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vendredi 12 août 2022

Anna von Hausswolf Saints-François Montpellier 5 décembre 2021

En principe je n'aurai pas dû être là ce soir mais à un autre concert loin de Montpellier, qui a été hélas repoussé comme presque toutes les tournées internationales dernièrement. Ayant été averti à temps, j'ai pu me jeter sur l'un des derniers billets à la vente pour cette soirée un peu particulière qui finit complète. Cette tournée ne comptait que quatre dates en France, c'était la seule dans le Midi et l'on était encore loin de se douter de la suite.


Il est courant que pendant l'Avent les paroisses organisent des soirées spirituelles, voire des concerts, mais il est moins fréquent que ce soit pour des affiches pareilles. Ici, les Saints-François est une petite église contemporaine construite dans les années 90, à la place d'une autre datant du XIXe siècle qui s'effondrait allègrement. Ce n'est qu'en 2012 qu'on y a installé un orgue de type ibérique, rare en France. Une association d'amateurs organise quelques concerts chaque année en collaboration avec d'autres… dont celle qui a fait le lien avec cette tournée d'Anna von Hausswolff. J'avais déjà vu l'artiste Suédoise en première partie des Swans (l'un de mes premiers reports pour Metalnews) dans un exercice très différent, où elle mêlait Drone, Industriel, Néofolk martiale, guitare torturée et Heavenly Voices à fond les potards. Mais cette tournée-ci était consacrée à son instrument de prédilection.


L'intérieur de l'église, avec sa voûte métallique asymétrique assez haute en proportion, baignait dans une lumière rouge tandis que plusieurs rangs de lumignons étaient posés sur les marches du chœur. Le public assis qui papotait par chuchotements (on est dans un lieu de culte…) était hétéroclite : gothiques sur le retour, retraités amateurs d'orgue, jeunes fans de Black pointus, couples friands de néoclassique, et surtout pas mal de gens venus de loin. Cependant, les bancs restaient tournés vers l'autel et non vers l'orgue sur la façade de droite, ce qui obligera à rechercher une place dans l'axe de l'instrument, près de la table de mixage, et à se contorsionner pour se tourner vers les tuyaux.


À l'heure annoncée, les membres des deux associations organisatrices dirent quelques mots en se remerciant mutuellement et en mentionnant la paroisse. On était bien loin de ce qui se tramait à Nantes où d'autres associations de fidèles catholiques tradis ont obtenu successivement de faire déplacer un concert "sataniste" dans une autre église, puis de le faire annuler au dernier moment en bloquant l'accès !!!


ANNA VON HAUSSWOLFF sortit de la sacristie avec deux acolytes, sous les applaudissements, et y retourna aussitôt pour chercher ses partitions qu'elle avait oubliée. Toujours dans la lumière écarlate, les trois musiciens manipulèrent quelques registres puis l'instrument entonna de puissantes notes longues en harmonie, invitant à une lente immersion dans une introduction qui s'avéra bien trop longue pour en être une, puisque cette coulée sonore déboucha sur quelques mesures plus rapides et mélodiques en fin de morceau seulement. Ce soir Anna servait clairement du Drone, de l'Ambient puissante et sombre, oppressante et austère. L'antidote complet par rapport à mon concert précédent. Comme dans un concert classique, il n'y eut aucun applaudissement entre les morceaux.

Les pièces furent jouées tantôt à deux, tantôt à trois. Sur un schéma de composition régulier, une certaine variété ressortait selon les tons, la présence de couches jouées plus rapidement, et surtout par les bruitages, grésillements ou discrètes boucles rythmiques lentement répandue par les quatre enceintes placées aux coins de la nef. En fait, les deux grands chauves installés au mixage participaient activement à l'ensemble avec ordis à samples, pédales et table hérissée de potards. Un micro placé au centre devant eux et les casques de retours mis par les musiciens à l'orgue sur certains morceaux montraient que la performance était vissée à fond à tous les postes. Le petit instant de panique d'Anna lorsqu'un registre modifié entre deux morceaux laissa échapper une note aiguë dans les tuyaux était assez drôle. Le show était intégralement acoustique, sans aucune parole susceptible d'exprimer le commencement d'une idée pouvant peut-être s'interpréter comme irrespectueuse du lieu. C'est presque dommage, car Anna a d'excellentes capacités vocales, mais on ne peut pas être à la fois à l'orgue et au chant.


Cette ambiance solennelle, la lumière rouge martien dans une église moderne et la puissance de l'orgue emmenaient dans un sentiment de malaise diffus, proche des moments de flottement préparatoire d'un bon film d'épouvante, ou invitant à la méditation mystique indicible selon les penchants de l'auditeur. Les attitudes du public étaient diverses : des couples étaient enlacés les yeux clos comme de faux dormeurs, des passionnés scrutaient l'orgue tant qu'ils pouvaient, d'autres regardaient leurs pieds l'air grave ou vers le haut plafond, enfin certains exprimaient à voix haute leur profond ennui pendant les pauses (je ne comprends pas comment on peut mettre trente pions dans un concert pour dire cela, sans connaître ni avoir essayé avant surtout…). Pour ma part je me suis coulé sans difficulté dans ce set très contrôlé. Il est vrai qu'en fermant les paupières cela prenait encore une autre intensité, bien que l'atmosphère créée, déjà bien spéciale, me convenait mieux. Se présenta alors un titre construit sur un motif rapide en trois notes assez irritant au bout d'un moment, mais qui finissait par se fondre vers quelque chose de plus apaisé. Vous connaissez l'adage : quand un bruit vous agace, écoutez-le ! Après un final grave et puissant, les musiciens se placèrent devant le chœur pour saluer longuement sous de chauds applaudissements. Malgré un second salut, il n'y eut pas de rappel, ce qui était prévisible au bout d'une heure aussi exigeante. Les plus grands fans pouvaient retrouver l'artiste à la sortie, qui avait un petit stand de merch' à côté des ventes de Noël de la paroisse.


Je suis reparti assez vite après avoir salué quelques connaissances, il était encore tôt et j'ai voulu profiter de ce qu'on pouvait finalement avoir encore une bonne soirée à la maison. J'ignorais encore que la sérénité qui a caractérisé cette soirée était un privilège.


Ce report est dédié à tous les gens qui devaient assister aux concerts de Nantes et Paris et qui en ont été privés pour de fausses raisons.


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