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dimanche 2 février 2020

Godspeed You ! Black Emperor Paloma Nîmes 17 novembre 2019

Pour ce troisième weekend à la Paloma, l'horaire était bien plus précoce, dimanche oblige. En cette saison cela ne dérangeait personne, il faisait déjà nuit et froid quand j'arrivai sur le parking, à nouveau bien rempli, pour une seule affiche programmée cette fois. Les gens étaient venus de loin. L'assistance étant logiquement bien au-dessus de trente-cinq ans même si quelques Metal-Progueux aidaient à diminuer la moyenne. Était-ce surprenant ? Le programme ne s'adressait pas ce soir aux amateurs de musique simple et directe, comme vous confirmera en bougonnant le fan de Thrash-Crust venu accompagner sa femme.
Le spectacle était cette fois dans la grande salle, dont les gradins étaient déployés de manière à occuper la moitié de la place du public. Craignant les effets soporifiques d'un siège cossu sur une telle musique je n'étais pas intéressé et de toute façon l'accès était trié.

La première partie était offerte à la saxophoniste Danoise METTE RASMUSSEN, toute seule avec son instrument, pour nous montrer ses improvisations Free Jazz. Sans autres moyens, elle en tirait des sons rarement entendus par les profanes, parfois en changeant de bec, mais elle restait contrainte par la contingence physique de la respiration humaine qui ne peut assurer plus de quelques mesures avant de devoir reprendre son souffle. Cela rendait l'exercice vite austère, servi haché par périodes d'une poignée de secondes. Un ensemble aura toujours plus de possibilités sur ce plan. Mette obtint tout de même des applaudissements plus que polis. Sur la troisième séquence, le secours d'une réverbération remédia comme il fallait au morcellement des plans, donnant une dimension de plus à l'exercice, une meilleure capacité au décollage de l'auditeur. Hélas, on revint au système sec dès le thème suivant, et j'ai décroché pour retrouver dans le couloir les compères de Morgue-Mutism reparler de nos dernières batailles.

Malgré la hauteur de la scène assez proche, il y avait tellement de monde qu'il ne fut pas toujours facile de voir les sept membres de GODSPEED YOU ! BLACK EMPEROR dans une pénombre constante, à peine mitigée par une lumière rouge orangée tamisée qui donnait un agréable côté concert au coin du feu. Leur Post-Rock est assez extrême avec ses titres durant au moins un quart d'heure, lentement immersifs dans une masse épaisse de nombreuses couches où s'empilent peu à peu guitares, basses, violon et contrebasse, qui captivent ensemble l'auditeur comme une coulée où surnagent au bout d'un moment des notes claires. Une boucle complète se formait puis se dénouait peu à peu sans se hâter, comme une décomposition naturelle. C'est une vraie expérience musicale. Wagner aurait aimé et le Metal extrême n'est pas loin. On aurait aimé mieux voir les musiciens jouer mais l'éclairage et leur disposition en demi-cercle n'aidaient pas beaucoup.
Pour renforcer l'aspect onirique d'un son magmatique, des illustrations étaient projetées au fond de la scène, quasi exclusivement en noir et blanc, et elles aussi enchaînées en boucle lentement évolutives. Au début elles étaient assez abstraites, ou d'inspiration naturaliste comme un vol d'oiseaux ou un jeune cerf en négatif, oppressantes avec ces tours résidentielles sans base ni sommet apparents. Plus tard cela prit un tour plus ouvertement politique avec des images de manifestations réprimées ou de bagarres entre militants opposés. Cette progression et l'accumulation de titres très costauds à digérer en direct apportaient une lente et profonde tension qui s'émettaient C'est la seule manière que le groupe conservera pour s'exprimer un peu, à part quelques gestes de remerciements parfois, fidèles en cela à leur réputation de gros taiseux : pas un mot, même à l'attention d'un public francophone. Une musique purement instrumentale trouve ses échappatoires dans les notes claires, sur des mélodies simples mais raffinées. Mette Rasmussen fut conviée à revenir sur un titre où elle s'installa au centre du demi-cercle mais dos au public, apportant une fine couche supplémentaire avec son saxo'. Le set dura ainsi une heure cinquante, procurant étrangement la sensation d'effort joyeux plus habituelle dans la pratique du sport. Chaque membre s'éclipsa l'un après l'autre, laissant la musique expirer très lentement, deux d'entre eux revenant au bout de quelques instants tripoter trois potards pour abréger un peu l'agonie.
On sort d'un concert de cette trempe un peu plus lentement que d'autres. Il était bon qu'il soit encore tôt grâce à cet horaire de dimanche, pour pouvoir papoter encore un peu et rallier la voiture sur le même tempo calme. Et puis aussi pour prolonger les sensations, car dans les semaines qui viennent c'est malheureusement le grand désert question programmation…

Birds in Row Paloma Nîmes 8 novembre 2019

Nous voilà de retour à peine quelques jours après à la Paloma. En vérité, c'était parce que j'ai raté deux fois la tête d'affiche cette année quand elle est passée dans ma ville, en raison d'autres concerts. J'ai donc saisi cette troisième chance offerte avec la venue de Birds in Row chez nos voisins mal-aimés, facilité par le covoiturage avec un ami plus véritablement fan du groupe que moi. Au reste, le cadre d'une salle spacieuse et moderne est certainement moins attachant, mais plus confortable. Le parking était bien plein, mais il se révéla une fois passé l'entrée que Camelia Jordana était programmée en même temps dans la grande salle. Un autre monde.

Nous n'avons regardé que trois titres de DÉCIBELLES, trio formé par deux amies d'enfance rejointes par un bassiste. Ces Lyonnais envoyaient du Rock Noisy franchement pêchu, allegro vivace, avec des paroles en français. Les flammes en carton, les dégaines coupes au bol-fripes et surtout la jovialité enfantine de leur musique plaquée sur des thèmes de la vie des millenials, ça se situe au-delà de mes capacités d'ouverture. Il valait mieux se retirer vers la cour avant de se mettre de vilaine humeur.

L'arrivée des autres spectateurs, la lente montée dans les enceintes de "War Pigs" nous signala l'intermède et, laissant le froid aux autres, nous allâmes en sens inverse nous replacer dans la petite salle rouge bien moins garnie que la semaine précédente, mais atteignant un niveau correct pour un style demeurant assez confidentiel.

L'autre trio BIRDS IN ROW venait de Laval comme il fut rappelé d'entrée de jeu. Avec un son ultra propre et bien équilibré, les évolutions passées de leur HardCore Emo assez orienté vers le Post laissaient place à une unité apparente. Pas question d'assagissement pour autant car leur musique est pour le coup énergique, pleine de rebondissements, et rapidement prenante. Au fond de la scène était projetée une performance de bondage en suspension, très soft. Le chant assez reconnaissable du guitariste était parfois doublé par son compère bassiste. C'est un gros atout car cela donne une petite originalité au milieu de la scène, tout en restant parfaitement dans les canons. Les titres des Mainiots sont pleins de sentiment, intenses et urgents : aucun délayage, les fins sont brutes. Les quelques passages aérés ne tombent jamais dans la mièvrerie qui piège trop souvent ce style, notamment parce que l'interprétation physiquement explosive est plus pertinente que ne le seraient une surcharge sonore ou le recours à un effet artificiel.
La sincérité se mesurait aussi aux interventions du guitariste chanteur Bart' Hirigoyen derrière sa mèche, pleines d'idéal bienveillant quoiqu'un peu confuses, interrompues une fois par un quinquagénaire agacé des premiers rangs. Ces façons d'être sont typiques de cet univers musical, mais on lui aurait pardonné bien pire : c'est peu courant de voir une guitare Rickenbacker ! Pour une musique changeante il vaut mieux avoir un bon batteur et l'arrivée d'un nouveau titulaire il y a deux ans est parfaitement digérée. Il emballa des plans bien contre-intuitifs qui ne tenaient que par lui. Les quelques vrais fans du groupe pouvaient arborer un grand sourire. Le dernier titre se termina aussi brutalement que les autres et le groupe disparut en un éclair en coulisses, histoire de ne pas rester désarmés devant l'assistance satisfaire (comportement typique là encore).


En retournant au parking les grappes de gens n'ont guère dérangés les sangliers qui exploraient sans grand succès le bassin de stockage jouxtant la salle.
Nous reviendrons bien vite sur place, et nous reverrons volontiers Birds in Row une autre fois.

The Murder Capital Whispering Sons Paloma Nîmes 2 novembre 2019

L'air de rien cela faisait deux ans que je n'étais plus retourné à la Paloma, mais dans les prochaines semaines nous y serons bien présents comme pour rattraper. Avec la forte pluie automnale sur l'autoroute tout le long du trajet, il fallait se mériter ce grand retour à la SMAC bâtie il y a sept ans à l'est de Nîmes. C'était certes une bonne introduction pour un programme Irlando-Belge. Comme on pouvait s'y attendra rien qu'au coût du billet, cela s'est tenue dans la petite salle, la red room comme je l'appelle. La jauge était tout à fait bonne, elle aura été bien remplie. La moyenne d'âge était assez élevée, même compte tenu de la présence de plusieurs familles venues avec les enfants. Les quinquagénaires étaient même en nombre. C'est un paradoxe que ces groupes, dont les membres ont la vingtaine, séduisent des fans notablement plus âgés qu'eux. Un certain nombre pourraient être leurs parents. Il y avait quelques métalleux assumés dans le tas aussi.

Comme beaucoup j'ai découvert WHISPERING SONS avec le premier album sorti il y a un an à peine. Les cinq jeunes Belges tournent assidûment pour consolider un succès assez fulgurant. Dès les premières mesures menées par la basse et la guitare tintante, on replongeait en plein dans les années légendaires du label 4AD, un terrain parcouru jadis par Bauhaus, le Dead Can Dance des touts débuts et principalement Joy Division. Cette référence trop usée parfois s'impose ici avec une évidence saisissante. D'une part en raison de ces synthés, un peu en retrait dans le mixage mais aussi essentiels que les contributions de Martin Hannett. Et surtout bien sûr de par le charisme singulier de la chanteuse Fenne Kuppens, blonde mince à l'apparence quelque peu androgyne, dans une tenue entièrement blanche faisant songer à une espèce de banshee citadine. Son timbre très grave et puissant est aussi expressif que son engagement sur scène. Elle vit ses textes avec une intensité dramatique, dont la sincérité n'égale que la force étonnante d'un physique quand même plutôt frêle. À tel point qu'on ne peut que penser aux shows de Ian Curtis en son temps, en y ajoutant une maîtrise plus accomplie des émotions. L'allégresse des acclamations à la fin du premier titre atteignait un niveau rare dans ces circonstances, signe que quelque chose se passait.
L'heure suivante se déroula à l'avenant. Ce Post-Punk bourré d'émotions froides, sombres, claustrophobes et fortes, va chercher plus loin dans la tradition que les grands classiques du Revival ou que la retenue lénifiante du Shoegaze. Ce n'est pas par opportunisme mais parce qu'il y a urgence à extirper l'angoisse de la grande ville, parce que c'est le terrain où les Flamands pouvaient exprimer ce qu'ils avaient à dire. Les quatre garçons se tiennent un peu en réserve et concentrés, le batteur debout ne se laissant pas prendre en défaut. Le volume était assez fort mais ne nuisait pas à la clarté du mixage. Certains spectateurs découvraient sur place mais l'enthousiasme parti haut ne fit que progresser, comme les cris de quelque fanatique au beau milieu. L'excellence des compositions ne doit pas être oubliée, car sans cela on se contenterait d'évoquer un potentiel. Mais les Whispering Sons n'ont déjà plus beaucoup de marge de progression à ambitionner sur ce point. Le programme piocha dans l'album et les minis qui l'ont précédé. Il y a deux titres que je n'ai su identifier, qui devaient provenir de leur toute première démo.
La communication de la chanteuse était très sobre – ç'aurait été superflu –en français simple (reste de l'école flamande où la langue de Poelvoorde reste obligatoirement enseignée) puis en anglais, plus facile peut-être au bout de trois quarts d'heure de don total à sa performance. Un dernier titre assez compact fut accordé en rappel.
Dans l'ultime ovation flottait une impression très particulière que je n'avais plus ressentie depuis quinze ans, quand Gojira mettait à sac une à une toutes les sous-préfectures de France par ses premières tournées et que l'on savait qu'on assistait à la naissance d'un monstre déjà promis à aller beaucoup plus loin que l'horizon immédiatement visible, à un moment important d'Histoire en cours. C'est sans comparaison avec la petite joie fréquente de découvrir un bon nouveau groupe. En tout cas, la frustration de l'annulation de Soft Kill cet hiver était balayée.

Ces fortes impressions n'étaient quand même pas une raison pour bouder les cinq Dublinois de THE MURDER CAPITAL après une confortable pause et un titre entièrement enregistré diffusé dans la pénombre précédant leur entrée. Une fois arrivés et baignant dans un éclairage assez cossu tout le long du show, leur Post-Punk à eux est de toute évidence bien plus ancrée dans leur génération temporelle, avec un pied dans le Rock Indé. Pourtant, il était vite tout aussi clair qu'on ne pouvait pas les classer hâtivement à la suite d'Interpol, Editors ou des Strokes. Ces qualificatifs obligés mais vagues abritent en effet au contraire une créativité propre, imprévisible, un mélange de dandysme et d'agressivité assez familier aussi dans la contre-culture Irlandaise (rappelez-vous Oscar Wilde, les Pogues et Virgin Prunes). L'attitude bourrue et nonchalante de James Mc Govern au chant au milieu de titres jolis et charpentés, mais plutôt lents, ne l'empêchait pas d'être concerné et surprenant. Par exemple, après avoir utilisé une première fois le tambourin à cymbalettes pour un effet rythmique somme toute peu utile, il l'envoya voler à travers la scène vers un roadie des coulisses apparemment habitué. Plus tard il fracassera brutalement sur le sol de la scène un bâton à cymbalettes tiré de sa poche arrière après un autre passage similaire. Mais entre-temps, la dynamique lentement montante du début de set avait été curieusement brisée par ce troisième titre minimal au chant murmuré et à la guitare, béant de silences, qui n'était pas forcément affreux mais que le sens commun aurait plutôt placé à la fin. Après, il ne faut pas s'étonner de devoir demander au public s'il est vivant…
Fort heureusement, le redémarrage fut possible grâce à des morceaux de plus en plus nerveux voire plus rapides, bien qu'ils soient restés loin du Punk binaire. Le chanteur descendit une première fois de la scène dans l'assistance pourtant bien massée, avec son micro filaire que le même roadie multitâches s'employa à faire suivre au mieux. Sur un autre titre peu après, Mc Govern se jeta à nouveau sur nous, sans prévenir, dans un slam à longue portée assez dangereux pour lui mais bien géré par un public prévenant. Imprévisible, je disais. On s'attendait alors à une fin exutoire. Revenu sur l'estrade et après avoir jeté son micro au sol d'un geste rageur (ouille les tympans !), le chanteur se retira sans crier gare suivi de ses musiciens. Et malgré les exhortations d'une partie significative du public ils ne revinrent jamais, les cris d'invitation muant peu à peu vers la colère des spoliés. Le fait est qu'ils avaient joués sensiblement moins longtemps que la première partie.

Après un tour au stand où les Whispering Sons discutaient tout sourire avec l'équipe locale, je ne traînais pas même si la pluie avait cessé. Sur le retour, on voyait encore très bien depuis l'autoroute que côté sud, vers la mer et le littoral, l'orage continuait à déchaîner des éclairs impressionnants qui perçaient la nuit noire. C'est le genre de détails périphériques qui risque de s'attacher à une soirée inoubliable.