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samedi 21 décembre 2019

Nesseria Stuntman Black Sheep Montpellier 25 octobre 2019

Entre deux mélopées gothiques, n'était-il pas judicieux de revenir à des sons plus lourds pour ne pas trop ramollir ? Si je suis Stuntman depuis longtemps, je n'avais jamais vu Nesseria, alors même que les deux groupes avaient joués ensemble par un lointain passé. Bien qu'arrivant à l'heure pour ma part, la salle ouvrit plus tard que d'habitude et l'affluence n'était pas impressionnante hélas dans ce cher vieux Black Sheep malgré la présence d'un groupe de la vieille génération locale à l'affiche. Le succès public d'un festival dans l'Aveyron voisin ce même weekend a pu aussi rogner l'assistance potentielle.

NESSERIA se présente comme une formation à quatre actuellement, avec un certain esthétisme : des tenues noires, quelques petits néons blafards posés sur le sol de la scène pour tout éclairage, et force fumée envoyée dans la petite salle (j'étais paré sur ce point avec mon dernier concert !). Je connais mal le passé du groupe, en tout cas ils ont servi un Post-Core largement teinté de Screamo et d'émotions glacées. On y retrouverait le vieux Cult of Luna, Converge, le Post-Black en général, et Envy. La similitude avec cette référence en particulier se justifie par le choix de la langue natale dans les paroles, qui passe finalement inaperçu. Le français n'est pourtant pas une langue bien agressive, mais il permet l'expression de plus d'émotion dans les cris tout en respectant la froideur de l'ensemble.
Le quartet mettait pour la première fois en scène son nouveau bassiste. J'ai surtout été impressionné par le batteur qui frappe très fort et n'est pas pour rien dans la puissance de l'ensemble. Le chanteur s'empressa assez vite de faire tous les remerciements laissant croire que le set était court, alors qu'en réalité il laissait place à un long titre instrumental pendant lequel il disparut en coulisses. Les Orléanais font une musique sincère et j'ai passé un premier bon moment.

Une fois en place, STUNTMAN attendit un certain temps le batteur qui arriva tout charrette du couloir et s'installa en vitesse pour attaquer un set sévère. Pour un groupe de plus de quinze ans sans actualité particulière, le quartet Sétois s'est montré particulièrement en forme. Le mélange entre HardCore Noisy et Stoner convoque beaucoup d'influences, mais l'agressivité des riffs est décuplée par la maîtrise largement équivalente au fil du temps au niveau professionnel. L'explosion d'une fosse bien violente en témoignait et libérait les émois accumulés lors du premier set. La rage du chanteur ne se dément pas non plus, ni dans ses harangues destructrices ou chaleureuses, ni par son attitude pleine de colère. Sous la copulation furieuse des riffs coreux et du groove sabbathien, l'ensemble dégage une influence plus diffuse, mais certaine, de l'esprit de révolte d'un certain Metal des années 90, entre Mayhem, PanterA et le Death underground. D'ailleurs, ils ont servi un titre inédit qui démarrait par une longue séance de blasts à la façon Black Metal que j'aurais mal imaginé de leur part il y a quelques années. Si le batteur se plaignit un peu de ses retours, la propreté sonore habituelle du lieu seyait bien à une méchanceté rigoureuse et cela pourrait franchement prétendre à un plus grand format. L'éclairage de la scène lâcha vers les deux tiers du set mais on n'y fit pas attention. Du reste, pour une fois le public ne s'était pas barré après le premier groupe comme trop souvent ici et cela faisait somme toute une affluence acceptable. Si j'ose dire, demain peut appartenir encore à Stuntman qui montra une énergie et un savoir-faire intacts, plus quelques intentions claires d'aller vers de nouveaux défis.

Les bons petits concerts ne bouleversent pas des existences, mais forment le sel de la vie de l'amateur en supplément des plateaux plus populaires. Une fois encore les absents eurent tort.

The Sisters of Mercy A.A. Williams Bataclan Paris 19 octobre 2019

Qu'est-ce qu'un groupe culte ? Les Sisters of Mercy seraient l'exemple parfait sans doute : une discographie étriquée mais séminale, qui a hissé ce nom parmi les fondateurs d'un genre, des apparitions et des interviews rares, plus d'album depuis vingt-neuf ans (!), et une légion d'adorateurs à travers le monde pourtant. Devenu depuis 1986 la chose absolue d'Andrew Eldritch, le groupe a très longtemps évité soigneusement de se produire en France en raison de l'aversion ancienne et obscure du patron pour notre pays, bien qu'il parle français. Moi-même il avait fallu que je me déplace en Espagne pour les voir enfin, avec une émotion certaine alors, tant j'avais fini par me reconnaître, lentement mais profondément au fil de la vie dans cette œuvre. Mon dernier concert, du reste, était justement consacré à son ancien partenaire aujourd'hui exécré Wayne Hussey. Même si la querelle d'Eldritch s'est apaisée avec le temps (ils sont venus au Hellfest cette année), ce show Parisien à une date commode était un véritable événement pour de nombreux fans, parfois frustrés depuis des décennies. D'ailleurs, c'était complet.

C'était également la première fois que je venais au Bataclan, assez étrangement. Arrivé largement à temps, j'ai eu le temps d'explorer la salle, plutôt vaste, un merchandising très fourni en habillement, de prendre de quoi boire et m'asseoir un moment au balcon tandis que ça se remplissait tranquillement, pour me poser. Au-delà d'une riche histoire scénique, il était impossible d'oublier le carnage qui s'est déroulé là où je me trouvais à cet instant. Rien ne le rappelle depuis que l'œuvre de Banksy a été volée, mais c'est superflu. Il serait prétentieux de broder longuement en parodiant inconvenablement "le sixième sens", n'empêche qu'on ne peut pas rentrer dans ce lieu indifféremment, désormais. J'en étais là de ces sombres pensées quand je retrouvais un ancien camarade de feu le forum de VS, que je n'avais pas revu depuis mon autre concert des Sisters à un millier de kilomètres de là. La salle était à présent farcie à bloc, de nombreux spectateurs comme en uniforme revêtus aux motifs du groupe de Leeds, généralement d'un certain âge, et venus aussi pour un certain nombre de l'étranger.

J'avais lu grand bien d'A. A. WILLIAMS il y a quelques mois. Cette artiste aux longs cheveux bruns est encore très nouvelle avec un seul EP fort remarqué à son actif. Assistée d'un batteur et d'un bassiste, sans compter le "A" en motif derrière elle, la guitariste-chanteuse servait un doux Post-Rock, vaguement Folk, froid, lent, sincère et bien composé. Malgré un bon volume sonore, il fallut un peu lutter contre le brouhaha de la foule pour imposer toute l'attention méritée. Si le registre est devenu franchement courant aujourd'hui, elle y mettait suffisamment de variété dans l'instrumentation et d'émotion dans son expression pour briser la réserve que l'on met instinctivement sur un son déjà entendu. Sans pousser son organe, elle s'avérait convaincante. Sur l'avant-dernier titre où la guitare sonnait lourde, la désynchronisation entre ses gestes et le son entendu me laisse penser que sur ce morceau le son plein de la guitare était au moins en partie doublé sur bande au mixage. Peu importe, c'était tout à fait pertinent pour ouvrir une soirée et prometteur dans ce style plutôt dans le vent.

THE SISTERS OF MERCY se présenta comme d'habitude sous la longue introduction de "More" mêlée d'un chœur fervent de centaines de fans sevrés. Le patron s'entoure simplement de deux guitaristes et d'un programmeur veillant sur Dr. Avalanche (la boîte à rythmes) et les basses, ce qui ne pouvait surprendre que les novices s'il y en avait. On ne vient pas voir ce groupe pour profiter d'une performance de musiciens, mais célébrer un répertoire vénéré par toute une génération. Le mixage se montrait étonnamment complémentaire de celui adopté à Barcelone lors de ma première fois : les riffs dominants outre-Pyrénées cédaient cette fois beaucoup d'espace aux rythmiques programmées, que l'habitué Ravey Davey gérait nonchalamment au second plan derrière des lunettes noires de rigueur aussi pour les trois autres membres. Comme toujours il n'était pas facile de voir derrière une fumée généreusement entretenue sur la scène, les miroirs à l'arrière réfléchissant et les spots envoyés dans les visages du public. Cela crée des monochromies se succédant titre après titre.
Du point de vue esthétique, la récente substitution de Chris Catalyst par l'Australien Dylan Smith – inaugurée au Hellfest – est une vraie réussite. Aux chemises à petites fleurs de mauvais aloi ont succédé un grand viking blond et musculeux qui donne une apparence ultra Metal, beaucoup plus cohérente avec l'esprit profond du projet d'Eldritch de se prendre pour Iggy ou Lemmy avec une pointe d'autodérision bien anglaise, et pas du tout pour un inventeur du Rock Gothique. Quand la recrue croise les bras au bord de la scène pour laisser l'autre guitariste Ben Christo envoyer le solo ouvrant le mégatube "Alice", c'est visuellement du grand art. Bien que relativement jeune et le paraissant plus encore, Christo est depuis longtemps dans le groupe et se chargeait de l'essentiel des passages en notes claires, particulièrement valorisés par le mixage de ce soir, ou d'assurer aussi le solo originel au saxo de "Dominion".
L'émoi du public avait encore grimpé d'un cran avec le titre précédent, le premier puisé dans les morceaux vraiment anciens. L'excitation procurée par un concert rare et longtemps désiré pour beaucoup, plus l'ego très sensible de bien des amateurs de vieux gothique, ont parfois des conséquences curieuses comme ce vieux fan qui a passé presque tout le concert devant les bras levés ou la bagarre qui éclata à côté de moi entre un spectateur expansif et un autre plus posé. Au milieu, une fosse s'agita pas mal bien que quelques spectatrices restaient pourtant à proximité confortablement installées sur les épaules de conjoints dévoués.
À défaut de les publier sur album, Eldritch a un panier de titres écrits postérieurement depuis trente ans, qu'il donne en concert aussi facilement que les incontournables. Les fidèles les connaissent tous plus moins, certains étant quasi systématiques comme "Crash and Burn" joué très tôt dans le set. L'instrumental "Kickline" ou le cristallin "Better Reptile" sont par contre bien plus rares.
Plutôt bien en voix ce soir, Andrew Taylor (son vrai nom) alternait comme toujours le marmonnement sépulcral de ses textes, confinant parfois au chuchotement avec des cris désespérés. La beauté de paroles exigeantes autour de thèmes pourtant aussi banaux que les femmes, les drogues et la déprime est pour beaucoup dans l'attachement de ses admirateurs, et l'esprit de célébration s'entendait évidemment dans la reprise quasi permanente des refrains comme de la plupart des couplets par l'assistance. Le patron a un charisme à nul autre pareil, fait d'incessants retraits au fond de la scène, de poses sarcastiques et de penchements de son crâne parfaitement chauve vers les premiers rangs, surgissant du brouillard constant et du halo électrique. Ses interventions sont rares et brèves entre des titres souvent enchaînés de toute façon, ou acclamés si forts qu'on l'entendrait bien mal. Tout cela forme en fait une cohérence savamment orchestrée depuis les origines sur tous les points afin de préserver absolument le caractère définitivement insaisissable et totalement maîtrisé d'un groupe conçu en autocratie. Les alternances entre hurlements et murmures, la brume qui dissimule et l'éblouissement répété, les ray-bans empêchant de lire les regards, les interviews en vrille et le refus de retourner en studio, le chant avec une cigarette aux doigts, ce sweat shirt fatigué pour monter sur scène alors qu'on est une icône vivante, ces rares aphorismes arrogants entre deux titres parfois… tout converge pour dégager cet esthétisme intriguant, racé et impénétrable, parfois paradoxal, que n'importe quel gothique rêve d'atteindre à son tour. Voilà au fond le cœur du malentendu sur lequel prospèrent complaisamment les Sisters.
Au bout de ces impressions rythmées par l'enchaînement des grands classiques et des inédits, setlist prit un détour inattendu vers deux titres plus apaisés de l'ultime album, puis nous déboulions sur le morceau marquant traditionnellement la fin du set principal, l'imparable, onirique et majestueux "Flood II" qui me bouleverse toujours malgré le temps, trahi par un frisson du plus profond de l'épine dorsale dès que les premières notes de basse le laissaient reconnaître.
Déjà que la France fut rarement honorée par son passage, Eldritch imposait généralement comme peine accessoire de filer au bout d'une heure sans rappel. Mais ce soir restera historique : après une longue clameur tenace et aimante, les quatre sœurs de la Merci regagnèrent l'estrade pour donner le même supplément d'incontournables qu'aux autres pays, bien qu'en versions raccourcies à commencer par le brillant et sarcastique "Lucretia", son riff basique et sa ligne de basse obsédante, repris à pleins poumons par une assemblée qui ne cessa plus de tout chanter jusqu'au terme du set. Signe d'adoucissement avec l'âge, Eldritch montrait même publiquement de l'affection envers son vieux domestique Christo. Ce final franchement physique déboucha enfin sur l'obligatoire et fédérateur "This Corrosion", parodie acerbe à l'encontre de ce pauvre Hussey envers qui la rancune semble éternelle. Un solennel salut devant un parterre nourri de fans comblés scella une rencontre mettant décidément à bas  bien des anciennes mauvaises coutumes.

More/ Ribbons/ Crash & Burn/ Dr Jeep-Detonation Boulevard/ No Time to Cry/ Alice/ Show Me/ Dominion-Mother Russia/ Marian/ Better Reptile/ First & Last & Always/ Kickline/ Something Fast/ I Was Wrong/ Flood II
Lucretia My Reflection/ Vision Thing/ Temple of Love/ This Corrosion.

Je ne me suis pas pressé pour rallier la place de la république puis mon hébergement sous une petite pluie de circonstance sur les lumières des boulevards. Il y a des concerts, comme ça, dont on veut prolonger les impressions une fois qu'ils sont achevés.

Wayne Hussey Ashton Nyte TAF Saint Jean de Védas 30 septembre 2019

Pour tout fan, la scission d'un groupe est un vrai problème intime, auquel il répond au cas par cas. Et cela n'y change rien que ces ruptures soient arrivées bien avant qu'il ne découvre les combos concernés. Dans le cas des Sisters of Mercy, l'expulsion de Wayne Hussey et Craig Adams était survenue quand j'en étais encore aux comptines ! Bien plus tard, j'ai éprouvé un temps une préférence pour The Mission, ses nombreux tubes immédiats et puissants, ses paroles faciles, par rapport au répertoire plus succinct et plus exigeant d'Eldritch. Bien que dans la durée le rapport finit par s'inverser définitivement, je n'allais pas rester indifférent au passage en ville d'une date acoustique du père Hussey en solo qui privilégie à présent ce format, afin de labourer le continent sur des tournées interminables sans se fatiguer.

Comme d'habitude je ne parvins pas à rallier la Secret Place à l'avance et le premier invité, ASTER ET EDGAR, avait déjà entamé son récital. Ce groupe local est en fait le projet musical de Jérémie Sauvage, auteur de la biographie de Wayne Hussey chez Camion Blanc qui se trouve être Montpelliérain. C'est simplement un duo où il joue de la guitare pour accompagner une collègue chanteuse, dans un registre de chansons Pop-Rock avec des textes en français. Le chant était correct sans plus, la guitare sèche maîtrisée sans faire de folies et les paroles relevaient d'une poésie sans prétentions, joyeuse et accessible. Les deux derniers morceaux passaient à l'électrique sans que cela ne change rien de fondamental. L'assistance applaudit aimablement quand il le fallait.

Le public n'était pas très nombreux, majoritairement venu en couple et personne ne devait avoir moins de trente-cinq ans ce qui est assez dommage. Mais c'était surtout de vrais fans de The Mission, venus parfois d'assez loin.

Venait ensuite ASHTON NYTE, également en tournée acoustique solitaire sans son groupe. The Awakening est le groupe phare de la scène Goth-Rock Sud-Africaine (même s'ils ont émigré aux États-Unis depuis un moment), suffisamment solide pour s'être hissé au niveau international. On comprenait vite pourquoi : sa voix sépulcrale est magnifique à écœurer bien des vocations. Assis sur son siège à côté d'une serviette et d'un bouchon gobelet de thermos de café, il déroula un mélange de versions acoustiques de titres de son groupe ou piochés dans sa carrière solo, qui est tout aussi fournie. Sous un éclairage étonnamment travaillé, il jouait avec finesse et intensité des compositions dont la structure beaucoup plus Rock ressortait très bien. On aurait dit du Nick Cave croisé avec le Bowie le plus sombre. Avec son anglais tout à fait compréhensible, Ashton commentait entre chaque titre avec un humour pince-sans-rire assez prononcé par lequel il cibla le grincement exaspérant de la porte du cagadou de la petite salle, qui faisait presque autant de bruit que sa musique. La seule reprise était celle de Simon & Garfunkel "The Sound of Silence" qui permit jadis à The Awakening de se faire connaître, et qui est effectivement assez remarquable, légèrement réarrangée et réappropriée avec totale sincérité. Avec des compositions originales convaincantes (et débarrassées des synthés un peu kitch des versions électriques) et parfaitement dans le ton de la soirée, Ashton Nyte remporta un succès d'estime amplement justifié auprès des présents, alors qu'il quitta la scène quelque peu agacé par le chuintement languissant de cette foutue porte.

WAYNE HUSSEY se présenta enfin, guidé par son jeune assistant qui s'assit au fond de la scène où il demeura tout le long du set à regarder attentivement le maître. Avec son chapeau, ses inamovibles lunettes noires, la chemise ouverte sur les fanons de son cou, ses cheveux blancs trop fatigués pour être longs et sa barbiche blanche, il accuse le poids des ans de prime abord. Cela se fera vite oublier par la qualité inusable de son chant, perché entre ceux de Ian Astbury et de Bono, qui n'a rien perdu de sa force ni de sa pureté. Assis lui aussi pour commencer au piano synthé (arborant la bannière du Liverpool FC), le père Hussey fit alterner des morceaux choisis entre reprises – pas toujours identifiées – de Rock classique, et de titres de la Mission aisément identifiables sous cette interprétation apaisée et notamment au début avec "Naked and Savage". Ses doigts fins appuyaient à peine sur les touches. L'assistance s'était rapprochée cette fois tout au bord de la scène, serrée et en communion.
Passant ensuite au centre et à la guitare, Hussey poursuivit son parcours semé d'emprunts. Avec cet autre instrument, on retrouvait plus franchement cette trame épique et féerique si propre à son groupe, mieux encore quand il tirait de sa petite console (surmontée d'une peluche du Liverpool FC !) des rythmes et arrangements préenregistrés, par exemple en ressortant "God is a Bullet". Par moment l'inspiration de Led Zeppelin ressortait clairement. L'excessive facilité de certaines paroles, cependant, restera à jamais un point faible par rapport à d'autres meneurs du mouvement, même si elles ont contribué à créer l'univers particulier de son groupe. "Like a Child Again", classique joyeux et incontournable, l'illustrait bien et permit une première fois au public de faire les chœurs… et à quelques ravis de gâcher le plaisir des autres en faisant des trilles bruyants sur les breaks les plus fins. "Garden of Delight", dans une version plus proche de la seconde au violon, était magnifique. Assis sur un siège, il semblait pourtant avoir du mal à s'y contenir tant il croit en sa musique.
L'aménité du patron est bien connue, il n'y avait qu'à l'entendre s'excuser de boire du cabernet sauvignon chilien en France pour s'en convaincre. Cela pouvait être nécessaire pour supporter le brouhaha de quelques personnes préférant commenter en continu ou blaguasser entre eux à voix assez forte pour couvrir la musique… Je sais depuis longtemps que le public gothique (au sens large) est moins respectueux pour cela que le Métalleux, et cela est hélas encore vrai. Hélas, l'unique remarque de l'artiste à leur intention était tellement calme et ciselée qu'elle ne porta pas au-delà des premiers rangs qui en souffraient autant que lui.
Pour la dernière longueur l'ex Dead or Alive revint au synthé. On reconnut sans peine cette fois une remarquable appropriation de "Hurt" de NIN. "Butterfly on a Wheel" occasionna une nouvelle salve de chœurs, délicatement corrigés par Hussey pour que nous reprenions le refrain final avec la légère variation de texte qui le distingue. Sans rappel, Wayne Hussey repartit sous les acclamations et s'acheva ainsi un réel moment de grâce.

Après un coup d'œil par principe au stand, je m'en allai assez vite malgré l'exquise suavité de la dernière nuit encore estivale, en accord avec le spectacle terminé. La transition avec le prochain concert au programme sera tout autant idéale, voire parfaite. Vous verrez.

jeudi 17 octobre 2019

Fange Verdun Black Sheep Montpellier 26 septembre 2019

À force de croiser les membres de Verdun avec d'autres projets ou côte à côte dans les publics d'affiches apparentées je ne m'étais pas rendu compte que cela faisait trois ans (!) que je n'avais plus vu le groupe sur scène. La formation s'est hissée maintenant au rang des groupes qui s'exportent, ce qui implique qu'ils ne se voient plus aussi souvent qu'avant dans leur ville d'origine (située dans l'Hérault et non dans la Meuse). J'ai un attachement indéniable envers ce groupe, créé par des gens qui avaient déjà une certaine expérience. J'ai tissé au fil des ans avec certains d'entre eux des liens qui peuvent mettre en doute mon objectivité.
Actuellement Verdun tourne pour la promotion de son album à paraître dans quelques semaines avec les Rennais de Fange, dont Metalnews a parlé récemment, et qui auraient tout de même motivés à eux seuls ma curiosité.
Avec deux groupes seulement, le concert n'a évidemment pas démarré à l'heure annoncée. L'affluence était très fournie pour la petite cave du Black Sheep, sans doute quasiment à bloc, par l'effet éprouvé du premier groupe local qui, en l'espèce, renouait par là avec l'esprit et le lieu de ses premières apparitions il y a quelques années de cela. Fatalement, il y avait au moins une personne avec un t-shirt "Fuck Yeah Jacques Chirac" dans cette assistance. Le merch' des deux groupes était assez conséquent pour une mini-tournée.

VERDUN attaqua donc son set par un larsen immersif et gentiment autoritaire avant d'envoyer ses premiers riffs. L'actuelle incarnation de la formation a bien évolué depuis 2016. Le groupe s'est réduit à quatre membres, avec la disparition de l'une des guitares (en bons termes puisque l'ancien titulaire était dans l'assistance), mais a réintégré son chanteur historique. Et force est d'admettre que si le remplaçant Portugais avait amené pendant quelques années un anglais plus compréhensible et une attitude plus théâtrale, la masse physique en lents mouvements de l'imposant David Sadok, souvent perché sur les retours (au prix du danger pour sa tête touchant les poutres !), restaurait le charisme particulier de l'identité originelle de Verdun. Ses vocaux réverbérés se mêlaient à une frappe toujours aussi puissante à la batterie, rappelant Electric Wizard, avec qui ils jouèrent il y a bien longtemps.
Le groupe illustre merveilleusement dans quelle direction va le Sludge Doom, certains passages Sabbathiens en diable cohabitant plus loin avec des passages instrumentaux fortement apparentés aux travaux de Neurosis ou AmenRa. Il faut reconnaître qu'en se limitant à présent à une seule guitare, Verdun a gagné en limpidité. Oh ! L'alliance avec la basse et le lacis des pédales d'effets garantit quand même un rendu tout à fait poisseux. Mais il n'y a plus ce broiement, cette surcharge des riffs qui gênait parfois la dégustation de l'ensemble en live, quelques passages moins obscurs élargissent le champ d'expression de Jay Pinelli. Les compos tendent peut-être plus encore maintenant vers de longues montées en intensité brusquement rompues. Devant un public conquis d'avance qui headbanguait en cadence, le succès n'était peut-être pas aussi méritoire qu'à l'extérieur. Mais l'évolution en continuité qui marque donc cette nouvelle période pour Verdun part sur d'excellentes bases.

Avec FANGE, cela faisait une affiche fort éclectique mais pas incohérente. Rassemblant là aussi des figures expérimentées de la scène Rennaise, ce quartet brassa plusieurs influences après une longue intro Industrielle. Il fallait se concentrer pour suivre ce mélange de D-Beat, de Grind, de Sludge, de Death Suédois, de Punk, de Noise et d'Industriel. De prime abord une telle imprévisibilité faisait penser à un Diapsiquir plus musical et sentant plus le squat. Cependant, si le point commun évident de tous ces styles est une certaine saleté (fangeuse…), une cohérence se dégageait de l'ensemble et, mieux encore, une surprenante seconde odeur de nouveauté. On ne faisait plus tellement attention aux emprunts successifs, pour se laisser prendre par la musique telle qu'elle était, très énergique et expressive. Une focalisation auditive totale pouvait être toutefois dangereuse car une petite fosse bien énervée et débordante s'était formée devant et le risque de se prendre un pain en étant totalement relâché était élevé !
L'impression d'unité profonde était peut-être favorisée par le mixage très équilibré, au détriment selon un connaisseur de la part la plus Death Metal des versions studios, la guitare ne sonnant pas lourde de reste il est vrai. Les habitués savent que la salle a un matériel excellent, mais pas trop fait pour la HM-2. En tout cas la maîtrise d'un répertoire ô combien casse-gueule était assurée, l'osmose entre les deux têtes rases ("ils ont des crânes ronds, vive les bretons…") et les chevelus est bien abrasive. Le set fut un peu moins long devant un public un peu moins fourni également, les moins curieux s'étant retirés. Pour ma part j'en retiendrai plutôt une saveur de plus en plus rare dans ce bas monde où il devient progressivement toujours plus difficile d'être réellement innovant.

On aurait bien prolongé un peu la soirée si cela n'avait pas été en semaine, faisant fi des deuils nationaux. Si la rentrée fut clairement Stoner Sludge, l'automne sera gothique.

Dopethrone Wormsand Black Sheep Montpellier 7 septembre 2019

La reprise aura été précoce, et chargée de nostalgie. Ces "Cosmic Cactus Sessions" reconnectent le Black Sheep avec l'histoire profonde de la scène locale, les temps où les plus gros groupes de Stoner, Sludge et HC Noisy s'arrêtaient toujours par chez nous pour des cachets dérisoires, soit dans même cette salle, qui appartenait alors à un restaurant, soit dans une autre plus haut en ville à deux pas de là mais aujourd'hui fermée. Cet ensemencement a largement contribué à inspirer plusieurs groupes locaux, qui tournent aujourd'hui dans l'Europe entière. Le programme très homogène de ce soir, même si le prix a un peu augmenté, replongeait pleinement dans cette tradition.
J'avais lu les récits de mes collègues qui avaient vu la tête d'affiche au cours de l'été, mais j'étais décidé de toute manière avant. Et pour une fois qu'il n'y avait pas de première partie locale, le public était néanmoins fourni pour la petite salle, brassant les vieux habitués des premières heures, des plus jeunes et des rencontres inattendues.

Après une intro sobre, glacée et un poil longuette, WORMSAND balança de gros riffs Sabbathiens accompagnés des pas dinosauresques du bassiste, à la Gojira. Ce trio apparemment féru de matériel Gibson, Orange et pédales en masse évolue dans un terrain peu original mais très maîtrisé et habité avec sincérité, un Sludge Doom au groove puissant aux vocaux partagés entre les deux membres debout, et bien réverbérés. L'assistance avertie se laissa immerger dans ces morceaux assez directs dans le style, sombres, lourds mais entraînants. La recette éprouvée convenait à ce public insatiable en la matière. Tout au plus, le dernier titre mieux élaboré que les précédents perdait quelque peu en impact à mon avis. Malgré la durée inattendue d'un set qui approchait déjà l'heure  de jeu, les Mentonasques ajoutèrent un rappel après un bref flottement dans la petite cave bien réchauffée. Vu que le répertoire officiel se réduit à un EP aux titres drôlatiques ("Michel Sardoom" !), il y a certainement eu des inédits dans le tas. Wormsand est en tout cas plus qu'un potentiel, ils s'imposent déjà là.

Remonter au bar à la mi-temps pour prendre de la bière de marque est un exercice habituel en ces lieux, mais il n'aurait pas fallu traîner jusqu'au dernier moment pour redescendre car il ne restait que les derniers rangs, d'où l'on ne peut voir grand-chose quand il y a du monde. Sans s'attarder sur les odeurs suspectes, la qualité du matériel sonore de ce cher lieu compense heureusement par l'oreille ce que l'œil ne peut percevoir. Et DOPETHRONE sonnait bien différemment de sa première partie. Le Stoner Sludge des Québécois est en effet clairement plus marqué par le Punk-Rock, des traces de Mötörhead qui ne se limitent pas à la dégaine du batteur. C'est une autre manière de groover, où la basse se distingue mieux aux côtés d'une guitare accrocheuse mais pas écrasante. La guitare s'offre de temps en temps un solo qui aère et tend une ambiance déjà bien enlevée. Las, un pépin à la batterie obligea le batteur à s'éclipser quelques instants en coulisses de l'autre côté de la salle, avant de revenir conclure prestement avec son matériel réparé l'improvisation ébauchée par ses compères en attendant.
La chanteuse ne laisse pas indifférente avec ses tatouages débordants sur tout son minois, sa performance appliquée mais relâchée. Son timbre n'est pas écrasant mais prend sa place dans une formule taillée pour une efficacité de l'ensemble assez inattendue par rapport à mes souvenirs d'audition des albums il y a quelques années. Bien que fraîchement arrivée dans le collectif, sa volubilité attestait de sa parfaite assimilation. Par contre je reste plus agacé par la communication du guitariste cofondateur qui mélangeait ses propos à moitié d'anglais pour s'adresser à un public francophone comme lui. Je repensai aux ricanements des Québécois de l'intérieur sur ces Montréalais qui parlent anglais même quand ils sont entre eux. Bref. Son enthousiasme au headbang l'amena, à la suite de bien d'autres artistes avant lui, à coincer de temps à autre un dreadlock dans les échardes de la poutre passant bas au-dessus de sa tête. Le bassiste, plus discret en paroles mais autant agité, était pour beaucoup dans la réussite du set par son jeu précis au bout de ses bras pourtant bien maigrelets ! Le set fut à peine plus long que pour la première partie, mais il restait clairement plus endiablé.
Rassasiés de ce Metal resté savoureusement scotché en-deçà de l'an 1980, nous n'avons cependant pas traînés pour aller poursuivre la soirée dans un autre quartier, entre amis qui ne s'étaient pas vus depuis longtemps.

dimanche 22 septembre 2019

Skeletal Remains Black March Hanger Abortion TAF Saint Jean de Védas 14 août 2019

Pour les fans plus très novices, il est passionnant de suivre le développement de nouveaux groupes vers un professionnalisme – et parfois un succès – de plus en plus marqué au long des ans. Le plus beau cas pour moi reste Gojira mais Skeletal Remains est pas mal non plus, du premier au troisième album en quatre ans, avec chaque publication accompagnée d'une tournée européenne s'arrêtant par chez moi !
Cependant, cette date en plein mois d'août hors festival n'était pas idéale et n'a pas ramené le public qu'il y aurait pu avoir si c'était en plein hiver, les estivants de passage ne compensant pas les habitués en vacances.

Ce sont les Montpelliérains de HANGER ABORTION qui ont ouvert le feu sur une intro' inquiétante d'horreur série B. Ils se produisent beaucoup ces derniers mois. Le quartet a donc pu rôder son set, avec un son correct et une interprétation suffisamment rigoureuse pour du Slam Death très marqué par le Beatdown. À côté, Cannibal Corpse et Dying Fetus passeraient pour des groupes expérimentaux ! Dans son t-shirt jaune apportant un peu de couleur à ce pilonnant spectacle, le chanteur growlait même ses annonces. À dire vrai son beuglement reste le seul point faible technique d'une formation encore débutante, manquant encore de puissance et de métier. À part ça on pouvait headbanguer bas, quasiment sur le même riff vingt-cinq minutes durant, au gré d'un tempo un peu plus changeant. Je n'écoute pas beaucoup ça chez moi, mais en première partie de concert cela permet de s'immerger.

En retournant dans la salle après le premier intermède un compère me précisait que le prochain groupe servait du Black à la suédoise. Je compris pourquoi il y avait quelques beumeux visibles dans l'assistance. Les compatriotes Toulousains de BLACK MARCH, sous ce nom assez bateau, accueillaient notamment jusqu'à fort peu l'ancien batteur de Gorod Samuel Santiago - déjà remplacé. Avec leurs dégaines proprettes et sans peintures, une sobriété tolérant tout juste un joli trépied de micro de chant ouvragé d'un soleil métallique un peu à la Behemoth, il fallait attendre pour savoir après une première introduction mêlant sympho et piano. Et en effet la musique correspondait bien à un Black agressif aux riffs plutôt mélodiques rappelant Marduk malgré une apparence distincte. De plus le cri est assuré par une chanteuse dont le timbre me rappelait une fois de plus celui de feu Tristessa dans la période true black des débuts d'Astarte (je trouve que presque toutes les chanteuses de vrai Black sonnent ainsi…), Elle dominait le mix de l'ensemble, le son me paraissant impeccable au-delà de ce choix. Quand ses imprécations s'exprimèrent en français, le rapprochement musical devenait plus clair avec l'ensemble de la scène nationale. L'efficacité claire et recherchée des compositions valait tous les signes extérieurs. Les interludes sympho-piano enregistrés n'apportaient guère à la musique mais permettaient de souffler. La violence écœurée du propos emballa une assistance qui n'était pas acquise au vu de l'affiche.

Pendant la pause j'étais parti pour acheter un t-shirt puis finalement je me rabattis sur un vieux CD d'un collègue qui revendait du stock.

SKELETAL REMAINS attaqua son set sans aucune cérémonie, directement. Cela jouait méchamment, le son était parfait et j'avais plaisir à reprendre en pleine face ces morceaux très intenses, agressifs et puissants tirés du redoutable "Devouring Mortality". L'ambiance retombait toutefois à plat au terme de chaque titre, les trois musiciens debout tournant instantanément le dos au public pour titiller leurs potards, boire ou se recoiffer sans adresser aucun mot aux fans enthousiastes plantés à moins d'un mètre et à hauteur d'yeux. Un certain malaise commença à s'installer malgré le virage d'un troisième titre probablement tiré de l'un des deux premiers disques, au rythme binaire plus direct, qui offrit une sorte de redémarrage au set. Le contraste était étrange. Les morceaux remettaient jouissivement à jour le Death old-school de 1991 en y instillant une pointe de néo-Thrash. Ils me brisaient la nuque pendant que j'esquissai dans le vide des riffs et des solos que je finis par reconnaître. Le nouveau batteur, déjà venu en ces lieux il y a quelques années lors du tout premier passage de Skeletal Remains mais au sein de leurs compagnons Morfin qui assurait la première partie, faisait l'affaire bien qu'étant largement plus sollicité.
Ce manque total de charisme va devenir problématique pour le développement de leur carrière, après une progression remarquable en une poignée d'années. Ce qui passait il y a cinq ans pour de la timidité de gamins faisant leur première tournée, voire sans doute leur premier voyage en Europe sans les parents, est en fait un trait de fond plus préoccupant. Chris Monroy, guitariste beugleur, se place dorénavant au milieu de la scène mais il maintint une communication en deçà du minimal, peu en rapport avec la qualité de son growl, se bornant tout au plus à marmonner rapidement des banalités inaudibles impropres à remplir les gros blancs systématiques. Les mines des quatre membres n'exprimaient pourtant pas la sombre arrogance de certains groupes partiellement inspirés du Black qui aurait pu justifier une telle froideur. Une bonne partie de la petite assistance bougeait sur place et échangea tout au plus quelques bourrades, abstraction faite de quelques départs en cours de set peu nombreux mais significatifs. Alors qu'avec un petit peu plus de chaleur et d'empathie, ce répertoire aurait pu bouter le feu à la salle. D'ailleurs il n'y eut pas de rappel cette fois, à la différence du précédent passage, au terme de cinquante minutes musicalement imposantes mais dans une ambiance peu habituelle pour ce genre.
On ne s'étonnera pas que le groupe s'installa à son stand sans trop chercher les contacts, tournant le dos à nouveau au public restant dans la nuit fraîche pour pouvoir mieux discuter entre eux. Je finis par abandonner mon idée initiale de leur acheter quelque chose. La qualité de la performance musicale me préserva de partir frustré ou fâché, et cela fait beau temps que j'écoute assidument des groupes peu transcendants sur scène. Mais il reste désolant de voir les Californiens s'installer dans cette attitude aussi fermée qui semble plus maladive que méprisante.

Je n'ai plus rien prévu pour ces vacances, mais la rentrée viendra très vite cette année et le programme de l'automne commence déjà à se garnir.

mardi 20 août 2019

Combichrist Terrorolokaust Lecks Inc. Secret Place Saint Jean de Védas 9 juillet 2019

Les concerts s'enchaînent en ce moment, mais la lassitude n'est pas en vue grâce à une programmation qui s'écarte encore parfois de ses fondamentaux. Par chez nous il n'est pas courant de voir une affiche orientée Electro Indus, même bien coupée au Metal comme celle-là. Comme c'était la seule date de la tournée de Combichrist dans le Midi, beaucoup de gens sont venus d'assez loin comme le confirmaient les plaques du grand nombre de voitures garées aux abords de la salle. Avant même d'entrer, on savait donc que c'était un succès public.

Cette fois encore j'ai raté une partie du set du trio LECKS INC, venu de Provence en voisins comme groupe inaugural. Pareillement à leurs compatriotes l'autre soir, le groupe devait déborder un peu de la scène déjà investie par le matériel d'autres groupes et occuper ce qui est habituellement la fosse. L'espèce de zombie cyberpunk arboré sur une bannière de côté faisait office de quatrième mousquetaire, juste derrière le grand guitariste bardé de symboles antichrétiens plus dans un style Alien Vampires que Gorgoroth. La batteuse faisait correctement le boulot et le chanteur, probablement tête pensante du groupe, posait un peu. Tous les trois étaient grimés à la mode Dark Electro avec le visage blanc et une bande noire à hauteur des yeux, mais leur musique était bien plutôt un Metal Indus assez lyrique, aux plans pas franchement originaux mais souvent changeants. On pensait aux vieux Manson en plus Metal, avec ce chant un peu nasillard.

Plus âgés et comptant un membre de plus, TERROROLOKAUST promettait de monter un peu le niveau. Leur Electro Indus Metal se rapprochait plus à première vue de Skinny Puppy, Hocico avec la grosse différence d'avoir un chant sans filtres, me rappelant bizarrement celui d'Eddie Vedder dans ces conditions live. La batterie dominait lourdement le mix, le fond de sauce charleys-coup de caisse étant servi sous diverses variations, au détriment du synthé et des samples sur le côté. Étonné de remarquer que le chanteur prononçait correctement "Montpaillier" (et non pas "Montpeullier" comme la plupart des gens), je compris un peu plus tard quand ils se présentèrent comme venant de la Catalogne espagnole, d'autres voisins ! Au fil des titres, la présence de la guitare, ce chant naturel à l'accent fort éloigné de l'anglais faisaient pencher l'ensemble vers la ressemblance avec nos Punish Yourself sans le côté Punk, ni la qualité de jeux d'éclairages à laquelle nous ont habitués les Toulousains. À l'oreille sans le visuel, on aurait pu rapprocher ce Metal Indus du Néo de l'époque à la Static-X, aussi, dans ses passages les plus faciles et encore une fois avec ce chant qui cherchait à exprimer quelque chose au lieu de se contenter de cracher une folie haineuse à travers des distorsions poussées à fond. Remarquez que cette sobriété limitée au cuir noir et à des visages à nouveau peinturlurés n'était pas déplacée. Avec un mix plus équilibré (difficile à obtenir en live) et de meilleurs spots, cela aurait aurait été encore mieux. J'ai laissé tomber ce style précis depuis un bail mais on pouvait bien se trémousser le popotin sans se prendre la tête.

J'avais écouté COMBICHRIST dans la période "TBM" des tous débuts, quand Andy LaPlegua était encore installé en Norvège et menait de front aussi Icon of Coil, Panzer AG et j'en passe, et que ce projet-ci excluait encore les guitares Metal du mélange d'Indus Rythmique et de Dark-Electro. Cela donnait un son assez technoïde en effet, et l'un des titres emblématiques de cette époque était balancé par les enceintes pour chauffer le public dans les dernières minutes de l'intermède. Était-ce vraiment nécessaire ? Je constatais dans ces instants que si pour ma part je me suis éloigné, Combichrist a gagné une base de fans bien accrochés, dont l'enthousiasme explosa à mesure que le groupe arriva. Au lieu d'avoir un claviériste ou un programmateur sur scène, ce sont deux batteurs qui occupent l'essentiel de la scène, le blond à droite étant plus spectaculaire que l'antillais (?) à gauche. Les deux jouent la même chose (je n'ai jamais été convaincu de l'utilité d'avoir deux batteurs comme on peut avoir deux chanteurs ou deux guitaristes) mais au moins ça assure une puissance redoutable au rythme. Avec les gros riffs d'Eric 13 et la voix rauque et bien virile du chef qui arpentait la scène d'un bord à l'autre en hélant avec autorité et chaleur ses fidèles, le groupe rappelle avec autorité que le Metal Industriel est un jeu de bourrins aussi violent et primaire que celui dit extrême, quand on le veut. Les multiples basses programmées sont typiques d'une Power Noise vulgarisée et se coulent très bien à cette formule en y apportant la dureté nécessaire. Elles étaient si fortes, quand la guitare ne jouait pas avec, que j'ai senti plusieurs fois mes yeux vibrer dans leurs orbites !
L'assistance bougeait et la température de la petite salle monta aussi brûlante qu'avec le GrindCore ou le Thrash des précédents jours, et des circle-pits assez virils se lancèrent plusieurs fois. Je me laissai à nouveau prendre volontiers à ce mélange explosif, qui a gagné en impact ce qu'il a perdu en finesse. Quelques vieux titres écrits sans guitare à l'origine se fondirent très bien dans cet ensemble. L'ambiance clairement Metal du concert était loin de celle froide et austère des sets de pure Indus rythmique sans paroles. Comme d'autres classiques avant, Combichrist a trouvé une formule qui marche en franchissant à son tour cet interdit, se nourrissant allègrement du fruit interdit à six cordes. De même, l'esthétique ne se réfère plus tellement aux spectres fluorescents de l'Aggrotech mais la virilité des riffs et des paroles pas franchement délicates (…) rendent l'ensemble trop efficace pour avoir besoin de se cacher derrière des déguisements outranciers. Le set se déroula jusqu'à son terme sans accroc, professionnel et sincère, nous laissant à nouveau suffoquant, sur les rotules, et un peu meurtri sur les pieds et les flancs.

Même si l'ensemble était bien chargé cette soirée un peu différente restera un bien bon souvenir, pour quelqu'un qui s'intéresse aussi à l'Electro Indus dans une région d'Europe que les tourneurs spécialisés négligent habituellement. Mais un peu de repos va nous faire du bien, plusieurs concerts rapprochés valent bien une journée complète de grand festival.

lundi 22 juillet 2019

Napalm Death ACOD TAF Saint Jean de Védas 4 juillet 2019

Parmi les vieux copains que l'on est toujours aussi heureux de retrouver tous les ans, Napalm Death serait un bon exemple. Chacun s'accorde à admirer le rythme que le groupe continue à tenir depuis plus de trente ans, avec une intégrité et un enthousiasme jamais défaillants comme en témoignait le souvenir encore fumant du set de clôture du Moshfest 2018. Si ce n'est peut-être pas mon classique ultra favori, je ne les ai jamais lâchés depuis que je les ai découverts. C'est l'un des plus anciens pensionnaires de ma discothèque, évidemment l'un des plus volumineux... et certainement le groupe étranger que j'ai vu le plus, sans pour autant avoir à beaucoup me déplacer tellement leur maillage de tournées tient la France serrée ces dernières années.


Retardé par un accident de circulation qui compliqua mon trajet, lorsque j'arrivai enfin les Toulonnais de MANIAC avaient déjà bien entamés leur temps de jeu. Ils servaient un Death mâtiné de HardCore rappelant Dying Fetus ou Despised Icon dans leurs débuts, avec quelques plans plus simples rappelant le PanterA plus mélodique. Le groupe gérait assez bien le blast et je regrette même qu'ils n'y insistent pas plus par rapport à des plans plus ordinaires sur des tempos plus lents. Le son, d'un niveau de première partie potable, n'aidait pas à singulariser le résultat. Il me semble que l'un des morceaux était une reprise non identifiée. Le public bougea un peu déjà, sans qu'on puisse espérer une explosion d'enthousiasme dans le pit, vu ce qui allait suivre.



Les Marseillais d'A.C.O.D. assurent régulièrement des premières parties de gros concerts ici où là dans le Midi, mais ce soir l'écart de style avec la tête d'affiche créait un beau challenge. La place manquant sur scène, le quintet n'y laissa que la batterie et les doubles épées de décor, occupant la place habituelle de la fosse en se retrouvant ainsi à hauteur du public. Leur Death Black symphonique se révéla assez bon pour une découverte pour un tout petit amateur du genre comme moi, avec un son compressé mais propre et bien équilibré, et des compositions franchement épiques. On pensait à un mélange entre Emperor comme élément dominant, Dissection ou Arch Enemy sans les soli. Quelques beumeus étaient certainement venus spécialement pour eux m'aperçus-je. Une partie des Grindeux n'éprouvait par contre aucun intérêt pour cet intermède divergent où le headbang dans des couleurs froides remplaçait le pogo.
Avec les poses et les harangues fréquentes au début, les peintures discrètes, le cuir léger conservé malgré la chaleur et une apparence générale travaillée, il devenait évident que les Phocéens visaient habituellement des scènes plus importantes et un certain professionnalisme. Et moi qui ne suis pas spécialement amateur de ce style, j'ai été assez emballé le temps d'un concert. Le dernier titre illustrait bien le bon usage des effets symphoniques, à part l'utilisation des quelques accords de piano en boucle qui ne me parait pas très pertinente. Un détail.

Pendant les pauses je me suis fait complimenter par plusieurs personnes pour mon t-shirt Carcass, que je ne pensais pourtant pas franchement original pour cette soirée… Le merch', justement, proposait de nouveaux t-shirts de Napalm qui ne décevront pas les traditionalistes les plus sourcilleux, ainsi que du matériel des deux premières parties.


Une fois installés tranquillement et toutes les balances faites, NAPALM DEATH attendit encore quelques instants que Barney rejoigne les trois autres pour balancer un enchaînement mortel tiré du plus profond de leur histoire "Unchallenged Hate" et "Instinct of Survival", provoquant une explosion généralisée du public entré au complet dans la salle. La férocité de la guitare, la vitesse légèrement accélérée de Herrera à la batterie, la colère de Barney paraissaient ensemble nous projeter au seuil d'un nouveau concert d'anthologie ! Et patatras. La basse de Shane lâcha au terme du second morceau, obligeant à tout arrêter le temps de s'en occuper. Cette panne était plus grave qu'en apparence, et on perdit une vingtaine de minutes dessus. Une partie de l'assistance ressortit, d'autres restèrent à blaguasser en se disant qu'au moins il était déjà certain que cet énième passage de Napalm resterait dans nos mémoires, afin de conjurer l'angoisse de voir que ça s'éternisait. Finalement l'un des groupes de première partie prêta sa basse et l'on put repartir.

Vous devinez que la reprise était un poil énervée. Les titres plus récents étant tout autant appréciés des fans, ce fut un flot continu de slammers qui écumaient (…) de la fosse en ébullition. Le son arrivait passablement modifié au détriment de la batterie après cet incident, mais quelques coups de mollette sur la table de mixage y remédièrent. Les discours de Mark Greenway se suivent et se ressemblent depuis des lustres, pourtant il s'y perdit une fois en oubliant le nom du classique pourtant obligatoire "Suffer the Children" qu'il devait annoncer, soufflé par John Cooke à son oreille (c'est dire s'il a pu s'intégrer !). Puis quand Barney expliqua soudain que le groupe était formé de gens qui écoutaient un tas de choses très différentes on se demanda qu'est-ce que cela annonçait, et ce fut ce "Self Betrayal" moins que probable, exhumé d'un vieil EP de la période groove, jurant par son rythme lent, sa longueur et son sarcasme dépité, qui dérouta légèrement la fosse. Normalement c'est sans doute ce choix qui aurait dû faire l'originalité de cette rencontre annuelle. Suivit le traditionnel passage par le Grind pur des premières origines, où le public annonça lui-même l'imparable "Scum" à l'oreille tendue de Barney. Au terme de ces quelques minutes de folie particulière et incontournables, chacun put distinguer les deux titres les plus courts de l'histoire de la musique.
Ayant trouvé une place dans un bon angle de vision et dans l'axe d'un ventilateur, j'ai pu tenir bon tout le set mais la salle s'était vidée un peu. Les moshers arrivaient encore parfois entre mes mains, péguant de plus en plus la sueur à mesure ! La première reprise, déjà entendue la dernière fois, était celle des Punks Suédois d'Anti-Cimex. Après être revenu à des titres plus récents pour un ultime tour, l'autre reprise carrément rebattue mais toujours sincère vu les propos introductifs passant par le français, des Punks Californiens. L'horaire étant largement dépassé du fait de la sortie de route initiale, les Midlanders n'en restituèrent pas moins le set complet prévu, achevé par ce "Siege of Power" rogue et idéal pour finir sur ce solo rare chez eux et totalement déglingué. Aucun rappel ne fut même demandé, vu l'épuisement général et l'heure.

Unchallenged Hate/ Instinct of Survival/ Continuing War on Stupidity/ When All Is Said and Done/ Smash a Single Digit/ Everyday Pox/ Standardization/ Suffer the Children/ Breed to Breathe/ Call That an Option?/ Self Betrayal/ Scum/ Life?/ Control/ Deceiver/ The Kill/ You Suffer/ Dead/ Cesspits/ Victims of a Bomb Raid (Anti Cimex)/ Silence Is Deafening/ How the Years Condemn/ Nazi Punks Fuck Off (Dead Kennedys)/ Siege of Power


Même en repassant par un certain nombre de figures imposées, même quand la malchance s'en mêle, Napalm Death demeure un monument incontournable, qui ne déçoit jamais ses fidèles, ni ses valeurs. Nous voilà regonflé jusqu'à la prochaine, et paré pour de prochaines aventures dans des territoires assez différents.

Municipal Waste Terror Shark Dirty Wheels TAF Saint Jean de Védas 1er juillet 2019

Ce même soir Slipknot se produisait aux Arènes de Nîmes mais plus aucune hésitation ne planait sur mon agenda depuis que cette affiche concurrente était officialisée ! Parmi le peloton de tête du revival Thrash, Municipal Waste est le dernier qui manquait à mon tableau de chasse, notamment parce qu'il n'avait encore jamais investi la Secret Place qui les a pourtant tous vus passer. Avec l'extrême chaleur des derniers jours j'avais espéré que la scène soit installée dans la cour mais cela ne semble plus possible à présent, par la faute de riverains pourtant largement éloignés. Bref. Heureusement, la clim' et les ventilateurs ont tenus bon la forte sollicitation pour rendre le concert tenable au moins dans les derniers rangs.

DIRTY WHEELS attaquait son set peu après mon arrivée. Les cinq Marseillais ne sont plus franchement des débutants malgré leur placement en ouverture. Ils jouent du NYHC Crossover classique, qui rappelle le bon temps des années 90, de Biohazard, Madball, Sworn Enemy… J'ai un peu tiqué sur la batterie mal tendue au tempo imparfait, d'autant que le mixage encore approximatif la privilégiait au détriment des deux guitares et de la basse, les solos en souffrant principalement. Le chant un peu yaourt à mon goût se plaçait cependant dans la droite lignée de la famille Miret-Cricien. Surtout, ces points faibles se compensèrent à l'aise tout d'abord par des compos de réelle qualité. Ces types savent écrire des titres de pur HardCore en variant les options possibles offertes par les canons du genre, et sans du tout abuser des chœurs aux slogans bateaux à faire reprendre en live en guise d'efficacité bon marché. Le succès public, réel bien que bridé par ce positionnement inaugural, s'y justifie. Il faut aussi saluer une attitude remarquable : Dirty Wheels est un groupe d'hommes fiers comme il se doit, mais où personne ne joue les cacous et surtout pas le chanteur. Dans le HC old-school, à Marseille, et très spécialement encore chez les groupes de HardCore Marseillais, c'est une qualité remarquable, remercions-en la Bonne Mère.

Fraîchement revenus de leur première prestation au Hellfest, nos locaux de TERROR SHARK. La formule des amis est au point. En trio batterie-chant-guitare, leur Crossover à eux plonge des racines un peu plus loin dans le temps vers M.O.D, D.R.I. et autres joyeusetés de cette époque avec humour et un enthousiasme inentamé. Les morceaux sont courts, trèèès directs, généralement structurés autour d'un bon riff tout simple, d'un refrain à reprendre ou d'un quelconque effet instrumental basique qui suffit à l'individualiser. La fosse s'y laissa prendre volontiers, les uns ou les autres s'en échappant pour reprendre ponctuellement un verset des paroles bien connus des paroissiens les plus fidèles du groupe. Et ce malgré le danger d'être croqué par l'un des deux mégalodons en plastique qui volaient et plongeaient dans le pogo, tradition incontournable de Terror Shark. La chaleur semblait oubliée par les nageurs du moshpit, qui n'avaient cure des pauses systématiques meublées entre chaque titre par Jérôme au chant, interventions complices et un peu bavardes. Elles avaient aussi pour but de laisser souffler ses partenaires, éreintés par un répertoire intense à reproduire. D'ailleurs il serait bien que le groupe prenne le temps de retourner un peu au studio et nous concocter de nouveaux titres, pour renouveler un stock trop bien connu maintenant. En attendant, les piètres squales gisant au sol tous dégonflés au terme d'un set ravageur donnaient une image de ce que le groupe donne à ses fans.

MUNICIPAL WASTE prit un peu plus de temps pour s'installer mais dès les premiers accords, les premiers coups de la double, on comprenait que ça allait être violent… Rapidement les moshers se sont totalement lâchés. À un tel degré d'ébullition que je n'ai presque rien vu avec mon mètre quatre-vingt de la scène à peine surélevée comme en témoignera le cliché illustratif... Les Virginiens envoient du Thrash, du pur Thrash qui ne se place sous le patronage d'aucun grand classique du genre en particulier, qui ne penche pas trop vers le Punk-HC, ni ne lorgne trop vers le Heavy, ce qui justifie leur statut au sein du mouvement dont ils incarnent sans doute la fine pointe par leur ancienneté relative et la pureté du produit fini, en dépit du bandana multicolore du batteur ! Le public connaissait d'ailleurs bien les morceaux et leurs textes, remplissant les silences volontaires du chanteur et réagissant au quart de tour selon les riffs.
La proximité de la fosse était dangereuse même pour les chevronnés, je n'ai pas vu certains astéroïdes sortir à pleine bourre de la ceinture pour me percuter à fond (par exemple dans la seconde suivant ledit cliché illustratif qui ne laissait rien prévoir comme vous en conviendrez) ! Le vrai responsable de ces collisions n'est jamais le mosher dérouté, de toute façon, sinon le groupe qui met son monde dans cet état. Rendez-vous compte, Municipal Waste est le seul groupe que j'ai vu à ce jour qui accélère le rythme en plein circle-pit, sans prévenir. Et les piteurs suivent ! Les vocaux éraillés, eux, ne partent jamais dans le décor. Les paroles reprennent des registres classiques du Thrash, avec une appétence sensible pour celui de la fête. Naturellement, "Terror Shark" fut joué et dédié au groupe précédent. Cela paraît évident, mais ils l'ont fait. Je n'ai pas vu passer le set même sans être fan, tellement le quintet illustre parfaitement ce qu'est le Thrash Metal, pour l'éternité, et non pas un simple phénomène de génération il y a une grosse trentaine d'années.
Nous avons traîné un peu pour laisser nos plaies rafraîchir, parmi une assistance qui avait été plutôt fournie et parfois venue d'assez loin. D'autres préparaient ce soir leur départ pour l'Obscene Extreme. Sans aller jusqu'en Bohême, un monument du GrindCore va nous honorer très bientôt justement.

mercredi 10 juillet 2019

Carcass Nitzer Ebb Myrkur Stiff Little Fingers Primavera Barcelone 30 mai 2019

Il y a quelques années j'avais découvert le Sonar, le festival Electro de Barcelone d'envergure mondiale. Pour 2019, l'autre grand festival musical de la capitale de Catalogne tombait à une meilleure date pour moi et proposait sur une journée une affiche suffisamment intéressante pour justifier un déplacement, au moins un jour, pour s'y initier enfin après une occasion manquée il y a deux ans. Le Primavera se différencie du Sonar par son orientation généraliste, malgré une vague prépondérance historique du Rock en général. Et sur un événement de telle importance, on peut toujours y trouver quelque chose d'intéressant.
Quelques jours avant l'arrivée le tableau d'ordre des groupes était enfin publié et, première déception, plusieurs groupes que je souhaitais voir allaient jouer en même temps. De plus cette programmation s'étalait vraiment jusqu'au petit matin – mais l'on sait bien que les Espagnols ne dorment pas – sans offrir grand'chose d'intéressant en cours de journée.
Qu'importe, le jour j nous passions les divers sas de sécurité et admission, alors qu'un doux beau temps régnait sur le gigantesque site du Parc du Forum, situé directement en front de mer à l'est de la ville. Le lieu d'accueil était réellement vaste, pouvant accueillir des dizaines de milliers de participants sans qu'ils ne se marchent dessus. Certains éléments comme le panneau photovoltaïque et le pont sur le petit port de plaisance voisin sont franchement monumentaux. L'inconvénient reste qu'il faut faire des kilomètres d'une scène à une autre, ce qui ôtait tout espoir de voir un bout de l'un puis un bout de l'autre.
Mon programme personnel avait l'avantage de se tenir exclusivement sur une même scène un peu à l'écart, et j'ai donc passé la première partie du temps à flâner dans l'immense périmètre pour m'imprégner un peu du concept. Tout l'équipement du festival confortable était à profusion pour pouvoir aisément se sustenter, s'asseoir, faire les vidanges et se laver les mains à l'eau recyclée, acheter des t-shirts ou des vinyles, etc. À la différence du Sonar, on peut encore payer en cash ce que je trouve beaucoup mieux. Habitué à traîner dans des scènes typées et homogènes, cela me faisait bizarre de me retrouver au milieu d'un public aussi varié, en tenues souvent extravagantes, des festivaliers venus du monde entier avec une forte proportion d'anglo-saxons y compris Américains. Entre les gays mélomanes, les hipsters déguisés et simples passants en tenue de routard des festivals, quelques t-shirts signalaient parfois des goûts voisins des nôtres au lieu d'un message arty… Et encore faut-il décompter les imitations comiques de design Metal, selon la mode des dernières années. Les stands de vin, de spritz ou de "sensibilisation aux violences de genre" confirmaient que c'était quand même un autre monde. Au milieu de tout ça on pouvait aller regarder quelques minutes du gros hip-hop ici, des rockeuses énervées mais sympas là-bas, Christine and the Queens (and surtout ses danseurs) sur une autre scène expliquer en anglais qu'elle voulait se faire appeler autrement maintenant… et j'en passe car le premier rendez-vous approchait enfin.

Sur une petite scène face à la mer, à l'angle de la passe du petit port de plaisance voisin, STIFF LITTLE FINGERS se présentait légèrement en avance. Ce groupe Nord-Irlandais est une vieille institution encore vivante de la première vague Punk de 1977. Le son était impeccable pour ce style, les quatre membres avaient les dégaines des pépés de la scène qui n'avaient rien à prouver en tant que vieille machine qui tourne très bien. Bien que Britanniques, leur Punk-Rock dansant et le chant de tête aigu du chanteur-second guitariste faisaient beaucoup plus penser aux Ramones ou à la scène mélodique Californienne d'Epitaph. Le public s'y prit facilement, ce genre marche encore très bien en Espagne. L'attitude sincère et sans manières du groupe le rend incontestablement sympathique : après avoir déclaré que vu le peu de temps accordé il parlerait peu pour pouvoir jouer plus, le chanteur présenta quand même quelques titres parlant du racisme, de sa dépression ou de leur titre le plus Heavy Metal (parce qu'il y a un peu de moulinets…) rappelant leur précédent set en ouverture de MetallicA quelques jours avant. Je n'ai pas vu le set passer jusqu'à leurs grands classiques en fin de set bien connus des fans apparemment… Sincère, direct, intègre, accessible et maîtrisé, ces atouts simples suffisaient à convaincre et m'emballer enfin dans le festival.

Après un nouvel intermède je revenais au même endroit pour voir CARCASS, venu spécialement pour l'occasion hors toute tournée. C'est l'un des premiers groupes que j'ai découvert dans le Metal extrême, jamais lâché depuis et je n'avais pu les voir qu'une seule fois en raison de la longue période de séparation. Y'avait donc encore de l'émotion même si je savais à quoi m'attendre.
N'ayant pas d'album à promouvoir, une fois passée l'intro on attaqua toutefois de plain-pied les classiques lourds par l'attaque féroce de "Buried Dreams" entonnée encore en forme par Jeff Walker dans son t-shirt de Crass, suité sans pause par deux monuments qui comblèrent les fans massés en assez bon nombre. Le vent s'était levé avec la tombée de la nuit et cela gêna un peu le rendu du mixage et Tom Draper, nouveau second guitariste, n'était pas parfaitement assuré sur le premier solo que Bill Steer lui laissa. L'ex Napalm Death, lui, maîtrise tout sur le bout des doigts caché derrière sa tignasse hors d'âge. Surexcité, Walker commença à semer un peu trop souvent ses mediators, y compris au cours du long passage consacré ensuite à "Surgical Steel". Si les intros samplées étaient un peu malmenées par un quartet enthousiaste et pressé d'enchaîner, après une énième blague de Walker la montée de l'intro de "Genital Grinder" laissait enfin une place symbolique au plus vieux passé Goregrind qu'ils n'assument plus tellement au profit du Death Mélodique vite réaffirmé par deux extraits de "Heartwork". Le passage chant-batterie de "This Mortal Coil" fut sectionné apparemment sans concertation par Wilding, globalement très professionnel derrière ses fûts. S'il partait bien par le riff assassin de l'intro' de "Black Star", l'unique évocation de l'album le plus Heavy Rock du groupe passa pour le moment un peu faible du concert, avec une recomposition du morceau qui l'émousse en live. Ceci dit cela permit au public de souffler un instant, ma propre nuque vous le confirmerait. De son côté, l'espèce des mélomanes curieux qui ont entendu du son et sont descendus voir, très rare en concert payant et beaucoup plus observée en festival, s'étant enfuie depuis un moment.
Toujours à la blague, Walker lança quelques bouteilles aux braves de la fosse en précisant ensuite qu'elles étaient remplies de sa semence et d'un peu de merde. Finalement, le Goregrind demeure encore ! D'ailleurs on revint enfin vers l'option Death-Grind mélodique pour la fin du set, avec une agressivité à présent éprouvée mais qui réjouit encore des fans marqués par une douzaine d'années de disparition au profit de projets bien moins tranchants. Le dernier riff de "Carneous Cacoffiny" plaqué sans effet ni transition faisait comprendre clairement à tous ces vieux fidèles qu'on allait débrancher. Après un salut enthousiaste devant une assistance comblée, une petite explication sans gravité sembla avoir lieu entre Walker et Wilding qui rangeait sa batterie. Peu importe, pour moi le voyage était déjà rentabilisé.
1985/ Buried Dreams/ Exhume to Consume/ Reek of Putrefaction/ Incarnated Solvent Abuse/ Unfit for Human Consumption/ Cadaver Pouch Conveyor System/ Captive Bolt Pistol/ Genital Grinder – This Mortal Coil/ Death Certificate/ Black Star – Keep On Rotting/ Corporal Jigsore Quandary/ Ruptured in Purulence – Heartwork/ Carneous Cacoffiny outro.

Les horaires des différentes scènes ayant fini par se décaler inévitablement, j'ai pu voir un petit bout de l'Indie-Rock Noisy Lo-Fi de Guided by Voices, pour fans de Shellac ou Sonic Youth qui connaissaient déjà de toute façon.

Un peu plus tard encore MYRKUR investissait avec trois comparses la scène décorée de boules lumineuses perchées sur des supports imitant des arbustes blancs, son micro lui-même collé à une plante verte mal identifiée ressemblant à du magnolia sans cellulose. Le Dannebrog était fixé au fond à côté des potards. On n'imagine pas tellement du Black à ce genre de festival… mais justement on sait aussi combien la Danoise attise les débats dans une scène aussi attentive à sa pureté. De fait elle a servi en réalité un mélange de Folk-Ethereal à fond Black Metal, avec son chant à la Liv Kristine invitant au doux rêve de paysages enneigés. Le son sortait très lisse, froid mais propre, la guitare mixée avec modération. Apparemment elle eut quelques problèmes techniques dont elle parla entre deux titres mais sans grandes conséquences franchement, sans doute les retours. Les éclairages étaient assez jolis et recréaient régulièrement le logo du projet. Par contre je ne comprends pas comment on a pu laisser les ventilateurs de scène en marche : ils ne servaient vraiment plus à rien en pleine nuit à quelques mètres de la mer, sauf à laisser voir plus qu'il n'en fallait des formes d'Amalie Bruun dans sa robe de mousseline blanche !!!
Quelques blasts, rares mais d'autant plus percutants, rappelaient que l'enracinement Black était réel quoiqu'on puisse juger du résultat. De fait, Myrkur confirme qu'aujourd'hui le simple rattachement à cet univers ne fait plus peur à une bonne part du public, à un point certainement regrettable. En effet si les gens sont restés, les Espagnols ne se gênent jamais pour continuer à parloter à voix forte pendant les concerts dès que le niveau sonore le permet, comme c'était ici. Je me suis rapproché en plusieurs étapes pour échapper à cette tradition nationale agaçante qu'on ne s'attendrait pas à voir ressurgir devant du Metal, c'est évidemment significatif. Pour clore le set, l'artiste resta seule avec un tambour viking et chanta un bref titre traditionnel acoustique. À condition de ne pas se complaire à tout crin dans les malentendus sur Myrkur, ça ne m'a pas paru horrible.

Au bout de la nuit il me restait un ultime groupe à voir, qui avait en bonne partie motivé le fan d'EBM traditionnelle que je suis à venir découvrir le Primavera. NITZER EBB est devenu parmi les pères fondateurs du style le plus emblématique. Le duo s'est actuellement reformé, depuis qu'ils s'étaient récemment retrouvés comme par hasard invités ensemble dans le projet Black Line, ce qui leur a donné envie de remettre le couvert une fois encore puisque, Dieu merci, les envies de faire autre chose n'avaient jamais donné lieu à de brouilles entre Bon Harris et Doug McCarthy. L'avenir n'étant jamais certain, je ne voulais pas les laisser passer comme en 2011 !
Tout juste débarqués d'une tournée Américaine, le groupe actuellement en formation à quatre revient bien rodé et a choisi clairement d'emprunter à présent le versant techno et épuré de l'EBM. Aussi la setlist était nettement orientée vers le répertoire le plus ancien au détriment des albums plus récents qui avaient préféré la voie du Rock, notamment celui de la précédente reformation totalement écarté bien qu'excellent. Qu'importe ! Cela laissait une brochette de vieux classiques enchaînés tous ensemble avec la fluidité offerte par les beats programmés et les boucles, dans une ambiance très club avec ces lumières chaudes largement envoyées vers le public, la fosse Punk ou Goregrind du début de la nuit se transformant en dancefloor où l'on se démenait volontiers entre quelques boulets qui voulaient danser en tournant le dos à la scène (compatriotes en plus apparemment…) et un grand type complètement perché à la MDMA.
Certains titres étaient non seulement arrangés pour les transitions mais même légèrement remixés par rapport à leurs versions originales plus sèches et moins dansantes (voir par exemple "For Fun" très vite). Malheureusement le son n'était pas fort de reste et les basses, si importantes en matière d'EBM, ne ressortaient pas autant qu'il aurait fallu.
Visuellement, par-delà l'éclairage éblouissant, le spectacle se partageait comme d'habitude entre le petit Bon Harris martelant assez spectaculairement une petite batterie électronique et le premier plan entièrement pris par le grand Douglas McCarthy, tous deux de noir vêtus. Le charisme sensuel et viril du chanteur, en veste et lunettes noires totalement pour le style, fait toujours son effet de par son jeu de scène physique, expressif, en accord profond avec une diction parfaite ne laissant perdre aucune syllabe. Comment ne pas penser par moments à son vieux copain David Gahan ? David Gooday et Simon Granger, à moitié cachés derrière leurs écrans et des toiles, restaient concentrés sur les programmations en dodelinant toutefois de leurs crânes bien rasés au diapason de celui du boss Bon…
Ce dernier rejoignit Doug sur le devant pour partager les vocaux de "Getting Closer" comme en version studio. Si la communion était scellée une heure durant avec le contrebas de la scène, cela atteignit bien évidemment le sommet avec ce "Join in the Chant" rallongé pour la joie générale. De toute façon la kyrielle de refrains de dancefloor ponctuant quasiment chaque titre était connue par cœur de tous, y compris certainement des camés partis mentalement trop loin pour les reprendre avec les cleans… Après que Doug aie présenté rapidement la formation, la boîte à rythmes et ses accompagnements s'arrêtèrent en douceur comme un moteur dont on couperait l'alimentation, et tout le monde s'éclipsa assez vite vue l'heure et la fraîcheur revenue.

Blood Money/ For Fun/ Captivate/ Hearts & Minds/ Getting Closer/ Lightning Man/ Fun to be Had/ Shame/ Join In the Chant/ Family Man/ Control I'm Here/ Let Your Body Learn/ Murderous.

Nitzer Ebb revient en bonne forme, faisant revivre pour une durée indéterminée sa propre conception de l'EBM, celle que les DJs et fans de techno trouvent la plus inspirante, complémentaire des shows surpuissants et bien chargés de Front 242, du Metal Indus des Krupps comme de l'Electro Punk de la partie la plus underground de cette scène.

Même si je ne me suis pas trop reconnu dans l'esprit généraliste et bien-pensant du Primavera, je n'exclus pas d'y revenir si une autre fois la programmation vaut le coup. Dans l'immédiat, nous nous remettrons à consommer local et l'été promet d'être chaud dans les t-shirts, dans le pogo !

lundi 3 juin 2019

Dead can Dance Grand Rex Paris 11 mai 2019

Eh non, je ne pourrai vous raconter le Moshfest cette année, puisque le passage de Dead Can Dance s'était annoncé bien avant sur la même date. C'est l'un des plus anciens pensionnaires non Metal de ma discothèque, et au-delà l'un des groupes pour lesquels mon amour s'est déclaré le plus naturellement à la découverte, qui demeura fort et sans nuages au fil des lustres. Il était évidemment hors de question de rater cette nouvelle tournée célébrant l'histoire du duo plutôt que le court "Dyonisus". Il était plus frustrant à mesure que l'échéance arrivait de voir plusieurs autres concerts intéressants dans les jours alentour.
Après nous être sustentés dans l'un des nombreux établissements du quartier des grands boulevards, nous pénétrions dans le Grand Rex avec un ami également monté pour l'occasion. Je ne connaissais pas encore cette vaste salle au décor Art Nouveau amusant, qui a le bon goût de ne pas être trop chargé. Je n'ai guère l'habitude d'assister à des concerts assis mais c'était déjà le cas la première fois, et au moins c'était infiniment plus confortable que les minces bancs de bois des arènes de Nîmes ! L'assistance n'était évidemment pas très jeune, et drainait pas mal de gothiques sur le retour au milieu d'amateurs venant sans doute plus des autres horizons du mythique label 4AD, moins excentriques et plus colorés.

La première partie était assurée par le même musicien assistant de l'autre fois, DAVID KUCKHERMANN, pour un set instrumental en solo très similaire. Il commença à nouveau avec les grandes soucoupes métalliques, puis divers instruments de percussions exotiques et aussi basiques que peut l'être un tambourin. Avec quelques explications ce set introductif avait un tour pédagogique qui n'est pas absent de son groupe principal, et permet de faire passer une prestation d'intérêt un peu limité, en soi.

Vous pouvez imaginer la forte acclamation quand les huit musiciens de DEAD CAN DANCE entrèrent sans cérémonie sur scène. On reconnaissait parmi eux Rick Yale et Astrid Williamson qui avaient accompagné Brendan Perry cet hiver lors de sa tournée solo. La tenue de la mère Lisa était spectaculaire, avec une grande robe blanche qui la rendait énorme et devait lui tenir bien chaud, plus un turban assorti étoilé autour de son désormais habituel chignon de gala.
Dès les deux premiers titres les intentions étaient claires, c'était totalement old-school et le couple venait combler ses vieux fans : le titre d'ouverture de l'album considéré généralement comme le meilleur, puis un extrait du tout premier que je pensais ne voir jamais évoqué en live ! Sans communication, l'effet est encore plus puissant, on retouchait aux racines Post-Punk de l'aventure et à ses sommets les plus mystiques et intemporels. L'éclairage n'était pas surchargé mais n'évitait pas les effets, avec des faisceaux de couleurs assez intenses. Le rare "Labour of Love" aux accents Shoegaze de son temps avait déjà été essayé par Brendan en solo quelques mois avant. Dans un son de grande qualité, la basse se détachait inhabituellement en ces débuts. Si les assistants passaient d'un instrument à un autre, Lisa se contentait comme toujours de sa harpe chinoise et Brendan alternait essentiellement entre une bonne vieille Fender de couleur menthe et un bouzouki. En parcourant la période légendaire d'il y a plus de trente ans, ils ne pouvaient qu'enchaîner des applaudissements nourris à mesure, jusqu'à ce grandiose "Xavier" commencé a capella sous la direction de Perry et légèrement remanié au final pour permettre à Gerrard de placer quelques chœurs. Aussitôt l'éclairage suggéra une pleine lune au sommet et Lisa demeura seule sur scène avec son accompagnateur au pipeau, qui introduisit une interprétation bouleversante de "The Wind that Shakes the Barkley", plus intense que celles disponibles, où elle fit ressentir mieux que jamais la charge tragique de cette histoire irlandaise. Par contre le "Sanvean" qui suivit fut un peu gâché par un désaccord chronique avec le tempo du synthé et quelques ristournes quant à l'amplitude vocale mobilisée (non la puissance, intacte), jusqu'au dernier mouvement qui atteignit enfin l'impeccable.
Après une nouvelle incursion dans le lointain passé, deux classiques furent tirés de l'envoûtant "Into the Labyrinth" avant un autre incontournable titre d'ouverture, où le chauve à barbe effilochée qui jouait tout à l'heure du pipeau assura très à l'aise le second chant masculin dans une symétrie évidente avec le boss, pour une restitution parfaite de l'original. En regardant Perry regarder Gerrard je me demandais ce qui pouvait lui passer par la tête quand il la contemple, lui aussi, dans ses moments de bravoure. Par rapport aux scènes plus modestes de sa tournée solo, Brendan n'osa pas tout à fait se lancer en français, langue qu'il a apprise tardivement je crois du fait qu'il vit actuellement en Bretagne. En abordant enfin la période de la reformation avec l'unique extrait du puissant "Anastasis", on se rendait compte que le temps avait passé ; ce n'était pas le morceau le plus poignant mais son ton plus relâché allait bien après des moments aussi intenses. "Autumn Sun" est un titre moins connu des fans mais suintant le déjà-vu, reprise du groupe Américano-Arménien Delayaman (non, pas SoaD !) où apparaît Brendan sur l'original. Il était profondément réapproprié à la façon maison. Enfin le seul extrait du récent "Dyonisus" venait clore le principal, totalement tribal, et révélant mieux sa complexité multi-instrumentale par rapport à l'album. Je me suis attaché à un détail : la façon dont Lisa Gerrard battait des mains en marquant nettement l'écartement et l'arrêt en plusieurs mouvements, pour garder un tempo parfait, comme si ses membres formaient un instrument à part entière ; cela n'a rien à voir avec la façon dont le fait le spectateur moyen de concert ou de stade.

Cela ne pouvait évidemment se terminer ainsi et Brendan Perry revint pour jouer sa reprise habituelle mais toujours sincère de Tim Buckley. Le collectif réunit au complet servit ensuite l'obligatoire mais transportant "Cantara", à la longue introduction réarrangée au bouzouki de Perry pour annoncer la phrase principale du morceau, ce qui peut plaire au fan mais alourdit un peu le passage. Quelques discrets écarts de la ligne originelle n'empêchèrent pas le triomphe assuré des capacités vocales exceptionnelles de Gerrard, par une ovation debout du public qui pouvait alors croire atteindre réellement le terme de son voyage.
Nenni, deux derniers titres permirent d'atteindre les deux heures de performance et disposer l'air de rien les foules à se calmer, avec le doux "Promised Womb" enchanteur et ultra médiéval, tiré d'"Aion" que l'on avait fini par oublier dans tout ça. Enfin "Severance", comme sur la tournée de Perry en solo mais interprété plus fidèlement, vint clore pour de bon un concert d'exception avec son final sournoisement berçant.
Un dernier salut collectif scella la communion respectueuse de fans fidèles et reconnaissants pour avoir passé une soirée véritablement enchanteresse, comme une parenthèse dans un autre monde ou un séjour parmi les Elfes et les Dieux à Valinor… Dead Can Dance reste encore en 2019 au sommet.

Anywhere Out of the World/ Mesmerism/ Labour of Love/ Avatar/ In Power We Entrust the Love Advocated/ Bylar/ Xavier/ The Wind that Shakes the Barkley/ Sanvean/ Indoctrination/ Yulunga/ The Carnival is Over/ The Host of Seraphim/ Amnesia/ Autumn Sun/ Dance of the Bacchantes
Song to the Siren/ Cantara
The Promised Womb/ Severance

Nous partîmes ensuite achever la redescente dans un bar faussement Rock des grands boulevards, mon compère enchaînant avec MetallicA le lendemain. Si je n'ai pas voulu remiser dessus un an et demi après Bercy, les prochaines échéances seront tout de même plus métalliques, et bien plus au sud.

Peter Hook and the Light Rockstore Montpellier 4 mai 2019

D'habitude je ne me sens pas obligé de revoir un groupe que j'ai déjà recroisé un an ou deux avant, mais en ce moment c'est fréquent. Là il s'agissait d'une légende vivante qui repassait à trois rues de chez moi, le bassiste de Joy Division puis New Order qui a décidé de célébrer l'histoire de ses anciens groupes une fois consommée la rupture avec ses ex-compagnons. Et j'avais bien envie de revivre la date de Paris que je vous avais raconté à l'automne 2017, au point d'avoir réussi à motiver quelques vieux amis à s'y joindre.

Malgré le fait que la billetterie soit encore ouverte à l'entrée, ce cher vieux Rockstore a dû finir à peu près complet et j'ai bien fait d'arriver tôt pour prendre une bonne place, sachant qu'il n'y aurait pas de première partie sinon un double set. Comme toujours le public était assez mûr, le merch' était sensiblement renouvelé par de nouveaux t-shirts, mais seulement des vinyles au rayon audio.

Au terme de l'intro' PETER HOOK et ses actuels comparses formant THE LIGHT pénétrèrent sur scène, le chef ayant revêtu un t-shirt hilarant représentant des pilules d'extasy mêlant le smiley traditionnel avec le motif de la jaquette d'"Unknown Pleasures" ! Toute une vie résumée en un symbole !
Comme plus ou moins annoncé le set démarra par "Regret", single phare de l'album "Republic" plus apprécié en Amérique que par chez nous mais parfait pour mettre tout le monde dans le bain et commander les derniers réglages d'un doigt autoritaire… On continua dans les surprises avec "Vanishing Point" tiré de l'album le plus House de New Order, songe drogué d'une nuit d'été à Ibiza, chanté en grande partie par le guitariste David Potts (ancien compagnon de Hook dans feu le projet Monaco). Ensuite le programme se rapprocha de celui de 2017, empruntant aux singles compilés dans "Substance", collection de tubes énormes emballant un public pourtant relativement peu mobile, à l'exception de boulets venus s'incruster à nos côtés… Hookie se montra assez peu en voix même s'il est acquis que Pottsie assure tous les vocaux les plus aigus du répertoire de New Order. Le second bassiste qui assure l'essentiel n'était plus Ian Bates, le fils du patron, puisqu'il a trouvé un vrai groupe en rejoignant récemment les Smashing Pumpkins. Le père, en fin de compte, ne fait que doubler les parties où la basse est en avant et laisse généralement son instrument pendre bas quasiment aux genoux. Le son était impeccable, autrement, les chœurs du public et la qualité de l'interprétation instrumentale finissaient de compenser la faiblesse vocale. Il faut reconnaître que pour New Order beaucoup tenait aux samples et synthés tenus dans l'ombre par le cinquième membre, y compris les beats électroniques laissant le batteur Paul Kehoe gérer le restant à coup de charleys et plans basiques pour doubler tout en regardant le plafond avec désinvolture.
Après quelques vieux titres plus Rock, conformément à l'Histoire "Blue Monday", un peu poussif au démarrage et rythmé des poings de Hookie en personne sur une petite batterie synthétique, marqua le basculement du set vers les gros titres dansants embrochés sans pause à part un bref court-circuit qui fit rire tout le monde y compris un Hookie plutôt bougon comme toujours. Cette collection bien connue des fans de titres forgés dans la House et la Dance de club des années 80 créa plutôt une communion durable plutôt qu'amenant à un sommet, si l'on excepte les mouvements créés par les déplacements du boss d'un côté ou d'un autre de la scène pour balancer – enfin – un passage de sa basse de temps en temps. La variété rythmique se résuma au final par l'enchaînement du quasi comique "Bizarre Love Triangle" avec le puissant, populaire et élégant "True Faith" pour parachever un temps de jeu d'une heure vingt, offrant un déjà-vu qui comblait le spectateur.

Après quelques minutes de pause meublée discrètement par un doux remix, le quintet revint acclamé pour donner ce qu'ils restent les derniers à maintenir vraiment, le New Order actuel étant revenu à la position antérieure de ne plus assumer grand-chose concrètement de la période avec Ian Curtis.
Le timbre grave de Hookie étant assez proche de celui de son défunt compagnon de scène, il assura cette fois la très grande majorité des vocaux en dépit de quelques placements plus faciles que les versions originales et des effets moins marqués… sauf quand Potts vint parfois à son secours. Cette fois encore le programme privilégia les singles et raretés malgré un départ offrant trois titres d'album mythiques, celui commençant "Unknown Pleasures" et par lequel le monde commença réellement à connaître Joy Division, puis les poignants "Isolation" et "A Means to An End" du second album. À présent les samples étaient moins présents quoique non disparus. En voyant Hookie demander au mixeur – qui s'endormait littéralement ! – à ce qu'ils soient moins poussés, on se rappelait le constant reproche qu'il fit jadis à Martin Hannett de négliger la base Rock qu'il souhaitait donner. En tout cas cette fois le mix était à sa main, avec un son décidément parfait en ce sens plus Rock, à part donc quelques insuffisances vocales. Parfois Hook échangea sa basse contre une guitare, et c'est surtout le batteur qui put se mettre mieux en valeur avec le programme beaucoup plus Punk amorcé par le "Warsaw" emblématique des premiers efforts sous ce nom, le pogo prenant enfin une dimension un peu conséquente puis rafraîchi par un "Leaders of Men" rare et mid-tempo, et plus loin par le lent "Autosuggestion", un morceau de basse comme par hasard. Une ligne droite finale de tubes incontournables suivit, marquant toujours leur puissant effet. Un bref intermède s'y glissait toutefois par l'instrumental "Incubation", permettant à Hook de faire une vraie pause en coulisses tout en mettant ses partenaires en valeur, Joy Division sans Joy Division. "Atmosphere" fut dédié cette fois à un ami de Salford dont je n'ai pas capté le nom, décédé dans la semaine, titre simple et toujours bouleversant. Peut-être la raison pour laquelle Hookie était resté encore moins causant qu'à l'accoutumée. Enfin un enthousiaste, attendu mais toujours déchirant "Love Will Tear Us Apart" acheva le parcours en apothéose et cette fois il jeta pour de bon son t-shirt qui devint pour le coup une relique mythique comme celle qu'il met en vente ces temps-ci. Je vous laisse imaginer le ventre de sexagénaire aux poils blanchis ornée de quelques médailles laissé comme dernière image à un public peu pressé de quitter la salle, comme pour prolonger cette expérience collective rare et précaire de reconnecter avec les racines d'une musique qui vous a tant donné.

Regret/ Vanishing Point/ Ceremony/ Everything's Gone Green/ Temptation/ Blue Monday/ Confusion/ Thieves Like Us/ The Perfect Kiss/ Subculture/ Shellshock/ State of the Nation/ Bizarre Love Triangle/ True Faith

Disorder/ Isolation/ A Means to An End/ Warsaw/ Leaders of Men/ Digital/ Autosuggestion/ Transmission/ She's Lost Control/ Incubation/ Dead Souls/ Atmosphere/ Love Will Tear Us Apart

Sur la foi d'un tuyau, nous sommes allés prolonger la soirée un peu plus loin dans le bar d'after à peu près officiel où le groupe devait passer. On ne vit que Paul Kehoe mais ce n'est pas grave, au moins ce n'était pas tout à fait faux et la seconde partie de soirée fut bien assez agréable. Quant au concert, je n'avais nul regret d'avoir à peu près revécu le précédent vue la qualité de la prestation au service d'un témoignage si précieux.

dimanche 5 mai 2019

Author & Punisher Lingua Ignota HAG Black Sheep Montpellier 17 avril 2019

Annoncée et promue de longue date, cette affiche prometteuse était un bon test pour mesurer ce qui reste du public Indus dans le secteur, dont on peut craindre qu'il vieillisse en même temps qu'une scène qui vit certes toujours mais se renouvelle fort peu malgré quatre décennies d'existence. Et force fut d'admettre qu'à la mesure de la cave du Black Sheep ce fut un succès public, la chère salle renouant ainsi avec sa tradition expérimentale de qualité.

Assez logiquement HAG ouvrait la soirée en tant qu'autochtone. Caché sous sa cagoule, l'unique musicien se contentait d'une basse Rickenbacker et d'une myriade de pédales à ses pieds pour compléter les samples qui sortaient des enceintes. Sous ses airs de la Crampe de Pulp Fiction, sa personnalité assez extravertie voire franchement joviale transparaît dans un jeu plutôt expressif et la tonalité globale de sa musique. L'Indus' de HAG est pure, de tradition, tendant plus vers l'Ambient que vers les courants dansants, très souvent un sample de vocaux parlé en diverses langues venait rendre toutes paroles superflues. Mais on n'y retrouvait pas tellement la morbidité oppressante habituelle du genre, ni les rythmiques plus ou moins martiales. Au contraire une forme d'humour noir s'affirmait lentement mais clairement au fil du set, prenant à contrepied certains clichés d'une scène à laquelle les morceaux appartiennent incontestablement. La performance fut assez longue mais plaisante, apportant une sensibilité peu attendue et maîtrisée à une musique tout à fait orthodoxe envers son genre pour autant.

N'avoir que des projets solos au programme offrait un avantage : les changements de plateau étaient assez simples et le départ très retardé par rapport à l'horaire annoncé sera aisément rattrapé.

LINGUA IGNOTA est arrivée il y a peu de temps sur la scène mais sa forte personnalité a vite attiré l'attention. Tout porte sur sa voix, le plus souvent a capella et parfois accompagnée d'effets typiquement Industriels qu'elle jouait avec un simple clavier. Une lampe mobile était son seul autre accessoire et unique éclairage, avec lequel elle fit un tour au milieu de l'assistance dès les premières minutes de son set. Déjà la performance est remarquable de faire tenir tout un set presque uniquement sur une voix, qui s'est révélée en avoir bel et bien les moyens. Avec sa sensibilité tourmentée à fleur de peau et son esthétisme minimal un peu solennel, on pensait aux travaux de Diamanda Galas, à un héritage Soul, dans un univers à la David Lynch. L'agressivité de certains passages criés aurait pu passer dans le Metal et rappelait les racines Industrielles qu'on aurait pu oublier à d'autres instants. C'était à la fois spirituel et émouvant. Une reprise du standard "Jolene" était tellement bien réappropriée qu'il a fallu qu'on m'aide à la reconnaître. Le "thank you" tout doucement soufflé au terme du tour contrastait fort avec l'engagement donné dans cette véritable performance. Que ce soit dans ses projets individuels ou dans ses collaborations (avec The Body, par exemple), nul doute qu'une telle personnalité va enrichir la scène et mérite d'être suivie dès à présent.

Si certains ayatollahs commencent à protester que tout cela n'est pas exactement Metal, AUTHOR & PUNISHER est actuellement signé chez Relapse et est passé par le label de Phil Anselmo. Le spectacle est déjà de voir Tristan Shone avec tout son appareillage électronique et mécanique, inventé et monté par l'artiste lui-même à base de claviers, vérins manuels pour le rythme, et son micro étrange, baigné dans un éclairage inhabituellement marqué pour la salle. Musicalement, son Industriel est massivement puissant et tend ouvertement vers le Drone, avec des rythmes massifs majoritairement ternaires et forcément lents, un chant généralement distordu mais parfois plus clair, laissant imaginer une copulation sous substances entre Justin Broadrick et Trent Reznor au-delà de l'originalité du matériel instrumental. C'était tout à fait immersif, épais et à la mesure de l'engagement total de l'unique exécutant et concepteur. Cependant il était difficile d'éviter le piège habituel du Drone, et sournoisement mon attention glissait vers l'assoupissement debout. Ce d'autant que le son des titres était très homogène. Les vrais fans étaient clairement au Ciel, pour ma part cette direction continue du début à la fin du set m'a effectivement un peu lassé vers les derniers titres, sans pour autant me décrocher tout de même.
Après une petite inspection au stand nous sommes montés au bar pour poursuivre insouciamment la soirée, car il y avait un anniversaire à fêter. Et puis un bon concert dans un style rarement donné, ça devait aussi s'arroser.

Orphaned Land Subterranean Masquerade TAF Saint-Jean de Védas 14 avril 2019

Dès le titre, le lecteur assidu de Metalnews se souviendra que c'était quasiment la même tournée qui était venue l'an dernier au même endroit. Mais quand on est fan et qu'on habite à côté, on ne  se pose pas de grandes questions. Je n'avais peut-être pas l'excitation des grands soirs ou du cas le plus fréquent du groupe qu'on n'a pas revu depuis son dernier album, mais il était inconcevable de rater ça, La tête d'affiche compte encore beaucoup pour moi. Surtout que quelques annulations et indisponibilités nous ont laissé sur un hiver assez maigre du côté des concerts.

Bien qu'essayant d'arriver tôt un dimanche soir, je débarquai alors que SYSTEM HOUSE 33 tirait déjà à la fin de son set. Il va falloir que je me reprenne ! Le groupe d'ouverture venait d'Inde, de Bombay et c'est bien la première fois que je voyais une formation de ce pays qui émerge doucement sur la scène Metal depuis quelques années et apparemment c'est l'un de ses représentants emblématiques. Il donnait avec application dans un mélange de MetalCore et de ThrashCore, servi à fort volume. Décidément, il y a un retour en grâce par la base du vieux style de PanterA et Machine Head. Un peu trop d'ailleurs peut-être ici avec le riff principal du dernier titre qui repompait sans vergogne l'ouverture célèbre de "Davidian". Le chanteur était très bavard, à vouloir expliquer longuement le sens de ses morceaux. C'était assez courant dans ce style déjà à l'époque.

Cette fois le merch' était particulièrement fourni et gratiné. Les barboteuses en multiples tailles et le whisky Orphaned Land, ça va quand même assez loin.

SUBTERRANEAN MASQUERADE, pour son retour bénéficiait d'un temps de jeu rallongé. Mais le programme serait sensiblement différent de la dernière fois car un nouvel album arrive, et il y a de la marge car malgré son ancienneté le groupe a peu produit du fait des modifications de line-up amenant le groupe à se baser en Israël alors qu'il est né aux États-Unis. Il y avait d'ailleurs encore des changements de personnel : ils ont à présent retrouvé un batteur à eux alors que l'an dernier celui d'Orphaned Land prêtait ses services, et un seul chanteur officie à présent… mais il en abattait pour trois ! Dans sa tunique noire il sautait partout et hélait l'assistance à en perdre le souffle, sans nous lâcher, pour que nous fassions les chœurs ou les vagues de bras… à se demander ce qu'il avait pris en coulisses ! Au reste ses compagnons n'étaient pas franchement statiques y compris le claviériste.
Musicalement Subterranean Masquerade aborde un large spectre allant du Progressif de tradition au Metal extrême avec des growls : le Floyd, King Crimson s'emmanchent avec Opeth. La sensibilité orientale s'y ajoute, avec une forte inspiration indienne qui se confirmait dans l'esthétique des projections en fond de scène (détail absent l'an dernier). L'intenable chanteur se jucha sur les crash-barriers et passa un bon tiers du set perché dessus en s'accrochant au plafond, sa petite taille lui permettant de s'y tenir debout à l'aise pour en remettre une couche à nous demander des chœurs… ou à se balancer comme un singe ! Le nombre d'expressions françaises qu'il casa dans ses propos me laissent penser qu'il a dû un peu étudier la langue de Desproges même s'il ne se sent pas assez sûr sans doute pour s'y lancer complètement. Plusieurs titres du prochain album furent joués dont un jamais encore essayé sur scène, avec son refrain à la ligne surprenante. On regrettait que le son ne soit pas assez léché, comme l'autre fois. Pour la fin du set ils invitèrent une partie du public sur scène. Ne restait plus qu'à prendre une photo finale en faisant une dernière blague confirmant que le chanteur connaît le français. Assurément, Subterranean Masquerade gagnait à être revu.

Ce jour c'était les Rameaux, Jésus est dans la place, triomphant… ou tout au moins son sosie officiel Kobi Farhi et ses apôtres. ORPHANED LAND n'est plus vraiment dans la promotion de son dernier album mais il restait dominant comme le montrait l'ouverture avec "The Cave", morceau qui semble conçu pour cela bien qu'il souffrit de quelques imperfections au mixage. Les options de l'an dernier se confirmaient aussi par une setlist un peu modifiée mais persistant à retenir d'anciens titres plus Folk ou Progressifs, notamment les grands tubes indispensables de "Mabool" qui font toujours leur effet. Une brève coupure de courant dans les dernières notes d'"Ocean Land" fit craindre un problème plus grave mais ce fut l'ultime incident technique, sans conséquence même sur le morceau. Cela fait un certain nombre de fois que je les ai vus au fil des ans en plus d'un faible dernier intervalle et dans ces conditions les sensations sont fatalement moins intenses bien que le plaisir n'en soit pas moins là.
La formule est en effet connue et Kobi n'a guère qu'à lever les bras pour que tout le monde suive, il en a moins fait que d'autres fois en termes de communication, ce qui s'explique aussi qu'il n'y avait plus à expliquer de nouveaux morceaux. Avec des fans complices la sauce prenait aussi bien, battre des mains sur de la guitare sèche est assez naturel dans le Midi, Matan Shmuely tentait même un peu d'humour depuis sa batterie quand il quittait son t-shirt. La nouveauté au personnel était la claviériste, pas complexée du tout malgré la grande importance de son poste vue l'orientation actuelle. Doublant les coups de cymbale de Matan, elle montrait une complicité plus tendre avec Chen Balbus, jouant en collant longuement leurs crânes… Au moins en live, le départ de Yossi Sassi est complètement digéré par les deux guitares. Le groupe est clairement une machine qui roule même si le pauvre Uri Zelcha, second membre fondateur encore présent, voit toujours sa basse noyée dans l'ensemble. Avec ses chœurs et ses pompes orchestrales samplés le répertoire choisi est de grande qualité, homogène entre Metal, Folk orientale aux multiples sources et Progressif épique et inspiré, il fait à présent l'impasse sur les vieux titres de la première époque du groupe quand ils étaient chez Holy Records, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors et c'est regrettable car ce n'était pas moins inspiré. Sur "Sapari" une danseuse du ventre (vraisemblablement française) fit une rapide mais marquante apparition.
Au fil du temps l'enchaînement final des concerts du groupe s'est standardisée et on comprenait quand résonnèrent les premières notes d'"In Thy Neverending Way" que l'on attaquait la dernière longueur, c'est un titre brillant malgré ses chœurs simples et taillé lui aussi pour ce poste de dernier titre, pendant lequel Kobi présenta brièvement ses compères. Avant le rappel qui était tout autant prévisible avec l'exutoire "Norra el Norra" pour sauter tous ensemble sur un air puissant, un peu triste et totalement enraciné dans leur culture, enchaîné une fois encore sur le final d'"Ornaments of Gold" et ses vocalises rajoutées, seule concession à la première époque du  groupe qui est systématiquement utilisée pour terminer tous leurs sets depuis des lustres.

Setlist sous toutes réserves (je me demande si je n'en oublie pas un) :
The Cave/ All is One/ Barakah/ The Kiss of Babylon/ Ocean Land/ Like Orpheus/ We Do Not Resist/ Brother/ Let the Truce be Known/ Chains Fall to Gravity/ All Knowing Eye /Sapari/ In Thy Neverending Way/ Norra el Norra-Ornaments of Gold.

Comme prévu je repartis avec l'impression d'avoir à peu près revécu la dernière fois, ce qui était toute la satisfaction que j'en espérais vu ce contexte. Ce qui est curieux, c'est que pas mal de concerts prévus cette année seront aussi dans cette configuration. Toutefois le prochain va nous demander d'ouvrir l'esprit et de s'accrocher un peu.