à l'affiliation Metal extrême incontestable comme Season's Unite qui déclencha le premier pogo de la soirée, Ornaments of Gold, ou d'autres dont je n'ai pas réussi à retrouver le titre.
C'est fou de constater qu'un groupe peut à quelques minutes d'intervalle installer une ambiance de mariage à Tel-Aviv puis envoyer les guitares rythmiques, la double et un chant d'écorché. Pire encore, tout cela se fait sans que l'oreille ne soit jamais choquée, comme si le Metal était fait depuis toujours pour ce mélange et un croisement parfois si intime qu'on ne sait plus d'où vient quoi… Les fans le savent, la personnalité musicale d'Orphaned Land est sans comparaison à ce jour, on pourrait passer des heures dessus. C'est un démenti définitif à l'encontre des idées reçues si commodes proclamant l'incompatibilité du Metal aux autres genres et son engoncement dans des codes internes surannés. Au contraire, c'est l'antithèse totale d'un certain Black. Orphaned Land puise son inspiration dans une culture dont l'ancienneté et la richesse n'ont rien à envier à celle des pays nordiques, la prière s'y est substituée au blasphème, l'appel à la paix aux vociférations guerrières, le soleil de la vallée du Cédron plutôt que la brume des fjords… Ce qui n'empêcha pas ce fan en t-shirt Marduk de lever le poing en rythme aux pieds de la scène. Un petit moment de recueillement avec un forcément dépouillé Neverending Way bref mais touchant, retour à Mabool avec un Birth of the Tree acclamé par la poignée de connaisseurs, passablement déchaînés du reste. Les commentaires très élogieux fusaient à côté de nous. Le choix de varier le set en piochant dans toutes les périodes était très intelligent, il permettait de ratisser les fans les plus extrêmes et les plus orientés prog' ou mélange des genres.

Enfin Kobi nous proposa de sauter en l'air à l'instar de ses compatriotes sur Norra el Norra qui clôtura le set, très amusant de voir le Padre bondir en rythme avec les autres. Le groupe se retira enfin avec un plaisir visible, personne n'avait vu le temps passer. En nous éloignant de la scène que l'on débarrassait au son de quelques tubes de Black Sab', il était clair que l'opération séduction avait très bien marché. Le stand attirait du monde, et pas mal des singles gratuits mis à disposition sont partis, tout comme les t-shirts. A côté des commentaires louangeurs, d'autres cherchaient à poser quelques questions aux gens qui connaissaient déjà le groupe. Je ne dirais pas que tout le monde est reparti conquis mais O.L. aura gagné un nombre non négligeable de fans ce soir, et si toute la tournée est comme ça il faut déjà songer à des rééditions. Je m'attendais à être frustré de ne pas voir jouer le groupe plus longtemps, mais le choix de ne négliger aucune facette pour donner une image fidèle de la variété de ce qu'il est et fut a aussi pour conséquence de combler le fan d'avant concert, bien qu'il puisse toujours regretter tel ou tel titre en particulier au fond de lui comme pour chaque concert. Souvenons-nous qu'il paraissait illusoire de les voir un jour, on ne va pas en plus faire la fine bouche et se scandaliser qu'ils n'aient pas eu un temps de jeu de tête d'affiche. Une prochaine fois sans doute, revenez-nous vite ! Reste une impression bizarre, très semblable sans doute à celle qui suit la consommation fiévreuse, inespérée et trop brève d'un amour intense, refoulé et ruminé avec douleur et amertume pendant des années et que l'on avait fini par accepter pour irréalisable à jamais… jusqu'à ce que l'autre, comme dans un rêve, franchisse le pas pour vous.

Mais le mieux était d'enchaîner aussitôt avec une joie au moins aussi forte. Ce qui nous était proposé avec PARADISE LOST. Choc annoncé dès l'entrée en scène très applaudie, ils ont remis les cheveux (enfin, pas Edmonson quand même pour qui ce n'est plus envisageable) !! Symboliquement, les deux versants principaux de l'histoire prestigieuse du combo étaient réconciliés, chez eux c'est un détail lourd de sens. Le son était très propre, quoiqu'un peu faible au début ce qui faisait croire que Nick Holmes n'était pas en voix sur le coup comme ça lui arrive parfois. Ce défaut fut corrigé en coulisse. La prestation technique était là aussi excellente, et le plaisir de jouer du combo très visible nonobstant un pet' de fût de batterie. Vous trouvez ci-dessus la setlist aux bons soins de Fabrice qui lui connaît bien les morceaux… Nick distille toujours ses vannes à l'humour cynique so british, avec cet accent incompréhensible du nord de l'Angleterre. Sans cela, un concert de P.L. ne serait pas ce qu'il est. Le nouveau batteur joue torse nu, ce qui est un peu drôle par rapport au reste de la formation, mais il cogne dur et, suivant le groupe précédent, invite régulièrement à battre le rythme les mains en l'air. J'ai dû le faire plus de fois en un soir qu'à deux nuits en bodega cumulées ! Et à un concert de Metal en plus ! Effet nostalgie assuré avec les chevelures repoussées sur les plus anciens morceaux. Il semble qu'on nous ait bouffé un ou deux titres. Je me risquerai simplement à noter la bonne présence de morceaux nouveaux effectivement excellents, accrocheurs dès leur découverte. Ils alternaient avec des morceaux plus connus. Holmes a toujours l'attitude "ah vous aimez ça et si on la jouait pas on sortirait pas vivants donc…" sur As I Die, c'est un sketche assez marrant de tournée en tournée.
L'art de la mélodie très finement arrangée est au sommet chez Paradise Lost, c'est LA constante de toutes leurs périodes, ce qui fait au plus profond leur personnalité. Cette beauté glacée réinventée titre après titre épanche la peine de vivre, l'esthétisation popisante électronique de mélodies à l'énergie Metallique fait un bien fou, c'est vraiment libérateur, on en danse et chante. Ce n'est pas uniquement la ritournelle imposée d'ailleurs et qui va vous coller à la caboche toute la journée, c'est surtout la petite phrase musicale qui exprime un état d'âme précis, et dont l'interprétation permet de mettre enfin une expression sur ce sentiment diffus et unique… La mélancolie est toujours nouvelle et la musique de Paradise Lost en est la preuve. Il faut être Anglais pour avoir le génie mélodique nécessaire à cette expression. La facilité avec laquelle on rentre à chaque concert dans des titres aussi simples et délicats à la fois est un délice pour l'amateur occasionnel. On a eu un simple rappel de trois titres avant un départ.
Bref le groupe est en grande forme, avec un nouvel album effectivement remarquable si j'en juge par élimination sur les titres qui à l'oreille ne me disaient absolument rien.

Concert au départ bien poussif mais au final assez fantastique. La plupart viendront profiter d'un grand groupe en pleine bourre et découvriront au passage une autre formation exotique mais géniale et inimitable ; de quoi faire une tournée inoubliable.