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vendredi 14 décembre 2018

Slayer Lamb of God Anthrax Obituary Palau Sant Jordi Barcelone 18 novembre 2018

Quand le planning de la tournée d'adieu de Slayer fut publié, la France récrimina une fois encore sur son sort d'abandonnée, car la date de l'an prochain au Hellfest n'était pas encore connue. Et les frontaliers s'apprêtèrent à prendre une nouvelle fois la route. Ainsi la date en weekend à Barcelone était une opportunité en or pour tous les méridionaux, et je n'avais pas tardé à me jeter dessus une fois les ventes ouvertes. Surtout que je n'ai vraiment jamais eu de chance avec Slayer. Comme beaucoup d'entre nous ce nom a marqué au fer rouge mon entrée définitive dans le Metal extrême (bien que ce soit plus pour la musique que pour tout le décorum). Et pourtant, j'avais dû attendre quinze ans ensuite pour les voir enfin, cumulant les impossibilités variées à chaque passage, y compris l'empêchement majeur de dernière minute en ayant la place achetée !!! Ce cas étrange dans ma vie musicale m'a longtemps tracassé, cela a été certainement un ressort pour aller voir bien d'autres affiches moins prestigieuses ou moins dans mes goûts et devenir ensuite accro du live. Jusqu'à cette première fois, enfin, au Zénith de Paris en 2011, alors que Jeff Hannemann ne participait déjà plus. Alors puisque ça serait l'ultime occasion, rien n'allait m'empêcher de rendre tribut pour l'éternité.

Le Club du Palau Sant Jordi est une grande salle de Barcelone, bâtie depuis les JO de 1992 dans le vaste complexe de la colline de Montjuic qui domine le sud de la ville. Sans voiture, je n'avais d'autre choix que de remonter à pied sous la pluie battante et le jour baissant l'allée monumentale des tours vénitiennes partant de la Plaça de Espanya, puis contourner l'imposant Musée au sommet. Il y avait déjà un peu de queue, mais en se retrouvant par hasard avec des compatriotes venus de divers secteurs proches du Midi l'attente fut nettement moins pénible. Et surtout la suite prouva que nous étions en réalité bien au début de la file qui serpentait à perte de vue le long de l'allée d'accès principale venant de l'autre côté de la colline.
Comme on peut le voir dans certains DVDs, la salle "Club" accolée à la principale n'est pas très belle à l'intérieur : c'est un immense rectangle avec quelques gradins sur la longueur de gauche en regardant la scène. On peut cependant y rentrer quelques milliers de fanatiques à l'aise. On y retrouvait cette fois les copains prévus, retardés par les gilets jaunes sur la partie française de leur trajet. On avait le temps aussi de parcourir les merchs et autres recommandations d'avant-concert.

Je vénère OBITUARY au sommet des pères fondateurs du Death Metal et leur présence en apéritif donnait encore plus de saveur à l'événement. J'étais curieux de voir ce que les Floridiens pouvaient donner cette fois sur un temps rétréci face à une audience beaucoup plus vaste, et non plus en tête de tournées ciblées Death Metal. Ils prirent les choses sans complexes avec leur recette habituelle, secouant les tignasses au rythme d'une setlist orientée quasi-exclusivement sur des classiques de toujours sous une toile affichant sobrement leur logo. Un seul titre était issu de la période de reformation. "Deadly Intentions" au début souffrit d'un mixage trop faible de John Tardy, rapidement corrigé, qui restera la seule imperfection sonore à signaler de toute la soirée. Montrant autant d'envie que lorsqu'ils sont en tête d'affiche, le groupe remporta un succès imparable avec un enchaînement prévisible mais toujours irrésistible "Chopped in Half-Turned Inside Out", attesté par les premiers slammers surnageant de la foule, suivi de "Find the Arise" avec son intro orageuse doublement de circonstance. Depuis le temps qu'il est là, Ken Andrews maîtrise maintenant tous les solos sans difficultés, en y donnant le sentiment qu'il faut, ce qui n'était pas encore le cas il y a quelques années. Même "I'm In Pain" retrouve le solo d'ouverture, il n'y avait rien à dire. Même si l'on aurait volontiers prolongé, l'affaire fut emballée aussi clairement en quarante minutes que sur un set au format plus habituel, jusqu'à l'attendu "Slowly We Rot" de clôture.

Au passage, ANTHRAX était le dernier pied du Big Four que je n'avais encore jamais vu. L'esprit fendard pied au plancher des New-Yorkais m'attire moins, mais a inspiré beaucoup de groupes du revival Thrash en revanche. Après avoir fait envoyer "Number of the Beast" pour terminer l'intermède, le groupe se présentait devant une toile de fond reprenant une version zombifiée de la pochette d'"Among the Living" et surtout Joey Belladonna au chant, avec sa longue tignasse, son micro sur une tige façon Freddy Mercury comme d'habitude, et son énergie à sautiller à travers la grande scène. Plus surprenant, le groupe attaquait en reprenant aux défunts amis les frères Darrell le riff d'ouverture de "Cowboys From Hell", avant d'attaquer deux vieux classiques puis le titre plus récent qui consacrait le retour de Belladonna. Le quintet a conservé une pêche contagieuse dont la fine pointe tenait à mon avis au toucher enthousiaste de Scott Ian à la rythmique, même si le chanteur préférait mettre en valeur avec son micro le dernier arrivé John Donais sur les solos qu'il restituait convenablement. Le public Espagnol, où domine toujours la culture et les gimmicks du Heavy traditionnel, reprit volontiers certains riffs en chœurs comme à son habitude.
Vinrent ensuite les reprises institutionnelles du répertoire d'Anthrax, à commencer par celle de Joe Jackson présentée comme du "fresh Metal", à moins que j'aie mal entendu et que Belladonna n'aie inversé avec l'adaptation d'"Anti-Social" qui devait suivre, chaleureusement reprise à pleine voix par nos hôtes transpyrénéens (et dans sa version originale par quelque français près de moi). Bien que je n'aie jamais été très fan de Trust non plus, il faut admettre que cela était quelque peu émouvant. Revenant enfin sur d'anciens titres sur lesquels gigoter et gueuler joyeusement pour les Indiens, le set ne pouvait hélas trop se prolonger et le riff de clôture de "Cowboys from Hell" à nouveau marqua la fin d'une expérience à parfaire volontiers. Les reprises nombreuses ont certes toujours fait partie de l'identité d'Anthrax, mais cela en faisait un peu beaucoup sur un temps si limité. Et je regrette encore que toute la production avec John Bush passe aussi à la trappe.

Cowboys From Hell (premier riff)/ NFL/ Caught… in a Mosh/ Fight 'Em 'Til You Can't/ Got the Time/ Antisocial/ Be All, End All/ Indians/ Cowboys From Hell dernier riff

Bien que notablement plus jeune, LAMB OF GOD jouissait d'une plage plus large que ses prédécesseurs. Toutefois ce ne fut pas le soir de ma réconciliation avec les Virginiens. Nantis d'une décoration de scène plus élaborée avec ces espèces de longues marches illuminées de part et d'autre la batterie, le groupe ne parvint toujours pas à m'arracher mieux que des hochements de tête à moitié distraits. Sur scène il est encore plus évident qu'ils étaient voués à reprendre la place de PanterA, assurer la relève du ThrashCore Groove face à la montée du MetalCore plus mélodique où Machine Head se vautrait outrageusement, tandis que Chimaira ne pouvait pas plaire à tout le monde. Malheureusement, toutes leurs compos souffrent de cet inexplicable blocage rythmique, l'incapacité quasi-totale à passer la cinquième vers un tchouka-tchouka couillu et libérateur. Et puis tous ces riffs au tempo freiné n'arrivent comme par hasard jamais à imprimer la mémoire auditive, à faire vibrer quelque chose au fond de l'auditeur.
C'était le moment de relâcher et traiter divers besoins physiques tant que tout était facilement accessible (surtout qu'un des distributeurs ambulants de bière qui sillonnaient la salle vint me débaucher dans la courte file !). Pendant ce temps, l'ascendant de Randy Blythe sur son groupe se vérifiait lorsque ses musiciens disparaissaient lors des pauses en le laissant seul faire de brefs discours aimables, mêlant un peu de castillan aux formules habituelles en anglais, mais brisant maladroitement une partie de son effort en appelant régulièrement le public "Spain" malgré les protestations d'une partie (la tension politique en Catalogne est encore trop forte pour être mise de côté le temps d'un concert…). Sur ce plan encore, la différence entre le franc succès et la simple performance estimable tient à si peu.


Et après l'ultime intermède l'obscurité se fit, l'introduction monta sous les acclamations tandis que des croix puis des pentagrammes se mouvaient sur une fine toile suspendue devant la scène, qui s'effondra pour laisser apparaître SLAYER envoyer au taquet "Repentless", titre d'ouverture de l'album qui sera certainement le dernier. Quel tsunami ! Au-delà d'un Thrash agressif et rapide, le volume élevé et une pyrotechnie somptuaire frappaient très fort et ont captivé l'auditoire définitivement. Même en vidéo je n'avais jamais vu Slayer dispenser à profusion un tel feu d'enfer, par un double mur de part et d'autre de la batterie surélevée, soit par des jets brefs suggérant à nouveau des croix ou des pentagrammes incomplets, ou encore de ces coups de torches qui mettent un coup de chaud à un public déjà ensorcelé… À ce niveau c'était à la fois Rammstein et un Slayer décidé à mourir en emportant tout avec lui.
Il n'était pourtant pas facile de bien tout voir, avec tous les téléphones qui dépassaient et ce père qui passa le concert à jucher son fils sur les épaules, lequel avait certes l'air de bien prendre son pied mais emmerda bien des gens derrière (à mesure j'ai pu les contourner peu à peu). En me plaçant sur l'axe central, j'avais choisi cette fois de profiter équitablement des deux guitaristes équitablement (vous savez comment Slayer fonctionne). Kerry King en masse bougonne et taciturne est toujours un soliste quasi parfait sur ses parties, le seul des deux bénéficiant de focales d'éclairage sur sa petite et compacte personne, tandis que Gary Holt faisait ses parties sans avoir le même feeling que Jeff Hannemann, fatalement. Malgré ce, comment ne pouvait-on pas être à fond avec ce répertoire immortel qui a façonné la scène extrême, de tels musiciens et ce spectacle exceptionnellement travaillé ? Par le headbang, les cornes levées et la reprise des paroles les plus célèbres, par l'urgence de l'ultime communion c'était une expérience rarement intense, où les souvenirs et états d'âme charriés au long des années d'écoute fusionnaient avec une exécution magistrale et transcendaient les colères les plus intimes…
En plus les titres gagnent en impact depuis que Tom Araya fait moins d'annonces, se prendre sans prévenir les premières mesures de "Mandatory Suicide" ou "Postmortem" à plein volume les rend encore plus puissants, comme on redécouvre celles de "Dead Skin Mask" sans la reprise du refrain en introduction qui était devenue traditionnelle. Et en avantage, les oublis de versets sont redevenus plus limités qu'à une longue période. Tom n'a quand même pas tout abandonné : un speech introductif et le cri à l'ancienne rendaient "Waaâââr Ensemble" totalement jouissif, ou lançaient ce "Payback" sardonique. Mais sa simple présence iconique et silencieuse, le visage enfin rasé (ça lui va quand même bien mieux) au bord de l'éclat de rire, suffit à électriser le public et il en joue. Un peu d'espagnol permettait opportunément de créer un lien un peu spécial.
La setlist alternait grands classiques et des morceaux plus récents mais invariablement rapides. Au-dessus d'une longue épée figurée en bas de sa batterie, Paul Bostaph avait deux sculptures métalliques du logo historique du groupe de part et d'autre. S'il n'a pas la finesse de touche quasi sentimentale de Lombardo, sa puissance de frappe et sa maîtrise quasi irremplaçable du catalogue ont balayé tous les ricanements les plus tenaces des fans qui se voulaient plus authentiques que les autres. Voyez ce féroce "Dittohead" par exemple. Derrière lui, plusieurs fonds de scène se succédèrent, notamment une version fluo du dernier album. Après un "Hell Awaits" enchaîné, la pause rappelait que le temps passait hélas. L'introduction enregistrée de "South of Heaven" relançait l'enthousiasme d'un public loin d'être fatigué, tout en laissant au quartet infernal le temps de se réinstaller sans hâte pour une dernière longueur de titres de trente ans d'âge minimum. Le halo à contre-jour pour mettre en valeur Bostaph sur les trois coups annonçant un "Raining Blood" hystérique confirmait qu'à la fin de l'histoire, les deux membres originels (enfin, surtout un…) le considéraient pleinement comme l'un des leurs, honneur discret mais pas du tout anodin qui n'aura jamais été accordé en aucune sorte à Gary Holt, bloqué à toujours au poste du copain sympa qui dépanne la famille. Le membre défunt, d'ailleurs, sera honoré une fois de plus par la projection du logo pastiche d'une marque de bière de grande consommation qui lui rendait déjà hommage sur de précédentes tournées pour cet "Angel of Death" final, ultima ratio d'un rappel qui n'avait pas été avare non plus en feu et flammes.
L'ultime carnage achevé, les quatre restèrent inhabituellement longtemps pour saluer et jeter quelques mediators ou baguettes aux fidèles, Kerry King esquissant même des sourires et de brefs échanges. Puis ils laissèrent encore Tom seul dire quelques mots et un "Gracias para todo, adios !" qui prenait tout son sens dans ces circonstances. Si Slayer a choisi de mourir en possession de ses moyens, ils n'ont pas menti et partent sur une démonstration de force. J'en ai eu un acouphène jusqu'au lendemain après-midi malgré mes protections.

Delusions of Saviour - Repentless/ Blood Red/ Disciple/ Mandatory Suicide/ Hate Worldwide/ War Ensemble/ Jihad/ When the Stillness Comes/ Postmortem/ Black Magic/ Payback/ Seasons in the Abyss/ Dittohead/ Dead Skin Mask/ Hell Awaits
South of Heaven/ Raining Blood/ Chemical Warfare/ Angel of Death

Ne restait plus qu'à récupérer ses affaires et rallier tranquillement le bus de nuit par le chemin inverse de l'aller à travers une nuit au calme tellement contrasté. Celui qui suit les plus sanglantes victoires.

mercredi 5 décembre 2018

Sick of It All Black Knives TAF Saint Jean de Védas 13 novembre 2018


Aller au concert le treize novembre. Cela fait un peu bizarre maintenant. Dire que des gens avaient demandé de mes nouvelles dans les jours suivant les attentats, craignant que je sois à un mauvais endroit vue ma réputation de requin des salles. Bref.
Sick of It All est le groupe qui m'a toujours inspiré le plus de respect parmi tous les grands de la scène NYHC : l'intégrité sans arrogance ni casseroles, la force avec la vitalité, la gentillesse sans mièvrerie, la pureté du style avec un son bien à soi, une passion jamais lassée. Même Tom Araya s'est fait tatouer le logo du groupe sur sa peau velue. Aussi n'étais-je pas surpris en arrivant de rencontrer une belle affluence sous les tentes nouvellement tendues à travers la cour de la Secret Place en raison des pluies incessantes des dernières semaines. Toutefois, beaucoup de gens venaient de Toulouse ou de Provence en général, une ville et une région où le HC old-school a conservé un public important, et même rajeuni dans le cas de la cité des Violettes.
Ralliant malheureusement la salle plus tard que prévu j'ai raté le tout premier groupe qui venait de déserter la scène, EIGHT SINS, qu'ils me pardonnent. Le merch' des trois formations était fourni.

Qu'il est difficile d'ouvrir pour un tel monument ! Les cinq Toulousains de BLACK KNIVES s'y lancèrent sans complexe. Leur NYHC métallisé rappelait le Sworn Enemy d'il y a quelques jours, Hatebreed et évidemment un Alea Jacta Est qui serait plus traditionnel. Tout cela nous ramenait aux sensations d'un après-midi sous le soleil de l'Xtreme Fest. Les bonnes mosh-parts et les riffs fiers s'enchaînaient, le groupe se démenait mais l'assistance, bien que rentrée en nombre pour regarder, se réservait très clairement pour la suite. Heureusement le set fut assez long. À force d'insister, les harangues arrachèrent un peu de pogo et un circle-pit vers la fin, qui auraient éclaté bien plus facilement dans un contexte moins exceptionnel. Peut-être que les peaux de la batterie, à mon sens, manquaient un légèrement de tension et le son aurait-il pu être un peu plus clean, mais je ne voudrais pas gâcher les adieux de l'ingé' son du groupe dont on nous demanda de saluer chaleureusement le départ. En tout cas on ressortira volontiers les couteaux une prochaine fois.

Les ans ont-ils prise sur SICK OF IT ALL ? Dès les premières mesures, la fosse compactée explosa comme un volcan qui vomit jusqu'à la fin du set, beaucoup plus tard, un flot régulier de slammers (bon, certaines têtes revenaient souvent quand même !). Enchaînant des titres d'époques différentes, incluant bien entendu des extraits du nouvel album, le gang montre toujours une patate écoeurante, même si sur une petite scène comme celle-ci on ne peut plus voir Pete Koller courir d'un bout à l'autre. À travers les mots de son frère, le groupe se donna totalement à ses fans une fois de plus. Il remotive les moshers, rappelle brièvement trente-deux ans d'histoire quand il le faut, commande les chœurs sur des refrains devenus légendaires semés de "Oï !" résumant toute une tradition à préserver… et maîtrise maintenant un "Merci beaucoup !" sans plus aucun accent ! Des classiques comme "My Life", "Sanctuary" ont été rejoints par des titres moins anciens comme "Let Go" ou "Take the Night Off" comme grands succès, voire des très récents tels "DNC" aussi redoutable ; passé et présent se rejoignent dans une même célébration et peu sauraient en dire autant.
SOIA, c'est aussi un son de basse emblématique, puissante sans fuzz excessif, s'exprimant à l'aise dans la place laissée via une seule guitare. Et tout ça envoie pied au plancher, dans un déchaînement d'urgence Punk totalement maîtrisé, même la basse seule a pu tenir le circle-pit à plein régime sur un break d'intro de plusieurs secondes. Sans sonner aussi puissants que du Metal, tous ces riffs si agressifs et rapides bénéficient d'un son de guitare d'une propreté constante tant en studio que sur scène. De chœur en mosh, tout le public y était. Lou Koller demanda comme d'habitude qui venait les voir pour la première fois. Il y en a de moins en moins mais c'est aussi une astuce pour ouvrir le contact avec quelque fille à son goût au milieu de la masse, car il est malin ! Il faut voir avec quel métier il sépare la fosse des coreux en nage tel Moïse, puis chauffe chaque bord pour lancer un "Scratch the Surface" rageur. Laissant le public enfin choisir en apparence l'ultime titre à jouer en rappel, mais écartant ceux déjà donnés, ce fut l'incontournable "Step Down" qui acheva l'assistance. Et malgré son gabarit Lou se jeta quelques instants parmi les moshers en folie, avec son micro filaire, comme un gamin qu'il est resté pour n'avoir jamais perdu la foi !
Par réflexe je regardai l'heure tandis que l'euphorie et les cris planait encore dans une chaleur confinée, et constatait que le set avait dépassé l'heure de jeu ce qui n'était de mémoire jamais arrivé, du moins en ma présence, forçant encore un peu plus mon respect déjà acquis. Cela valait bien un salut de ma part aussi pendant que les quatre donnaient tout le temps nécessaire aux fans désireux d'échanger un peu, de se photographier ou se biser ensemble.
Malgré tout ça, la semaine de concerts va encore monter de quelques crans.


dimanche 25 novembre 2018

Cortez Stuntman Black Sheep Montpellier 8 novembre 2018

Voilà des mois que je n'étais pas retourné au Black Sheep. Ce soir j'avais déjà vu les deux groupes au programme, mais c'était bien la raison pour laquelle je repris ce cher chemin dans la nuit automnale animée mais menaçante. Comme on pouvait prévoir les anciens habitués se massaient au seuil du bar, le prélude se prolongeant car l'ouverture de la cave et le coup de semonce arrivèrent inhabituellement tard.

Les Sétois de STUNTMAN sont devenus au fil du temps l'une des institutions de la scène locale, toujours productifs (deux minis encore cette année) en dépit des inévitables changements de personnel, engagements dans d'autres projets et responsabilités croissantes de la vie privée. Le quartet, ce soir encore, a su construire son identité en brassant des inspirations assez larges principalement héritées des années 90, essentiellement le HC New School et le Noise. Le groupe assume néanmoins aussi l'apport du Metal plus ou moins extrême de cette époque et même du Stoner de tradition plus ancienne.
La synergie d'un groupe très rodé, l'accordage assez grave de la guitare et l'alliance de la lourdeur et de l'agressivité accentuaient la facette Metal, même si le grand nombre de riffs exigeants et la spontanéité du chanteur (dernier membre originel du groupe) confirment les affiliations dominantes pour un résultat franchement bourru. Comme d'habitude, ce dernier plongea au bout d'un moment dans la fosse ! La basse, particulièrement audible ce soir, donnait une couche appréciable de groove en dépit des chœurs parfois coupés au micro vocal par ailleurs. Ce mixage se calait bien avec la frappe de batterie puissante, à l'ancienne, préservée par les groupes de cette génération. Le titre Grindy en fin de set était aussi bien maîtrisé que chez des spécialistes du style, le groove en plus. Avoir écarté quelques anciens morceaux incontournables de la setlist suggère qu'après quinze ans de présence, ils ne souhaitent toujours pas se reposer sur les acquis.

CORTEZ, qui publie ces jours-ci son troisième album après cinq ans de silence (pour répondre au fan de Noir Désir qui avait demandé "Combien à attendre ?"), se présentait avec un nouveau chanteur et une certaine évolution une fois encore.
Toujours sans basse à ses côtés, au moins sur scène, la bonne vieille Gibson apporte son grain Rock classique à un HC chaotique et rageur aux structures mieux apparentes qu'un bête admirateur de Converge. Le chant demeure crié mais fait passer un peu d'émotion à présent, ce qui facilite la pénétration d'un style tout de même bien violent. Les Fribourgeois n'y perdent pas en intensité, ni en complexité. Le nouveau titulaire arpentait toutefois la scène comme un lion encagé, muscles et moustache compris.
Nous qui avions discuté de la synchronicité pieds-mains chez les batteurs pendant la mi-temps, la réponse assénée par le titulaire m'a assez impressionnée vue la complication des parties qui ne le laissent jamais respirer jusqu'à la fin du titre, sur des rythmes puissants. Je trouve qu'il y a eu là un progrès plus frappant encore que la petite évolution du chant. La communion progressa sans peine au long du set de trois quarts d'heure, comme la première partie, malgré le départ d'une frange du public venue une fois encore voir les copains du coin en première partie. Après avoir chanté quelques instants face au mur du fond de scène ou titillé le larsen des retours, le brailleur acheva quasiment un titre en criant directement sur nous le bref refrain tandis que le micro filaire gisait sur le sol de la petite estrade. Un fameux hymne de "Phoebus", l'album précédent, forma l'apothéose évidente d'une performance suffisamment étalée pour s'appuyer sans complexes sur un passé pourtant un peu différent, et dont il n'y aurait guère à élaguer. 
Malgré un merchandising fourni et assez amusant même, je n'ai pas beaucoup traîné afin d'éviter les averses en embuscade sur le trajet.

mardi 13 novembre 2018

Killing Joke Turbowolf Cabaret Sauvage Paris 27 octobre 2018

Il a fallu que je le mérite, ce concert ! 4 h 40 de retard de train ! Affichant complet depuis beau temps, en tout cas avant que je réalise que je me trouverai à nouveau à Paris à ce moment-là, j'ai pu y accéder finalement par la grande chance de bénéficier d'un désistement.
Et rencontrer Killing Joke avait du sens. Même si je n'y touche plus beaucoup, la blague fatale a eu jadis une grande importance dans mon parcours musical. Pas tellement parce que le groupe est presque de mon âge. Mais parce qu'en les découvrant en quelque sorte trop en avance par rapport à la progression normale d'un novice vers les profondeurs de la musique indépendante, ces Londoniens ont été là à la fois pour sceller mon appétence aux gros riffs Metal, m'introduire aux personnalités artistiques affirmées ouvrant des parcours improbables, me familiariser avec l'Industriel et le Post-Punk, enfin me rappeler que je resterai toujours sensible à la New Wave même si pour un étudiant de cette époque c'était impossible à assumer.

Dans la froideur brutalement tombée et la nuit tombante, j'ai encore eu un peu de mal à trouver le chapiteau du Cabaret Sauvage dans le vaste parc de la Villette. Une fois rentré j'ai immédiatement apprécié ce cadre assez spacieux et subtilement désuet, où la scène n'est toutefois pas au centre mais sur un bord. Assez vite on réalisait que le complet n'était pas de la blague. L'assistance était assez âgée et représentative du panel des fans prévisibles de Killing Joke : rockers quinquas nostalgiques du tournant des années 80, fans pointus de musique Industrielle (normal, à la Villette), Metalleux en nombre significatif, occultistes en civil…

En première partie venaient leurs compatriotes de TURBOWOLF, de Bristol précisément. En formation trio, cheveux longs et tenues bariolées (enfin, pas le batteur trapu installé côté gauche), sans bassiste, ils présentaient une musique assez différente. Leur Stoner Psychédélique est bourré d'énergie, ne laissant guère l'auditeur se relâcher tant les plans se succèdent vite. Le chanteur, fortement réverbéré, cabotinait avec l'assistance notamment avec quelques souvenirs de français ou en indiquant le refrain à reprendre pour le morceau à venir, avec cette manie agaçante des Anglo-Saxons de pointer dans le public façon Obama. La guitare fuzzait tellement qu'une basse était effectivement superflue, sans pour autant agresser l'oreille. Entre Stoner vitaminé, résurrection de Zappa et microtraces de Funk, l'affaire était catchy et remporta quelque succès. Mais elle me rappela à son désavantage Philm, un ancien groupe de Dave Lombardo beaucoup plus intense dans un style approchant, mais moins préoccupé par le succès. Décrochant peu à peu malgré l'abattage certain sur scène, je me suis retiré avant la fin du set pour profiter tranquillement de la faible queue au bar. Du reste, leur temps de jeu ne me parut pas très long pour un groupe qui a quand même trois albums en stock.

La longue pause fut agrémentée d'un fond musical parcourant par moments l'EBM pour mon plus grand bonheur. Heureusement car tout ce temps pour faire trois vérifications espacées et installer une bougie (?), y'avait de l'abus.

Après toutes les péripéties traversées, KILLING JOKE commet l'exploit de réunir son line-up originel et stabilisé pour son quarantième anniversaire. Si Youth et Geordie accusent le poids des ans (seulement des ans ?), Jaz Coleman reste éternel dans sa combinaison noire, son maquillage blanc aux yeux noirs, et son air ahuri de fou pas trop dangereux. Mais l'avantage d'une personnalité pareille, c'est qu'il vit avec autant de foi les vieux titres Post-Punk comme celui de l'ouverture que les morceaux plus récents qui fessent Ministry sur son propre terrain venus par la suite. Tout cela est uni par les thématiques conspirationnistes et spirituelles de son esprit gentiment fêlé, qui ont nourri constamment son écriture au fil des époques.
Logiquement la production était calée sur le style actuel du groupe, un gros son bien Metal parfaitement balancé, propret mais accrocheur et massif. L'effet était garanti pour les énormes riffs de salaud de Geordie Walker avec son éternel calot sur la tête, syncopés en mid-tempo sur les rythmes de Big Paul. En plus les intros étaient parfaitement audibles ce qui calait haut la puissance de blast de l'ensemble. Écartant toute nostalgie excessive, le programme parcourait avec équilibre les albums récents et les légendaires premiers, et l'on passait ainsi du headbang au pogo Punky sautant dans tous les sens. "Eigthies", victime du plus fameux plagiat de l'Histoire du Rock, vint assez vite pour la plus grande joie du jeune fan de Nirvana à côté de moi…
S'il passait très facilement du chant clair à des tons plus gutturaux, Jaz nous fit quelques tomarayades sur certains commencements et surtout refrains que le public compacté connaissait par cœur de toute façon. Sur un titre, Big Paul et Youth assurèrent certains couplets. Les chœurs de l'assistance sur "Loose Canon" étaient par contre inévitables et surtout chaleureux. Coleman se livra en compensation à quelques brèves allocutions géopolitiques (avant "New Cold War" évidemment) ou spirituelles (il paraît qu'ils adorent tous les dieux).
Au-delà du plaisir intense à parcourir un répertoire assez phénoménal, on constatait à la marge que les vieux titres souffraient quand même du choix d'une production et d'un accordage bas ultra Métalleux pas idéalement adapté au ton plus léger des nombreux extraits du premier album, "Bloodsport" ou "The Wait" sonnaient assez différemment de l'origine par exemple, sans pour autant que l'enthousiasme de la fosse n'en pâtisse tout de même.
Après que Jaz eut dédié, après une longue pause, le titre à venir à la mémoire de Paul Raven, ce "Love Like Blood" était toutefois méconnaissable dans les premiers instants tant ce son était éloigné des réglages de la New Wave, comme sa veine mélancolique tranchait avec le ton général du concert. Ceci accepté, cette facette franchement délaissée – à part ce titre immortel – fait  pleinement partie de l'identité du groupe et aérait plaisamment l'ambiance pour le moins corpulente et physique du show. Pour le finish s'enchaînèrent les incontournables "Wardance" et "Pandemonium" laissant le monde sur son riff imparable et son refrain fédérateur tourné vers l'avenir.
Le temps de reprendre ses esprits (autrement dit un demi pour rattraper une partie de ce qu'on avait sué !) et laisser l'assistance s'égrener lentement par l'unique sortie, on se disait qu'encore une fois, les pépés avaient donné une leçon. Le froid mordant pour la saison et le long trajet à faire vers mon hébergeur m'achevèrent tout à fait. Nos prochaines aventures nous emmèneront plus au sud, peut-être même au sud du Ciel.

vendredi 9 novembre 2018

Sworn Enemy Surra TAF Saint-Jean de Védas 23 octobre 2018

Dans mes plus belles années 90 j'aimais bien le crossover Metal HC, et je m'y replonge très facilement le temps d'un concert de temps à autre. Surtout que là j'avais déjà vu Sworn Enemy il y a une dizaine d'années en support d'Agnostic Front, et c'est toujours intéressant de revoir un groupe d'un certain poids après un tel laps de temps, au cours duquel il y a même eu un vrai break.
Le faible nombre de voitures aux abords de la salle faisait comprendre tout de suite que ce soir, cela se restreindrait aux plus mordus de la scène et c'était hélas une réunion d'habitués en effet. La douceur de la soirée était peut-être un peu en cause, qui sait ?

Et pourtant le trio Brésilien SURRA lançait remarquablement l'affaire. Leur Crossover est un peu plus traditionnel, mélangeant le Thrash et le HC Punk, Anthrax et les Dead Kennedys. Malgré les paroles en portugais, l'énergie explosive et la communication en anglais international suffisaient à faire comprendre qu'ils sont en colère. Comment ne pas faire le lien avec l'actualité dans leur pays ? Malgré cette circonstance, la débauche d'énergie restait positive et le guitariste principal chanteur gardait une expression souriante au milieu de poses parfois déjantées, perdant même une fois sa casquette retournée. Enchaînant les riffs efficaces, le son restait très primaire mais gagnait en chaleur avec la basse qui pouvait même se permettre une paire d'arpèges rapides (enfin des jeunes qui ont redécouvert tout ce que cet instrument apporte !). Mais le plus marquant restera à mon avis le batteur, toujours dans le tempo, qui frappait fort et haut sur des tempos extrêmes sans trop se forcer. Il en remontrerait à bien de ses confrères qui truquent leurs blasts. Le public appréciait mais restait globalement sur sa réserve pour la suite. Je regrettai d'avoir raté Surra une fois précédente, ils sont dans le haut du panier de ce style qui n'en finit pas de revenir de plus en plus fort.

En parlant de ça, SWORN ENEMY aussi nous est revenu nettement plus costaud que dans mes souvenirs. À part le chanteur, le quintet a été entièrement renouvelé et atteint une puissance de frappe redoutable. Leur HC est très métallisé mais ne ressemble pas à du MetalCore banal, notamment par le chant crié et surtout enfin dignement mixé de manière à gommer ce qui était dans mes souvenirs le principal défaut à l'époque. Un copain sarcastique appelait naguère ce genre de mélange "du Hardcore à la Slayer" mais je pensais plutôt au Kickback des débuts en plus cool, des New-Yorkais comme eux n'ont pas besoin de singer des codes dans lesquels ils se sont forgés depuis la première fois qu'ils ont mis le pied en bas du bloc. La fosse, évidemment, était déchaînée. La symbiose d'énergie entre le groupe remonté comme un coucou et les moshers à fond, cette fameuse "loi de Hetfield" qui veut que l'énergie reçue de l'un pousse l'autre à lui en donner encore plus et réciproquement, se vérifiait une fois de plus. Si bien que le chanteur s'interrompit à un moment pour nous dire qu'il avait vu que tout le monde, absolument tout le monde bougeait jusqu'au dernier rang (oui, moi aussi) qu'il n'avait jamais vu ça et que ça méritait le respect. Et son ton ne sentait pas totalement la galéjade de frontman. Le paquito traditionnel fit beaucoup rire le chanteur de Surra glissé dans l'assistance. Tout en bougeant allègrement, les guitaristes et bassiste assuraient sans trop de déchet avec un son bien plus propre, métallisé là encore, devant un batteur afro relâché et impassible mais impeccable.
La set list, à ce que j'ai compris, laissa large place à un de leurs albums atteignant cette année ses quinze ans. Mais quand l'heure de set approchait, sans qu'on s'en soit rendu compte, fut annoncée une reprise du "Punishment" de Biohazard qui passait parfaitement tant la parenté entre les deux formations est proche. Au titre suivant le chanteur Sal, qui domine le groupe de sa taille et enfin à présent de par son chant poussé comme il le faut, partagea la parole avec un roadie à la bonne gueule avec ses oreilles décollées, qui offrait un ton plus à la Stigma intéressant en contrepoint. Enfin le riff final de "Domination" de PanterA marqua le terme d'un set sans rappel sur un héritage générationnel décidément revendiqué sans complexes. Les complexes, ce n'est pas le genre de la famille et vu le niveau atteint, il ferait beau voir.

Le format à deux groupes laissant la soirée se terminer tôt, nous avons eu tout le temps de nous dire unanimement que ce concert aurait mérité une bien meilleure affluence. Une fois de plus les absents ont eu tort, ce retour fait mal.
Je vous emmènerai très vite assez loin de là tant musicalement que géographiquement…

mercredi 31 octobre 2018

Voïvod Bio-Cancer Hexecutor 29 septembre 2018 Paris Petit Bain

Il n'était pas prévu que je sois présent à ce concert. Monté ce weekend à Paris pour des raisons extramusicales et me trouvant libre ce soir, l'idée me vint naturellement de regarder ce qui passait. Le reste allait ensuite de soi, même si je n'ai jamais suivi Voïvod que d'assez loin et que je vous offrirai donc un regard moins pénétrant que celui d'un Mortne2001.
Direction donc le Petit Bain, malgré la petite bise courant le long du quai de la Gare (en face du quai de Bercy). Comme beaucoup savent certainement, une fois dans la cale plus rien ne rappelle que cette petite salle est en réalité un bateau amarré, à part un discret hublot donnant sur le fleuve. En plus la bière était encore moins chère qu'au tarif happy hour. Si le public était typé Metal, les vieux thrashers n'en formaient qu'une partie aux côtés de vestes à patches et t-shirts plus contemporains.

L'actualité avait été douloureusement marquée quelques jours auparavant par le décès d'un membre de Voight Kampff qui devait initialement assurer l'ouverture du set. D'autres Bretons prenaient la relève dans un style plus direct. Les clous et les chevelures d'HEXECUTOR annonçaient bel et bien un Thrash old-school primaire et agressif dans le sillage de Destruction, Sodom, Slayer, Hellhammer et Venom. J'ai vite apprécié cet exercice de style balisé impeccablement rempli : le tempo rapide dévalait en totale maîtrise, les compositions homogènes ménageant quelques ralentissements dont les riffs arrivaient en accord avec les galopades précédentes. Un titre fut naturellement dédié au défunt. Les vocaux déraillaient systématiquement dans les pires aigus, mais le Speed Thrash a l'avantage que cela y passe bien mieux que dans tout autre style. Il me parut injuste que le public reste si réservé sans lancer le pit, se contentant de hocher du chef ou d'un bras. De toute façon n'importe quel fan de Metal extrême, où qu'il se situe précisément, ne peut qu'aimer un minimum ce genre ne serait-ce qu'en live, sous peine de déchéance.

J'eus une brève émotion en allant faire la vidange, non pas directement dans la Seine par-dessus bord mais dans les waters prévus à cet effet. J'y aperçus un autocollant de l'Eko des Garrigues, radio libre emblématique de mon Bas-Languedoc depuis plus de quarante ans.

Avec Suicidal Angels ou Exarsis plus récemment j'abordais BIO-CANCER en étant déjà convaincu que les Grecs s'y connaissent très bien en Thrash AOC. Après une pompeuse intro symphonique de cinéma, ces Athéniens ont servi une recette différente de leurs compatriotes, beaucoup plus Américaine avec quelques chœurs sur des passages brefs fortement influencés par le Mosh à la MOD. Le son un peu plus ample, la pochette de Bouzikov façon Repka arborée en fond de scène étaient plus typés que les t-shirts portés par les membres suggérant des influences plus diverses. Avec les solos de guitare, je songeais à du Death Angel ou du Toxic Holocaust. Quelques courageux tâchèrent d'animer péniblement la fosse, ne parvenant qu'à l'élargir. Au moment où quelques longueurs auraient pu se laisser sentir, des riffs plus mélodiques à la Megadeth surgirent et redonnèrent de l'intérêt à un spectacle globalement au point. Seul un léger manque d'originalité réelle parmi la masse du revival Thrash devrait être concédé à charge, au terme d'un set d'environ trois gros quarts d'heure.

Comme on sait, les vétérans Québécois de VOÏVOD n'ont pas de fans mais de véritables adorateurs très fidèles, depuis des lustres pour la plupart d'entre eux. Au milieu de cette masse soudainement compactée j'abordai le set avec une certaine humilité, comme le parent éloigné invité à la fête familiale. Car c'en était une, pour les trente-cinq ans du groupe et le nouvel album. Snake traitait naturellement l'assemblée en "cousins" en employant bien entendu la langue de Gilles Vigneault pour communiquer. La force de ce lien avec les fans tient beaucoup à la forte personnalité esthétique du groupe. Notamment, ces dessins simples mais chargés à gros traits aux couleurs rosâtres, œuvres du batteur Away assis juste en-dessous, qui étaient projetés sur la toile de fond. Ces thèmes alternant entre SF et monstres issus de l'imagination d'un enfant qui aurait lu Lovecraft bien trop tôt pour son âge ont lentement essaimé à travers la scène, depuis cette époque où apparaissait beaucoup plus au sud-ouest le Thrash Bay-Area.
La programmation alterna dès le départ les "tunes" du disque nouveau-né, leur bébé, et titres plus anciens. Les uns et les autres étant acclamés en totale équité, car les adeptes de Voïvod sont décidément amoureux comme au premier jour. Pour avoir vu pas mal de vieux groupes à ce jour, je peux dire qu'un tel niveau de communion n'est pas courant. Cette complicité se traduisait par une interaction remarquable, les airs de joyeux anniversaire enchaînant avec les blagues qui fusaient de la fosse dans les moments d'apaisement. Et encore bien évidemment par la fosse enfin agitée malgré la densité, et les stage-divings. L'un d'entre eux, en fin de concert, rentra grossièrement dans le nez de Snake qui sembla avoir assez mal mais qui tint bon.
Musicalement, la singularité du groupe demeurera pour jamais très forte, par ce Thrash aux compos d'une complexité inhabituelle, qui contribua largement à enraciner le goût de la technique dans le Metal extrême naissant. Demandez à Vektor, de nos jours, ce qu'ils en pensent. Si le son pourrait paraître daté sur les versions album, la guitare tenue actuellement par Denis Mongrain et le chant toujours assez naturel de Denis Bélanger préservent la subtile texture Rock traditionnel que j'ai toujours cru déceler au fond de ce groupe. Comme pour confirmer, une brève reprise de "House of the Rising Sun" fut esquissée parmi les joyeuses improvisations suscitées par tant de bonheur partagé. Également, ce titre intéressant issu du nouvel album présenté comme Punk et Psychédélique, qui rappelait la force de l'influence déterminante bien que non évidente du Rock progressif de l'Âge d'Or sur l'œuvre imposante dont Snake et Away veillent à préserver l'esprit des origines avec l'aide des deux plus jeunes. D'ailleurs la présentation des membres du groupe à l'Américaine, quand la fin du set approchait, inclut un hommage court mais émouvant à Denis d'Amour, "Piggy", le guitariste disparu il y a treize ans. Un vieux titre fut accordé en rappel avant un long salut clôturant un set d'une heure vingt environ.
Sans pouvoir me prévaloir de la passion et de la connaissance approfondie du répertoire qui peuvent porter l'expérience d'un concert à un rare niveau d'intensité, on pouvait particulièrement bien observer tout cela autour de soi et y communier en bonne partie. La musique, c'est magique.


vendredi 12 octobre 2018

Defeated Sanity Epicardiectomy Oral Fistfuck In Demise TAF 27 septembre 2018

Avec les vacances j'avais raté Dying Fetus mais une telle affiche ce soir était de nature à effacer les remords. Une tournée aussi fournie et homogène n'est plus très courante de nos jours. Et pour être aussi ciblée, il n'est pas venu grand monde malheureusement. Étaient présents les passionnés connus du quartier, une affluence bien éloignée de la parité comme à l'époque.

Peu avant mon arrivée avaient commencés les cinq Berlinois d'IN DEMISE remplaçant Acranius à ce stade de la tournée. Leur Death brutal et basique ne souffrait guère d'un son peu raffiné. Enchaînant gaiement les gimmicks du style autour de compositions simples, les Allemands ne montraient pas de vrais points faibles, le passage fréquent par des rythmes lents donnant une orientation assez Slam. Un solo de guitare souffrit du mixage un peu trop favorable au chant guttural et à la guitare. La caisse claire sonnait aigu à la Deeds of Flesh. Plutôt que de se disperser dans des risques inutiles, la maîtrise des bases permettait aux plus chauds de se décoincer et aux connaisseurs d'apprécier sans mélange le son qu'ils étaient venus chercher. Cela partait sur des bases modestes mais sûres.

Toujours plus en délicatesse et tous vêtus du t-shirt de leur propre groupe, les quatre Suisses Alémaniques d'ORAL FISTFUCK montaient le niveau d'agressivité. Avec un accordage plus aigu de la guitare et un mixage plus aéré cela cherchait plus à faire mal qu'à écraser. De même le blast à fond qui revenait beaucoup plus souvent était joué à la manière classique, et non pas comme du gravity. Le chanteur n'était pas pitché et se montrait capable d'aller sur plusieurs tons, tout prenant volontiers des poses hystériques ou mimant de mitrailler l'assistance qui forma sans se forcer les premiers pogos. Je pensais au vieux Benighted, celui d'avant "Icon". Après avoir exprimé ses premiers mots dans un français tout à fait acceptable, le chanteur préféra rester dans un anglais standard pour ses communications suivantes. Je vois en eux un certain potentiel pour progresser encore, s'ils s'en donnent la peine, sur le dur chemin de l'extrême indépendant, l'adresse d'interprétation étant largement acquise malgré l'absence de solos.

Il y avait quelques objets à vendre au stand dans la cour fraîche et clairsemée.

Comme le grand guitariste l'arborait, avec EPICARDIECTOMY nous en revenions au Slam Death pur et vrai. Quoique, au-delà d'une guitare étouffée à mort et d'un chant à faire pâlir les éviers de la meilleure céramique, les Tchèques y mettent un groove fort bienvenu. Cela tient essentiellement à l'attitude, une extraversion qui ne compromet pas l'interprétation et desserre aux entournures les raideurs des versions originales. Ainsi, ils ont pu emballer à nouveau le public pour une orgie de headbang, percussions verticales sur des victimes fantômes et autres gestes absurdes observables dans un concert de ce genre. D'ailleurs, à ce que j'ai compris, le chanteur ne s'attendait pas à un tel emballement. Quelques samples bien dans le style renforçaient les clichés de ce courant mais ça avait effectivement du bon même pour un exercice de style plaisant et sans complexes. Le set de presque trois quarts d'heure, malgré un répertoire somme toute réduit avec deux albums seulement, passa sans aucun ennui. Une petite performance, pour moi qui préfère un style un peu plus traditionnel dans la brutalité.

Devenu une formation internationale au fil des ans, DEFEATED SANITY s'est patiemment hissé dans la première division du Death Metal. Assez rapidement, et après les trois groupes précédents, l'on pouvait constater qu'une maîtrise supérieure a été déterminante dans cette ascension. Ce virage contrôlé vers un Death plus technique, plus varié et ambitieux mais resté solidement ancré dans le Slam est particulièrement visible par le batteur capable de varier rapidement, et mieux qu'aucun autre ce soir, des plans diablement complexes entre les passages en gravity blasts conservés de leurs origines. C'est normal de sa part, c'est le seul membre restant depuis la naissance du groupe quelque part au fin fond de la Bavière. Étonnant tellement il sonne Américain du reste, et cela ne date pas de l'incorporation de membres étrangers comme le growleur Jason lui-même issu de ce pays, ainsi que son accent et son assurance en anglais le trahit. Malgré des blancs récurrents entre les titres, le succès restait incontestable pour un Death Metal intègre, sauvage, à la fois traditionnel et de son temps, restitué à la perfection. L'éclairage demeura constamment au rouge tout le long du set de près d'une heure, peut-être en reflet d'un champ lexical particulièrement sanglant.  Aucun rappel ne fut donné, pas plus qu'avec les groupes accompagnants. Mais je pense que les mordus avaient reçu leur dose. Perso' je serais bien allé trancher des bandes entières de goules à la double hache, en partant.

À défaut d'avoir ramené foule, cette soirée a été tout à fait réussie dans un créneau bien marqué.

jeudi 30 août 2018

Nervosa Sekator Altered Beast TAF Saint-Jean de Védas 8 août 2018

Après Soulfly nous allions garder un pied au Brésil pour cet autre concert caniculaire. J'avais découvert Nervosa il y a deux ans à pareille époque dans une petite salle en ville. Le premier progrès visible était le gain d'affluence. Oh, c'était loin du complet dans la cour et la salle de la TAF, mais sensiblement mieux alors qu'elles se présentaient cette fois comme l'unique tête d'affiche internationale.

Craignant d'être en retard pour une stupide étourderie, j'arrivai pendant le début du set d'ALTERED BEAST. Je vous avais déjà parlé de ce groupe Biterrois au printemps dernier, et je ne serai pas redondant sur leur ThrashCore typé années 90 déjà disponible sur un premier album, le set étant très semblable. Le passé du chanteur dans le groupe de Heavy Mystria se sent sur le recours fréquent aux aigus, qui font ressembler les morceaux à du Channel Zero ou "Cowboys from Hell". La reprise à nouveau de "Roots Bloody Roots", de circonstance, passa cette fois sans incident. Je leur souhaite de gagner en férocité pour franchir un palier. Avec une chaleur si lourde encore, il était difficile de bouléguer le public.

Par contre je ne vous avais encore jamais parlé de nos compères Montpelliérains de SEKATOR. Le quartet se présentait avec un pigiste à l'une des guitares. Le début de set fut compliqué avec une corde cassée sur les deux premiers titres. Comme le nom le suggère, il s'agit de Thrash dans l'esprit du revival, exécuté pied au plancher avec des riffs qui font penser à Exodus ou Slayer. Toutefois, les vocaux bien rauques du bassiste ramènent nettement le style vers le moment historique précis où certains groupes comme Sepultura ou Incubus (de Louisiane) faisaient émerger le Death Metal. Les quatre années d'expérience se sentent et à part la péripétie mentionnée le gang a atteint les moyens de ses ambitions dans le sillage d'une batterie aux parties assez simples mais jamais à la peine. La communication, plus sympathique et détendue que vraiment charismatique, devra peut-être oser perdre en naturel pour incarner encore mieux cette musique assez sombre et indéniablement violente, mais c'était difficile de le faire quand on jouait à domicile il est vrai.

Comme en 2016, les Brésiliennes ont pris un long moment pour régler leur son et l'assistance commençait à taper du pied quand le set débuta enfin. Là encore à fond les manettes (ce son fort !), NERVOSA montrait un progrès important pour qui les connaissait déjà avec la nouvelle batteuse. En dépit d'une brève engueulade en portugais avec la bassiste-chanteuse Fernanda, elle tient une cadence nettement plus rapide que celle qui la précédait ; et chacun sait l'énorme incidence que cela représente quand on fait du Thrash furibard à l'Allemande. Sur le fond, il n'y avait donc pas la moindre évolution à guetter à part ce net avantage qualitatif. Le public donna enfin toute l'énergie conservée patiemment.
Avec le ventilateur qui étoilait ses longs cheveux noirs et ses grimaces sur un micro toujours placé très bas pour l'obliger à se pencher, Fernanda paraissait comme une vraie possédée du démon quand elle grognait des paroles apparemment aussi basiques que les titres d'un répertoire maintenant assez étoffé. Elle se plaît à alterner une voix douce et caressante de lusophone, accompagnée d'un sourire complice, avec le cri de la thrasheuse en fureur qui n'en fait que plus mal. Prika étant seule guitariste, elle délivra tous les solos sans que l'ensemble ne perde en puissance quand elle devait quitter la rythmique, rouvrant l'éternel débat : un seul gratteux avec un gros volume n'est-il pas en fin de compte suffisant dans bien des cas ?
Le set dura un peu plus d'une heure. L'hermétisme d'un Thrash sans merci, et la redondance des compositions encore sensible malgré le déchaînement d'agressivité restituée au poil, laissa en route quelques personnes mais les nombreux amateurs du genre venus prendre leur dose, ont eu la fessée de riffs, galopades, cris, cornes et poings en l'air qu'ils attendaient. Comme en attestent ces poses, le nombre de photos et ces intitulés de morceaux enchaînant les clichés les plus éculés du style il faut reconnaître, une fois que l'excitation du set est retombée, qu'il leur faudra impérativement se détacher de l'exercice de style du Thrash qui avoine pour se singulariser. Devenir un groupe qu'on veut aussi écouter seul, et un peu plus que des gardiennes de la flamme.

En attendant la douche au retour fut bonne, après une telle dose de Thrash dans la touffeur d'une nuit de canicule interminable. Malheureusement je ne pourrai pas assister aux bonnes affiches qui termineront cet été – c'est là qu'on se félicite de s'être bougé pour aller voir ces mêmes groupes un peu plus loin un peu plus tôt dans l'année. Pire encore, la rentrée s'annonce maigre.



vendredi 10 août 2018

Soulfly 400 the Cat TAF Saint Jean de Védas 27 juillet 2018

Le programme estival proposait pléthore de groupes déjà vus. Notamment, Soulfly était déjà venu dans le même contexte il y a quelques années. Et même si dans la querelle j'ai pris depuis longtemps le parti de Sepultura tant en droit qu'artistiquement, on n'allait pas encore étaler la trêve des concerts.
D'ailleurs ce fut un beau succès public : la cour de la Secret Place était bondée et laissait imaginer le sauna à venir puisque le concert se tenait dedans comme en 2013. Beaucoup semblaient être des vacanciers au sein d'un public de tous âges. Apparemment j'avais raté NOTHING FROM NO ONE, bien qu'arrivant à vingt heures.

Caser ici les Cévenols de 400 THE CAT était assez courageux, car l'autre groupe des légendaires Morgue et Superstatic Revolution a une orientation HardCore Noisy new-school éloignée de la tête d'affiche. Revenus d'une tournée en Russie, ils avaient rodé leur set et la nouvelle formation à quatre avec des changements de poste importants (Max passé à la batterie, Patrick le chanteur prenant une seconde guitare) est dorénavant en place. Le second album occupait la quasi-totalité du temps de jeu. Sur le fond, il n'y a pas de bouleversement dans un terrain balisé entre Breach, Botch, Knut et les premiers Converge : des riffs lourds et marquants structurent chaque titre, de manière à traduire des émotions voisines mais nuancées d'un morceau à l'autre.
Il est difficile de faire la part des choses au fil des années d'amitié que j'ai tissé avec les membres. N'empêche que l'évolution découlant des départs subis apporte une autre sensibilité, rendant les riffs plus lourds peut-être un peu au détriment de la basse, l'attitude moins extravertie et plus menaçante, l'explosivité se réduisant à quelques départs assassins au détour de rythmes plutôt mid-tempo mais complexes – en dépit d'un kit assez modeste. La présentation enchaînée des titres, avec peu de commentaires, est traditionnelle chez le groupe mais renforçait évidemment la saveur bourrue de ce nouveau set. Le chant demeurait impeccable, bien que souffrant d'un mixage trop faible pour l'unique passage parlé. Une part notable du public resta tout le long du temps de jeu, en dépit de la chaleur à l'intérieur, ce qui aura permis au quartet de gagner un peu de notoriété auprès d'un nouveau public qui, heureusement, reste curieux.

Quand la salle fut pleine à ras bord, il devint impossible de voir SOULFLY avec cette scène à peine surélevée. Les fans de l'ex-Sepultura se considèrent comme une tribu, on le sait, et cela explique le fonctionnement du spectacle en refrains fédérateurs mis à la chaîne, créant une communion élémentaire à sauter et taper des mains ensemble. Généralement, les morceaux sont assemblés deux ensemble pour aller directement à l'essentiel des meilleurs passages des plus gros titres d'une discographie quand même conséquente. Et cela marchait bien : une fosse se formait malgré la pression de la foule, et la température montait au point que je battis en retraite au bar au bout de vingt minutes pour ne pas mourir déshydraté.
Marc Rizzo fit montre de ses belles capacités sur plusieurs solos, et également une improvisation enchaînant Slayer, SOD et PanterA. De temps en temps Zion Cavalera se tapait une accélération, mais je ne vois pas ce qu'il apporte spécialement de plus, à part qu'on peut dire qu'il joue dans le groupe de son père. Et Papa Max me direz-vous ? Il gérait encore le growl même si l'on était loin du coffre du temps de Sepultura. Il reste le chef adulé de la tribu, et en indécrottable fan de football il se fendit de félicitations pour le second trophée conquis il y a deux semaines.
Le set avançant, on retrouvait quelques vieux classiques comme "Jumpdafuckup", "No", "Eye for an Eye" "Back to the Primitive", tous ces thèmes d'adolescent éternel qui n'avaient pas plus de chances de me charmer aujourd'hui qu'il y a vingt ans, en dépit de l'efficacité certaine de ces plans qui passaient pour le renouveau du Metal à l'époque. La tribu des fans, elle, était toujours au taquet. L'ultime titre dériva pour le bonheur de tous par une reprise esquissée de "The Trooper", comme il y a cinq ans.
La ressemblance globale avec cette précédente rencontre était frappante, d'autant qu'alors cela avait eu lieu à la même saison dans les mêmes conditions. La seule grande différence restera toutefois l'absence totale de titres repris à Sepultura. Une heure cinq, c'était bien assez vu le four que c'était dans cette bonne vieille salle, j'en sortis essoré. Ce n'était cependant que l'effet d'une setlist conçue ainsi. Et quand Machine Head offre de son côté deux heures quarante…

Au-delà de mes perpétuelles réserves envers Soulfly, je garderai un bon souvenir de cette soirée que je prolongeai en bonne compagnie. En temps de canicule, la nuit est un moment privilégié.

samedi 7 juillet 2018

What the Fest 3 Young Gods Horskh Wheelfall Thot 8 juin 2018

Le What the Fest n'en est qu'à sa troisième édition mais montait en puissance cette année avec un meilleur plateau pour le volet musical. L'événement se tenait dans un parc d'un village de la banlieue, un coin de campagne au bout d'un chemin longeant la rivière, avec les chevaux dans les champs clos derrière les camionnettes à burgers. Heureusement, les orages prévus encore ce soir avaient préféré déserter le ciel.

Quand j'arrivai, les quatre Belges de THOT finissaient de s'installer. Les dégaines hippies des filles aux synthés et les colliers du guitariste chanteur n'étaient pas très engageantes au départ, mais la musique rassura assez vite. Leur Rock ternaire et lent mélangeait plusieurs inspirations assez éloignées en théorie. Les sonorités de la New Wave servaient à bâtir des paysages sonores de désolation à la Neurosis en plus lumineux. Comme si Nine Inch Nails, Depeche Mode période "Ultra" ou "Playing the Angel" et Stabbing Westward revenaient illuminer le monde après l'apocalypse. Peu à peu, une autre facette plus Rock Progressif moderne se révélait dans ces compositions, à la Mars Volta. La brise gêna l'envoi de fumée apparemment tenté sur le côté de la scène. Malgré l'espace pris par un fan alcoolisé, le public se rapprocha volontiers sur demande. Le son concocté par Mathieu Croux, de Verdun, était parfait malgré les conditions de plein air.

Après un long intermède, les Lorrains de WHEELFALL venaient apporter la dose de pur Metal de la soirée, avec leurs tenues noires et leurs bannières rouges dont le logo est très similaire aux Dead Kennedys… Le quintet maîtrise un répertoire cohérent, de vrais morceaux peignaient encore des paysages, cependant bien plus sombres que les précédents. Nantis d'un son hyper propre, ils mêlaient des guitares froides de Black nouvelle vague à la Celeste ou Deafheaven avec des arrangements Indus constants et des accords tirant vers le Sludge. Rien ne dépassait de l'interprétation, à part les mouvements du chanteur qui empêchait que ça ne semble trop austère. Wheelfall est représentatif de la dernière génération de la scène Metal, travaillant sérieusement pour offrir de la qualité, certes au détriment d'une certaine dangerosité.

Un mot sur GÉRARD JUGNO 106, l'un des projets de Lucien Dall'Aglio, déguisé en survêtement années 80 et casquette de camping. Pour distraire l'assistance pendant les changements de plateau, il déroula de l'Electro dansante et rigolote avec de vieux synthés de collection. Pour ma part je préfère Stolearm, son projet Synth-Rock sérieux.

Les deux Franc-Comtois de HORSKH, par contre, étaient beaucoup mieux dans mes goûts. Sur un contre-jour rouge et une assez longue intro, un batteur s'installait à gauche et un programmeur-chanteur-polyvalent prenait la droite. Leur Electro Indus à gros beats, sobre et sèche, lancée à plein volume, a fessé l'assistance. Malgré ses multiples occupations, le chanteur dégage une énergie à la mesure de l'agressivité du mélange explosif de Nitzer Ebb et Skinny Puppy. Comment ne pas penser à Youth Code ? Peut-être que les compos de la première moitié du set étaient un peu moins dingues et ralentissant plus souvent que celles des Californiens, sans oublier bien sûr un timbre plus mâle. Parfois on pouvait penser à l'Electro-Dark dans une version plus sobre et pas seulement sur le rimmel, ou à Prodigy. Souvent la guitare fut employée pour muscler encore plus un propos déjà très physique, parfois le tambour aussi vers la fin de set. Vous savez que j'apprécie ce genre bionique peu pratiqué par chez nous et il n'a pas fallu me pousser pour me joindre aux danseurs dans la nuit enfin tombée et perdre un kilo sur une perf assez longue, une musique conçue pour faire mouvoir les corps sur des rythmes durs et des effets secs comme des claques. C'était excellent.

J'étais néanmoins venu surtout pour revoir les YOUNG GODS, que je suis depuis longtemps et que je réécoute beaucoup ces dernières années. C'est certainement le meilleur groupe de Rock Industriel de l'Histoire, dont l'éclectisme a permis d'intégrer beaucoup d'univers dans un répertoire pour autant remarquablement cohérent. Le Metal n'en est pas absent, et il n'est pas bien difficile pour le chevelu un peu ouvert de se laisser séduire. Le groupe évolue actuellement en trio, Treichler et Trontin ayant récupéré depuis quelques années Cesare Pizzi, ancien membre du temps des deux premiers albums dans les 80's. Mais il me semble que ce soir ce n'était pas lui qui était aux programmations.
Dans la fraîcheur étoilée, le set commença par deux inédits, certainement en avant-goût du prochain album en préparation, qui étaient dans le style assez atmo' des plus récents ou d'"Only Heaven". Ensuite cela se focalisa franchement sur l'album éponyme et l'"Eau rouge" dont furent issus la plupart des titres interprétés. Et je n'aurai jamais cru entendre en live certains d'entre eux ! Avec un son idéal, c'était le retour aux racines des jeunes dieux : une musique industrielle pure mais accessible par une démarche Rock, des textes à la poésie unique en français et parfois en anglais portés par la tessiture tout aussi unique du chant de Franz Treichler, reflet du bilinguisme de son canton d'origine. Il a un petit peu perdu à la marge avec l'âge, mais rien de grave (et il compense actuellement en cheveux longs !). Tout de même, un tube un peu moins ancien comme "Skinflowers" était incontournable et tira encore plus haut la communion avec les nombreux vieux fans. Comme à l'accoutumée, Franz brandit une paire de fois son pied de micro pour nous arroser avec le spot fixé à son pied. Les guitares, bien présentes sur album, étaient samplées comme tout le reste à part la batterie. Trontin, dans un registre un peu plus physique qu'avec les titres plus récents, commit une prestation quasi parfaite. Avant le rappel, le dernier titre était encore un inédit apparemment, dont l'introduction enfin jouée à la guitare par Franz rappelait furieusement l'un des plus fameux titres de Joy Division, pour l'emmener vers un terrain bien plus atmosphérique. Le vieux classique "Did You Miss Me ?" termina la rencontre, laissant sur d'excellentes émotions en attendant un nouveau disque.

LES TÉTINES NOIRES, autre vieux classique, venait couronner le parcours après une longue installation meublée par un long mantra aum… Le visuel est important pour ce groupe. On avait remarqué les grands os et insectes découpés en carton peint suspendus sur la scène. Mais vint surtout son célèbre pied de micro humain, un figurant nu qui se laisse manipuler comme un mannequin, avec une barre fixée sur la tête vers le bas, pour mettre l'outil à la hauteur de la bouche d'Emmanuel Hubaut toujours un peu androgyne. Je reconnaissais son bassiste, passé jadis par Treponem Pal. Malgré une introduction en douceur avec de petits concertinas, je n'ai jamais accroché à leur Rock gothique tendance "Death Rock", fortement inspiré de Christian Death pour la musique malgré des paroles en français délayées d'une voix maladive. L'esprit reprend à notre époque celui du surréalisme dada, le plus absurde. J'ai préféré aller discuter avec une ancienne connaissance, puis me retirer définitivement.
C'était une excellente soirée, qui aurait mérité une meilleure affluence encore. J'espère que l'orga rentrera dans ses frais.

samedi 23 juin 2018

Shellac Marvin 30 mai 2018 Rockstore Montpellier

Le nom de Steve Albini devrait alerter bon nombre de gens. Ce monument vivant est l'un des plus grands producteurs et ingé son des trente dernières années, bourreau de travail qui a offert ses talents aux plus célèbres groupes (Nirvana, Nine Inch Nails, Pixies, Fugazi, Jon Spencer, PJ Harvey, Breeders, Mogwaï, Neurosis, Dyonisos, etc, etc…) comme aux plus obscurs. Il a depuis fort longtemps aussi son groupe à l'activité intermittente, difficilement prévisible, qui a inspiré beaucoup de musiciens plus modestes parmi les plus authentiques. Même si l'ami qui m'accompagnait était pour sa part un vrai fan ancien de Shellac, venir prêter son hommage me semblait de toute manière obligatoire.

De tout temps le Rockstore a été une salle qui commence très tôt. Même en arrivant pour vingt heures ce fut trop tard pour voir DECIBELLES, la toute première partie. La salle était bien garnie de rockers d'âge mûrs, mais n'avait pas atteint la jauge quasi complète qui viendra au pic de la soirée. Il n'y avait quasiment pas de merch au stand.

Revoir MARVIN était à marquer d'une pierre blanche, la dernière remontait à douze ans et demi (un huitième de siècle !) dans d'anciennes écuries d'un village de l'arrière-pays, bien avant la sortie du premier album… Je ne m'étais pas rendu compte d'une telle ancienneté, en croisant les musiciens régulièrement en ville ou dans le bar de l'un d'entre eux. Entretemps, c'est devenu l'un des plus célèbres groupes de la ville au niveau national indépendant.
Pourtant le trio n'a pas substantiellement changé, mais plutôt pris toute son envergure dans un croisement ouvert à beaucoup de variations. En l'absence de quatre cordes, c'est le culte de Korg qui s'est amplifié aujourd'hui à plusieurs claviers et synthés employés simultanément, et qui apportent notamment les basses aux sonorités changeantes, et des bruitages vintage. Le fonds est resté enraciné dans un excellent riffing de type Stoner, joué avec un groove redoutable qui se mêle à la démarche expérimentale du Krautrock. Ce fort héritage seventies rencontre souvent l'inspiration créative de la Noise des années 90. Ce portrait ne rend compte cependant que du cœur de l'identité du groupe, qui peut aussi se permettre un titre totalement Cramps en seconde position ou d'explorer rapidement des territoires tellement dansants qu'on se rapprochait fugacement d'une disco alternative juste le temps d'en douter. Le chant est assez rare, les quelques passages étant tous fortement filtrés avec des effets divers… à part le premier où Émilie restait inaudible (une spécialité regrettable de la maison quels que soient les intervenants aux manettes…). Le public se remua allègrement une fois atteint le style propre après des titres un peu plus originaux à mon sens en début de set. Ce succès ne tenait pas simplement au fait de jouer à domicile et de pouvoir faire des plaisanteries hors micro : la batterie a été une fois encore l'élément essentiel pour que tout cela fonctionne : nanti d'un matériel assez simple, Grégoire cogne juste et fort. Marvin a choisi un style qui n'est pas de ma prédilection, mais s'est révélé au final le plus doué de sa bande.

Après que la grande roadie noire chargée du mixage ait installé le matériel avec attention, SHELLAC attaqua. Albini est connu pour ne pas porter sa guitare en bandoulière comme tout le monde, mais à l'aide d'une ceinture qu'il juge plus pratique. Il portait un t-shirt de Cocaïne Piss, groupe de Liège qu'il a produit et ce choix ne pouvait pas être un hasard vue la dramatique actualité de la veille. Sans y rajouter un commentaire, c'était encore plus fort. Le Noise Rock à chausse-trappes auditifs du trio est de la vieille école, à rebours de la guitare écrasante et des vocaux trafiqués d'Unsane. Bob Weston le bassiste a ses parties parfaitement audibles et bénéficiait de fréquents arpèges, tout comme il donnait des chœurs d'autant plus utiles que son timbre se distingue bien de celui d'Albini. Ce dernier adopte un son de guitare propre, tout à fait équilibré au mixage, et n'a pas changé d'instrument de tout le set, ce qui vaut un discours de la méthode de la part d'un producteur et surtout de l'un des plus grands. En dépit de cette modestie de moyens on ne pouvait douter de l'agressivité de nombreux riffs lourds ou improbables, d'un chant sincère, de ces notes tellement pincées qu'on frisait l'acoustique ou le Math Rock le temps d'une mesure, pour retomber de plus haut dans des accords saturés. Cela ne peut laisser indifférent le Métalleux. Shellac est brut, aussi vrai que l'éclairage choisi sans aucun effet, laissé naturel tout le long du set. Cette mise à nu sans théâtralité sentait bon l'esprit des années 90, le retour du Rock. Le grand batteur dégingandé avait un set tout aussi modeste que le précédent, mais distingué par une cymbale installé en surplomb derrière lui qu'il utilisa certes une fois où il aurait très bien pu se servir des autres, je n'en ai pas compris la vraie utilité.
La poésie étrange des paroles, faite de récits surréalistes et d'images bizarres, se marie en profondeur avec ces compositions changeantes faussement déstructurées et aussi audibles que l'anglais fort compréhensible du taulier. Après avoir fait l'avion comme des enfants pour illustrer une métaphore au cœur d'un des titres, les discours s'allongèrent un peu et tournèrent clairement autour de l'amour physique (mais dans le respect, attention !) et finissant sur celui qu'il portait à leur public de ce soir et l'envie que ce moment se prolonge éternellement. Cela n'empêcha pas que le set se termine brusquement, sans aucune cérémonie et que l'on plie le matériel sous un éclairage a giorno imperturbable.
Pour avoir vu beaucoup de Noise au long des années, il est clair que Shellac est un monument du style et qu'au-delà, c'est un modèle d'authenticité qui n'a pas besoin d'aller chercher ailleurs.

samedi 2 juin 2018

Moshfest 11 et 12 mai 2018 TAF Saint-Jean de Védas

Le MoshFest, rendez-vous printanier du Grind, du Fast, du Crossover et de tous leurs amis, s'est pérennisé au fil des ans et nous y participons à nouveau. La formule s'est rodée au fil des éditions, avec les têtes d'affiche poussées plutôt au second soir. Il semblait difficile de faire mieux que l'an dernier avec Inhumate, Blockheads et SCD. Mais l'orga' s'est surpassée pour 2018, en convoquant cette fois Napalm Death en personne !
L'heure du coup d'envoi n'étant pas très claire, j'arrivai un peu trop tôt. Mais au moins n'ai-je rien raté.

La lourde tâche d'ouvrir le festival revenait aux Cévenols de VÉNÈRE. Leur Punk-HardCore joué par des métalleux sonnait un peu Crust avec ce chant growlé, thrashy sur du D-beat. Cela n'exigeait pas d'être très carré, mais ce propos sans prétention était efficace et tout à fait pertinent pour permettre aux premiers arrivants de se chauffer avant de plus rudes hostilités. Le batteur prenait à charge une partie du chant. Sonnant comme une sorte de Discharge gras ou Exploited à la cool, le trio profita d'un set relativement long pour un groupe qui n'a publié qu'une démo. Je pense qu'on les reverra.

La caution internationale de ce premier soir était assurée par les ex-compatriotes Majorquins de SICKSIDE (saviez-vous en effet que les Baléares et Montpellier ont fait partie d'un seul et même royaume au Moyen-Âge pendant cent vingt ans ?). Après une salutation en français mal assuré mêlé d'anglais, les quatre Espagnols ont envoyé un HardCore old-school basique aux paroles en castillan. On grimpait un niveau d'agressivité avec cette version méditerranéenne du Punk Américain. La reprise de Youth of Today passait parfaitement dans l'ensemble et le premier vrai pogo farci de moshers apparut, avec le dauphin en plastique, la guitare gonflable et la planchette de surf. Le chanteur était épuisé entre les titres, qu'il présentait en quelques mots asphyxiés. Là encore le set parut assez long au regard d'une discographie réduite à un 7'' selon le merch' disponible. Mais le combo roule assez droit et  paraît bien lancé.

Un peu d'humour tombait bien ensuite avec les faux guérandais de GROSSEL, dont deux membres sur quatre venaient en fait de Whoresnation et donc de bien plus à l'est. Cette fois nous passions au Grind, mais dans sa version antique, plus déjantée et punky mais pas moins radicale, celle qu'il convient de nommer MinceCore. Ils ont fait un split avec Agathoclès, ça vous dira tout. Enfin tombait du brutal, avec de la guitare accordée bien grave, un chant guttural et du vrai blast ! Les annonces du growleur étaient assez peu audibles au-delà de la blague répétée ("Salut !"). Toutefois la musique n'en avait guère besoin pour transmettre l'ordre de mosh et headbang général avec quelques plans ralentis, granitiques et doucement dingues ici où là. En bon cétacé bien dressé le dauphin s'offrit quelques plongeons dans la petite scène, pas forcément bien appréciés des musiciens en plein jeu, tandis que d'autres moshers se prenaient plutôt pour des primates à monter par le fameux poteau de devant la scène ou agrippant les barres des spots en cours de slam. Le rappel en remit une couche – de sel. Mais il y avait encore de la marge dans cette première journée de marathon de l'extrême.

Pour HAUT & COURT les ultimes fêtards avaient daigné quitter les voitures et s'étaient joints enfin au cœur de l'événement, nous devions être une bonne centaine. Je ne connaissais que de loin les Strasbourgeois qui ont mis certainement la claque la plus violente d'une soirée pourtant éminemment brutale. Leur Grind mélange autant la rigueur et la dureté sonore du Metal que l'agressivité du Crust en colère. La communication était quasi absente mais l'impact n'en était que plus dur, comme y aidait aussi ce growl quasiment Death Metal. La fosse, increvable, accueillait comme un don du ciel ce déchaînement un peu hermétique à force d'intensité. Les titres ne sont pas du tout monolithiques et ennuyeux, mais les compos sont si rapides, les breaks passaient si vite que restait à peine le temps d'en profiter. Seule la caisse claire sonnait mal à mon avis, indépendamment de la qualité quasi professionnelle de l'interprétation par les quatre Alsaciens. Les pointes d'humour dans certains intitulés disparaissaient complètement dans le format live. Un rappel ne fut pas possible. Après ce set méchant qui parut regrettablement court, le corps du festivalier même le plus placide commençait à ressentir les premières traces de l'exercice annuel…

Pourtant venait encore un groupe Français qui monte avec WHORESNATION. Deux des membres de Grossel remontaient donc sur l'exiguë scène triangulaire, avec seulement un batteur cette fois pour compléter. On put alors observer à nouveau combien le terme "Grindcore" peut désigner des sons si différents. Non pas que le leur soit abâtardi de quelques autres styles extérieurs, mais simplement à cause de l'accordage grave, sale et légèrement fuzzy de la guitare. Le growleur rendait donc un effet tout autre qu'avec son premier groupe, dur mais quasi macabre. Les interludes de chasse d'eau samplée renforçaient évidemment ces impressions un peu dérangeantes. La puissance était moindre en comparaison avec le groupe précédent, c'est plutôt l'absence de basse qui m'a troublé pourtant. Le pauvre dauphin ne survécut pas à une nouvelle séance de mosh, finissant écartelé et revêtu par l'un des pogoteurs tel Hercule avec le lion de Némée.

Comme groupe de clôture à une heure avancée se présentait enfin les vétérans revenus de PUTRID OFFAL. Avec leurs blouses tachées, le faux sang et les fausses perfusions, les bannières de côté et le merch' le plus complet du plateau, nous passions pour ce final à un autre niveau. J'aime le Goregrind et il n'est plus aussi fréquent que naguère d'en voir. Les Nordistes ont une expérience certaine et ont pu restituer un son ample à la General Surgery, ainsi qu'une exécution irréprochable. Une partie du public avait certes déserté et le chanteur s'efforça de tirer tout ce qui nous restait d'énergie, d'autant qu'il était très content de jouer devant une affluence à laquelle ils ne sont apparemment pas habitués. La harangue fonctionna assez bien auprès du dernier carré des moshers sauvages, autour du poteau qui aura vu encore de bons caramels se choquer. Le bassiste grimacier laissa son instrument pour trois titres à son prédécesseur à ce poste sorti du public, mais demeura sur scène avec son micro pour faire les chœurs. Le gros atout du groupe, le plus âgé de la soirée, était la maîtrise des quatre opérateurs, on sent le coup de main des vieux chirurgiens. À l'inverse le point faible restera ces compos franchement basiques, dans un style dont les connaisseurs savent qu'il est possible de tirer des merveilles. Une reprise de SOD en avant-dernière position ("Freddy Krueger") collait astucieusement à l'esprit profond du festival. Un dernier titre à eux acheva le set, nous laissant traîner fourbus jusqu'aux voitures pour prendre un peu de repos avant un lendemain qui promettait encore plus. Déjà, cette première journée avait valu cependant le coup de faire la totale.


Comme prévu, la seconde soirée ramenait sensiblement plus de monde alléché par la tête d'affiche idéale d'un tel festival. Malheureusement le temps avait tourné, la grisaille et le froid ne présageant rien de bon pour la nuit à venir.

Comme à l'Xtreme Fest, c'étaient les autochtones de TERROR SHARK qui allaient relancer le pit. Depuis lors nous savons que le groupe a quitté le niveau débutant. Leur Crossover ne varie pas, pour la joie des moshers comme des spectateurs plus réservés (ou encore fatigués de la veille), mais est devenu redoutable par la rigueur du batteur et la clarté des riffs. D'ailleurs les requins gonflables prenaient la place du dauphin pour ce nouveau jour (c'est la loi de la chaîne alimentaire, peut-être…). N'étaient les chœurs et un riffing un peu plus recherché on aurait presque cru voir du FastCore tellement le rythme était rude, déjà, et les titres brefs. Le trio ayant profité de l'hiver pour écrire de nouveaux titres, il n'était pas nécessaire cette fois de recourir à une reprise pour meubler le set. Ces nombreux inédits n'annoncent pas exactement un virage vers le Prog' symphonique et se sont fondus parfaitement dans l'ensemble.
Pendant ce temps le déluge s'était abattu au dehors et obligea les uns à se presser sous le préau de la cour et les quelques autres à rester dans la salle pendant la pause. On pouvait faire un tour au merch', chacun des groupes ayant quelque chose à proposer.

Un MoshFest sans Powerviolence serait incomplet. Ce sont encore des Alsaciens, LMDA, qui étaient les premiers à en arroser. Pour une fois que des Français se lancent dans ce style par trop confidentiel dans l'hexagone ! Une fois de plus il s'agissait d'un trio sans basse. Le genre tranche, dans un tel rendez-vous, par son recours décomplexé (mais raisonné) aux plans ralentis, apportant un peu de variation et d'expressivité, peut-être même un rayon d'émotion brute après tant de bombardements sonores. Hélas, ils pâtirent de quelques problèmes techniques à la guitare qui ont quelque peu brisé la dynamique globale de leur temps de passage et sans doute écourté celui-ci. La sécheresse des fins de titres, déjà brefs, laissait même se demander si ce n'était pas le même problème qui revenait planter un morceau en plein milieu. Cela n'empêcha pas un certain succès, mais il faudra les revoir sans imprévus intempestifs.

LØVVE était là en joker d'un groupe défaillant. J'avais vu les Tourangeaux il y a deux mois à peine, je vous en ai parlé. Bien entendu, il n'y avait pas de bouleversement à attendre sur un si faible intervalle et vous me pardonnerez si je n'ai pas rejoint la salle pour les premiers titres. Les quatre ont balancé à nouveau leur Powerviolence au rythme D-Beat, offrant un autre visage complémentaire au précédent groupe. La chanteuse n'a rien perdu de sa rage et l'ensemble rendait même une musique plus carrée, plus dure que l'autre fois, presque un peu moins Punk et légèrement métallisé. Peut-être que la guitare était mixée plus en avant, tout simplement.

Le final approchait et nous passions dans la sphère pro avec les Belges de LENG TCH'E. Il y a quelques années je les avais déjà croisés au feu Korigan, et cela fait encore plus longtemps qu'ils n'ont plus rien publié, sans pour autant arrêter donc. Aucune évolution n'était donc à attendre, leur style étant déjà assez particulier comme cela. Leur musique se singularise par ce son de guitare puissant et propre à la façon du Death Brutal, posé toutefois sur des compositions clairement Grindy farci de breaks et d'envolées plus proches du HardCore nouvelle école. L'humour à demi-mot de Serge Kasongo est tout autant spécial et imprévisible, parlant d'hormones, se signant ou racontant une anecdote sans doute fausse mais drôle sur Barney Greenway. Cela ne l'empêcha pas d'assurer des vocaux impeccables, au niveau de l'interprétation de ses compères flamands. À leur tour ils apprécièrent de se produire devant un public plus fourni qu'à leur habitude, et selon ce que j'appellerai la loi de Hetfield l'énergie dégagée par une fosse increvable se transmit aux musiciens – qui jouaient tout contre et à peine surélevés – et en retour leur pêche nourrissait l'envie des moshers et ainsi de suite en cercle vertueux…

Pour l'ultime intermède, beaucoup restèrent observer Danny Herrera faire ses réglages malgré l'accalmie.

NAPALM DEATH passe presque tous les ans en ces lieux et c'est devenu l'un des groupes que j'ai le plus vu à présent. Mais qui s'en lasserait ? Certainement pas le pit qui atteignit, si je peux dire, le sommet de son ébullition. Faire monter la sauce par l'hymne séculaire "Multinational Corporations" en ouverture repris par bon nombre d'adorateurs, enchaîné comme sur l'album par la course déjantée d'"Instinct of Survival", y'avait pas mieux à offrir ! La programmation ne se focalisa guère sur la compilation qui vient de paraître, tapant au choix dans un répertoire pléthorique. Surtout, le son était bien meilleur que la dernière fois, pour des raisons qu'il aurait fallu demander au tech' sound qu'ils avaient emmené. La basse de Shane Embury, toujours aussi discrète, est pourtant essentielle pour polir le son de John Cooke, aujourd'hui totalement installé à la guitare. La fosse déchaînée laissa échapper régulièrement des stage divers qui replongeaient presque aussitôt. L'hystérie touchait un tel niveau qu'elle produisit fatalement quelques accrochages sans conséquences, en marge de la tornade humaine orbitant autour du poteau impassible.
Toujours aussi engagé, Barney allongeait toujours avec son accent impayable et de son anglais châtié quelques commentaires introductifs sur les causes développées dans ses paroles, du danger nucléaire au droit de vivre dignement. Vous connaissez ses poses de grand dadais. Il se prit parfois aussi de nostalgie pour annoncer quelques vieux titres. Le passage attendu de pur grind originel provoqua le chaos avec "Scum" et s'acheva sur l'enchaînement culte au carré des deux titres les plus courts du monde, "You Suffer" et "Dead" ("Two different songs" soulignait Barney) ! La première reprise peu après mit à l'honneur les antiques Punk Suédois Anti-Cimex avec leur "Victims of a Bomb Raid" déjà repris en studio. "Nazi Punks etc." revint bien sûr un peu plus tard. Entretemps l'usé "Suffer the Children" prenait, avec une interprétation menée au galop par Herrera, une saveur Punk différente de l'original. Je suis toujours épaté par l'indévissable batteur qui tape fort et juste en se tenant toujours affalé en arrière sur son siège comme s'il lisait le journal. Enchaîné avec "Cesspits", le discutable "Inside the Torn Apart" vint terminer cette fessée qui, en une heure à peine, n'épargna nul spectateur qu'il soit resté au bord ou happé par la fosse en folie.
Vue l'heure, personne n'attendit de rappel. L'intensité du set m'amène à juger que ce fut l'une de leurs meilleures performances en ma présence, ce qui est assez fantastique après tant d'années.

Multinational Corporations/Instinct of Survival/ On the Brink of Extinction/ Oh So Pseudo/ Smash a Single Digit/ The Wolf I Feed/ Practice What You Preach/ Standardization/ Scum/ Life ?/ Control/ You Suffer/ Dead/ Cleanse Impure/ Narcoleptic/ Victims of a Bomb Raid (Anti-Cimex)/ Suffer the Children/ Breed to Breathe/ Self Betrayal/ Call That An Option ?/ How the Years Condemn/ Nazi Punks Fuck Off (DK)/ Cesspits/ Inside the Torn Apart.

Il faut souligner pour conclure l'esprit fraternel qui anime ce festival entre habitués locaux des concerts et passionnés venus de bien loin parfois. Déjà que l'an dernier je m'inquiétais à imaginer comment la programmation pourrait s'améliorer, ce sera une vraie angoisse en vue de la prochaine !

samedi 19 mai 2018

Hexis Départ Vegan Fox Montpellier Black Sheep 30 avril 2018

Entre quelques belles affiches, un petit concert fait toujours du bien pour ne pas perdre pied avec la base de notre passion, et prendre des risques à prix modiques. Dans la cave du Black Sheep, il y avait une belle affluence au demeurant à la veille du jour férié par excellence. Sans doute l'astuce de caser une première partie locale a-t-elle à nouveau fait ses preuves.

En l'occurrence c'était le quartet VEGAN FOX qui jouait ce rôle. Ce groupe rassemble des membres de Quasar et Weaksaw pour une musique plus extrême. Dans la lumière rouge, leur mélange de Grindcore et de HardCore avec une pointe d'accent rappelle nos Morse ou 400 the Cat, ou venant d'ailleurs Nostromo ou un Converge métallisé… La bassiste, si elle se contenta de suivre la ligne, n'en apportait pas moins une rondeur appréciable à cette énergique explosion de fureur. Une fosse se forma rapidement, la complicité avec les amis présents étant évidente au cours des quelques annonces. Avec un répertoire encore court, le set ne fut pas très long non plus, mais j'en reprendrai volontiers les prochaines fois.

C'était le grand écart avec DÉPARTE. J'avais déjà vu les quatre Tasmaniens en ouverture d'Ulcerate il y a quelques années (ce n'était donc pas leur premier passage en Europe comme l'affirmait la promo…). Depuis lors, la machine n'a pas dérivé de son style originel mélangeant Sludge, Black et Death dans une esthétique post-apocalyptique. L'accordage et le chant sont trop hauts pour singer justement Ulcerate, le mixage trop clair pour rejoindre la secte des Aevangelists, Portal et compagnie. Les tempos, enfin, étaient bien trop lents pour n'y voir qu'un clone antipode de nos Deathspell Omega. Au fond, les compositions me paraissaient très franchement inspirées de Neurosis ou Amen-Râ. La même lumière bleue abyssale en contre-jour que la fois précédente, avec la fumée à plein régime, accompagnaient à point le ton glacial de l'ambiance. Il était étonnant que le massif chanteur-guitariste ait si peu de coffre au chant en live, ce qui ne l'a pas empêché de partir dans quelques envolées claires. Ce n'était pas le mixage, là encore c'était pareil jadis au Korigan. Pas de pogo évidemment, ni de grands discours, l'ambiance bien rafraîchie était à l'introspection. Assez friand de ce style, j'ai apprécié le set.

Avec leurs dégaines lambdas aux cheveux mi-longs, les Danois d'HEXIS n'annonçaient pas la couleur. C'est la scène actuelle, me direz-vous : on croise le Black avec le HC new school, comme Regarde les hommes tomber ou Celeste chez nous. Et puis avec un nouveau contre-jour (blanc) et fumée dans la face, le jean-chemise n'a plus d'importance. On pouvait donc se concentrer sur un son relativement original, avec la grosse basse qui fuzzait au point de se mêler à la guitare, pour dominer ensemble le reste. Le blast était irréprochable mais noyé en dessous. Quant au chanteur, mixé également un peu trop en arrière à mon sens, il a un charisme certain. Il s'appuyait sur les têtes du premier rang ou se penchait volontiers complètement en arrière pour dégager pleinement sa gorge.
Au fil du temps de parole une certaine redondance se laissait pourtant sentir dans le riffing. Le corps suivait ce son assez personnel, mais l'oreille attentive tiquait sur cette faiblesse. Ceci dit le riff en boucle, sa monotonie insistante est un trait typique du black norvégien, et le même effet dérangeant en découlait. Pendant ce temps le chanteur se jeta dans un slam qui aurait pu mal finir, le mur du fond n'étant qu'une porte de secours… N'empêche, beaucoup de gens partirent sans attendre un rappel hésitant et long à venir, qui ne gâcha ni n'ajouta rien. Parfois je me méfie de mes impressions en matière de Black, n'étant pas un vrai amateur de ce style, mais je n'étais peut-être pas seul à voir les choses ainsi et la discussion de sortie l'a quelque peu confirmé.

La tiède pluie nocturne qui accompagna le retour à pied à travers la colline de la cité était assez en harmonie avec l'esprit d'une soirée sans prétention, mais sympathique. Le prochain rendez-vous peut faire très mal, préparez-vous.


mardi 15 mai 2018

Havok Darkest Hour Cephalic Carnage Harlott TAF Saint-Jean de Védas 21 avril 2018

En termes d'affluence, vaut-il mieux des affiches homogènes ou tapant dans plusieurs directions ? En quatre heures, la réponse de ce soir était clairement la seconde. Il y avait bien du monde. Peut-être que le beau temps avait tiré quelques indécis de chez eux, aussi. En tout cas je me faisais la remarque qu'on voit de plus en plus d'enfants aux concerts.

Cependant il fallait être à l'heure avec un tel programme, et j'arrivai pile quand HARLOTT donnait la première canonnade. J'avais vu passer le nom de ces jeunes Australiens mais je ne me souvenais pas tellement qu'il s'agissait de Thrash aussi pur. L'influence du grand Slayer est évidente, mais avec le son plus cru du live j'y voyais souvent du vieux Kreator aussi. Complices et blagueurs, ils ont envoyé pied au plancher des brûlots vite convaincants, toniques et intègres. Le t-shirt Metal Blade revêtu par le bassiste disait tout, même si quelques mouvements finaux ou solos mélodiques sentaient plus Göteborg. Goûtant favorablement l'entrée en matière, de nombreuses têtes oscillaient frénétiquement et il ne fait aucun doute que dans d'autres circonstances la fosse se serait déjà formée. Mais disais-je, plutôt que de jouer les méchants cloutés, les Aussies étaient plutôt sourire et plaisir de jouer, offrant en partant un mediator à l'un des enfants au premier rang. J'en aurais bien pris un quart d'heure de plus, ne serait-ce que pour voir si la cinquième corde de basse allait vraiment servir.

J'avais déjà vu CEPHALIC CARNAGE il y a un certain temps au feu Korigan. Cette fois ils tournaient sans album à promouvoir et malgré les changements de personnel, ça n'a pas tellement changé. Comme le résumerait le classique d'introduction '"Endless Cycle of Violence", leur Death Grind gentiment halluciné et imprévisible n'en est pas moins redoutable quand tout redémarre à fond après un passage instrumental ou samplé. La tête fêlée du groupe, Lenzig Leal, a conservé son obsession pour l'herbe ("Kill for Weed" n'a pas été oublié bien entendu), nous invitant  notamment à reprendre son slogan "Beer ! Weed !" et mélangeant souvent avec l'espagnol – probable langue de ses origines lointaines. Les samples laissaient parfois retomber la pression que met un ensemble très lourd dans ses meilleurs moments, c'était même dommage d'ailleurs par moments que certains bruitages enregistrés soient si longs et restitués intégralement comme sur album. Aussi parodiques que Cannabis Corpse il y a quelques jours, les Cephalic n'ont pas oublié leur titre parodique de Black, avec les masques de faux corpse paint et la tête de cheval, Leal attaquant dès l'annonce des vocaux aigus peu éloignés au fond de son guttural un peu Slam. Mais comme le groupe est un peu passé d'actualité faute d'album depuis un moment, il fallait se contenter d'un set assez court là encore. Vous comprenez ce qu'il resterait à faire…

Les cinq DARKEST HOUR nous emmenaient encore dans un autre style avec leur MetalCore velu. Je ne suis pas très amateur de ce courant, mais ils cultivent un son plus lourd et ont conservé d'At the Gates l'équilibre entre mélodie et bourrinage. Si bien que le temps ne semblait pas long au fil des titres. Serrés sur la petite scène en coin, les Washingtoniens ont des dégaines et l'aisance typique des groupes qui ont une certaine expérience, les t-shirts assez sobres au stand confirmant cette appartenance à l'ancienne école, à rebours des coupes courtes et des accessoires nombreux et multicolores souvent pratiqués dans cette scène. Dans le tas, une reprise expliquée de "Nazi Punks Fuck Off" plus directe encore tranchait dans l'enchaînement tant les styles sont éloignés, et sonnait un peu trop propre (pas castrée quand même). La fosse apprécia ce répertoire assez rapide et susceptible d'emballer, le temps d'un pogo, les fans d'extrême aux côtés du cœur de cible de ce genre de groupes. Sans être conquis j'ai vu pire, je reconnais.

Comme Cephalic, j'avais déjà croisé HAVOK au Korigan, il y a moins longtemps, parmi plusieurs groupes du même tonneau emmenés dans les bagages de Suffocation (!). Ce n'est pas franchement ma formation préférée dans la vague Néo-Thrash. Après de longues balances, le cri de guerre déjà utilisé l'autre fois parut toujours autant incongru : "It's time to rock n' roool !" en parlant de Thrash, ça ne colle pas. Au cours du set le plus long de la soirée, les passages rapides donnaient de bonnes montées malgré le chant de David Sanchez bien mixé en avant, qui rappelait celui de Matt Harvey, potable mais pas fascinant dans la durée. Les gimmicks de batterie réguliers ne font pas très Metal non plus. Le bassiste était celui de Cephalic Carnage (les deux groupes sont de la même ville, Denver) et utilisait cette fois un instrument avec des diodes vertes entre les frettes. Au fil des titres, une certaine parenté avec le Punk HC Crossover à roulettes se laissait voir, un je ne sais quoi entre ces rythmiques au galop, ces quelques chœurs, et une attitude de braves jeunes américains qui font du bruit et un peu de spectacle pas bien méchant… La majorité du public n'en avait cure et profitait d'une musique incontestablement efficace au-delà des réserves que je peux émettre. Un rappel de quatre titres fut accordé à un public largement conquis, le mosh-pit en première ligne. La reprise de "TNT" pouvait surprendre, mais en disait long encore sur les repères réels du groupe avant de finir sur des titres bien à eux malgré quelques défections dans les derniers rangs.

Sans être le concert de l'année, les petits regrets accumulés n'ont pas empêché de profiter de quatre groupes de bon niveau.

jeudi 3 mai 2018

Machine Head Bikini Toulouse 9 avril 2018

La date avait été réservée longtemps à l'avance, bien avant la sortie de l'album, et pour cette fois à Toulouse plutôt qu'à Marseille pour ne pas trop flinguer un début de semaine. Et après tout, je gardai un excellent souvenir du concert au Bikini virtuel de 2004, près de là ; comme du dernier il y a deux ans sur la tournée anniversaire à Nîmes. Mais entretemps sortit l'album dont je frémis encore d'épouvante… Puis, en découvrant quelques jours avant que ce serait encore un set rallongé sans première partie le moral remontait un peu, on pouvait espérer assez de bons moments. Je suis franchement bon vieux client des Oaklanders, que je suis depuis presque le début : j'apprécie même les albums accrochant la vague Néo, et une partie de ceux de la période actuelle. Étant entendu que je n'attends pas d'un tel groupe les mêmes choses que pour de l'extrême.

Ce soir nous venions nous gaver de Metal pour les masses, aux côtés de gens de tous âges et de multiples horizons de la scène, du vieux fan de Heavy ridé aux rares cheveux longs à l'étudiant tatoué et percé sponsorisé par Hyraw. En arrivant à l'heure dans le vaste Bikini, on avait le temps de bien se placer en bonne compagnie et de s'en jeter une, vu qu'il n'y aurait pas de pause. Et que peu à peu, il s'avérait que ce serait certainement complet. La sono crachait les vieux classiques et laissait le temps de remarquer que la scène était décorée de grandes toiles sur les trois côtés, figurant des murs blancs maculés de sang frais dans la ligne de l'album.

Enfin quand neuf heures sonnèrent l'obscurité se fit, les premiers accords de l'introduction d"Imperium" provoquèrent la clameur et MACHINE HEAD se présenta dans la fumée, une fois encore sur ce titre emblématique de sa renaissance, rappelant notamment le concert à la salle des fêtes voisine il y a quatorze ans. Comme pour balayer les questions, suivit aussitôt le premier extrait du nouvel album par son ouverture, qui a au moins l'avantage de ne pas laisser le tempo ramollir. Le rendu n'était pas encore parfait du fait que les vocaux de Robb Flynn sortaient bien mal en dépit de son engagement inusable. La suite, reprenant encore un titre introductif puis un classique de "the Blackening" permit de régler le son… et de laisser comprendre que les Californiens ne venaient finalement pas en priorité pour promouvoir leur dernier opus, mais combler à nouveau leurs fans européens par un parcours approfondi de leur discographie. Une grande fosse se formait déjà à plusieurs reprises au cœur d'une assistance compacte qui répondait comme une meute excitée mais docile aux exhortations de Flynn, très roué dans cet exercice mais impressionné par la double montée sur épaule de fans sur sa gauche. Pendant ce temps, quelques enfants flottaient sur la foule (les oreilles prises dans de gros casques). Deux morceaux tirés des anciens albums Néo prouvèrent leur efficacité, surtout le premier qui est devenu un autre classique de live remportant à nouveau un franc succès. Sur son côté, Jared Mc Eachern envoyait sa chevelure de jeune fille voler à tous les vents.
C'est Phil Demmel qui s'offrit le premier intermède solo, plein de pompes et pas franchement impressionnant techniquement, mais offrant une petite pause à ses compères. Ce qu'on retiendra surtout de lui plus largement, c'est sa forte complicité avec Flynn, visible tournée après tournée, et fondée sur une amitié antérieure au groupe. Cette faveur est bien méritée, car c'est lui qui assure les riffs quand le boss gesticule et se prend les doigts dans les cordes de ses flying v.
D'ailleurs pour la reprise, le patron se présenta seul avec une seconde guitare sèche en bandoulière pour entamer un long speech à sa manière agrémenté des premières notes de "Darkness Within", autre morceau devenu incontournable au fil des tournées. Finalement le show ressemblait bien au DVD bonus de "Catharsis". Le titre éponyme ouvrit ensuite l'enchaînement entre titres récents assez faibles et classiques redoutables, avec son intro vaguement dubstep (il y en eut d'autres greffées à d'anciens morceaux qui n'y gagnent rien) et son refrain trop basique. Vous me direz que le vieux pastiche de Korn qui succédait n'était guère mieux, mais il emballa bien la foule et de toute façon je vous rappelle que je garde une certaine tendresse pour cette époque, moi. Et puis l'arrivée d'un premier extrait de la période Thrashcore, le marteau de dix tonnes toujours imparable dès son riff d'ouverture massif et fédérateur, nous mettra d'accord. Par rapport à certaines époques, le père Flynn abuse moins des battements de main mais ouvre grand les bras, et j'ai enfin compris pourquoi il ne perdait pas son mediator : il est fixé au majeur, qu'il ne déploie jamais complètement.
Le premier moment de vrai décrochage général vint avec l'affreux single de 2016 à la niaiserie poisseuse. C'est le genre d'errements dont sont capables les gens trop bien dans leurs pompes, comme l'est Robb Flynn depuis une quinzaine d'années qu'il a réussi à réaliser ses rêves de jeunesse. Une grande gueule agaçante et attachante, volontiers fate, mais d'évidence sincère quand il s'intéresse à la gamine juchée sur les épaules de son père pour son premier concert. Les bons titres effaçant les purges, ''Locust" suivit comme pour me ramener. Au milieu de ces va-et-vient s'intercala le second solo accordé à l'un des employés seniors : Dave Mc Clain se montra d'ailleurs beaucoup plus brillant dans cet exercice, réalisant des choses difficiles sur un temps plus long et captivant tout le monde. Qu'il est loin le temps où l'ancien Sacred Reich se contentait d'exécuter au mieux quelques galopades propres ! "Bulldozer", représentant habituel d'un album exagérément décrié, fit brièvement parler son agressivité avant l'un des titres les plus potables des dernières années…. Et enfin, pour clore la part principale du programme, arriva l'ultra-attendu dont on prétendait il y a quelques semaines qu'on ne voulait plus le jouer, ce "Davidian" balancé au poil et sans demi-mesures pour la plus grande joie générale.
Dans un set aussi long, la fatigue est le grand piège tendu pour réussir le rappel. Le nouvel extrait quasi acoustique du dernier album avait l'avantage d'un redécollage en douceur, malgré sa vacuité. Surtout qu'encore une fois était déterré derrière mon "Elegy" adoré, l'un de mes perles secondaires favorites comme nous en avons tous dans les discographies fournies. Plus loin vinrent "Aesthetics of Hate" dédié comme toujours un peu lourdement à la mémoire de Dimebag Darrell, puis encore un "Block" terrible, exhumé comme il y a quinze ans, avec son riff mortel et son refrain apparemment méconnu que Flynn dût rappeler aux fans pour que le mouvement des doigts d'honneur prenne un peu. Sans doute l'assistance est-elle trop jeune maintenant en moyenne pour connaître jusqu'au dernier titre du premier album. D'ailleurs, le sondage rituel à main levée montrait une grande part de gens qui venaient pour la première fois, alors même que le groupe était passé assez récemment. Enfin bien sûr, pour terminer en apothéose était servi "Halo", considéré par tant de gens comme le titre Metal ultime de sa décennie, avec la pluie de papillotes.

Le show s'acheva comme de coutume par le jet de baguettes de Mc Clain et distribution de mediators, la photo, un salut et les applaudissements au micro de Flynn restant seul sur scène pour les ultimes instants. Après 2 h 40 de show j'étais vanné mais bien mieux satisfait que ce que je craignais. Je ne connais guère d'autres formations qui s'offrent aussi longuement, en ne reniant aucune de leurs œuvres. Certes les gimmicks se répètent mais Robb Flynn et son orchestre sont incontestablement devenus depuis quelques années, euh… une grosse machine… l'une des plus fédératrices qui nous restent du siècle dernier, pour avoir réussi à toucher plusieurs générations, à cause et malgré un souci évident de coller toujours à la tendance du moment.

En partant, un coup d'œil au merch' confirmait que l'offre était correcte, même si je n'avais pas du tout l'idée de prendre quoi que ce soit en plus des nombreux flyers distribués. En allant retrouver ma tire essorée par la pluie tombée pendant ce temps, je me disais qu'il va devenir à long terme de plus en plus difficile de vivre des concerts de Metal de cette ampleur.

Imperium/ Volatile/ Now we Die/ Beautiful Mourning/ The Blood, the Sweat, the Tears/ Crashing Around You/ Seasons Wither/ Solo de Demmel/ Darkness Within/ Catharsis/ From this Day/ Ten Ton Hammer/ Is There Anybody Out There ? / Locust/ Bastards/ Solo de McClain/ Bulldozer/ Killers & Kings/ Davidian/
Behind the Mask/ Elegy/ Triple Beam/ Aesthetics of Hate/ Game Over/ Block/ Halo