C'était donc à THE OCEAN d'ouvrir ce très beau cartel. Ce quintet avait un très bon son, puissant et propre (étonnant pour un premier groupe), il livra set très pro avec un jeu de scène à l'aise, impeccable… mais ce n'est pas ça. Le positionnement de ce projet est bancal. S'ils prétendent faire du Post-Core sous l'influence limpide de Cult of Luna et Isis, l'attitude scénique énergique et le son complètement métalliques sont hors de propos. On ne sent aucune blessure, aucune folie, aucune profondeur dans ces riffs insipides ; et cette poignée de passages au violon ne tient pas une seconde la comparaison avec le travail instrumental habituel dans ce genre. S'il est dit qu'ils font du Metal, c'est alors un répertoire tout juste bon pour trentenaires ramollis et blasés qui se réfugient derrière la modernité pour se justifier. Car sous ce vocable, les riffs sont tout aussi apathiques et convenus en dépit de l'excellent son, les cordes n'arrangeant pas ce constat. Le dernier titre remontant aux jeunes heures fut plus violent, heureusement. Mais je ne regrette vraiment pas d'avoir fait l'impasse dessus quand ils sont passés en tête d'affiche cet hiver à Montpellier.
Devant le nom de CYNIC, tout fan de Death s'incline, et quelques personnes étaient venues pour eux spécialement (pour Paul Masvidal c'était un lointain retour aux sources puisque son nom de famille est typiquement français méridional, à l'origine). Avec l'âge, ils n'ont plus les dégaines de gros métalleux Américains, mais quelle importance ? La batterie était installée, faute de place sur scène, tout à gauche en regardant. Leur style original et marquant utilise un son surprenant pour l'étiquette Death Metal, très clair, assez compact, au volume très supportable sans protection auditive. Contrairement à ce que je croyais en écoutant sur album, les vocaux clairs (vocodés en quasi-permanence) et Death ne sont pas assurés par le même. Ce n'est pas trop la peine de décrire une musique étrange, très reconnaissable et tout compte fait bien connue. Les titres de "Traced in Air" se révélèrent dans la continuité, mais avec un orientation encore plus éthérée et instrumentale que jadis. Au milieu, "Veil of Maya" parut comme le titre agressif du lot. Elle était jouée aussi bien qu'en studio. Ils n'ont toutefois donné qu'un seul titre de "Focus", alors que selon les témoignages il y en avait au moins un autre lors des autres dates. Tous appliqués sur leurs partitions très complexes, ils ont laissé leur chanteur maintenir un bon lien vers le public en intervenant avec un anglais très compréhensible. Il présenta modestement son groupe comme ayant un long passé (et comment !), promouvant leur album et expliquant qu'il regrettait de ne pouvoir nous parler espagnol ("Do you like spanish people ?"). Cette attitude était bienvenue pour ne pas laisser sur l'impression d'hermétisme que pourrait donner leur répertoire, ses thèmes ésotériques et un jeu scénique nécessairement retenu pour jouer correctement. Le set a donc peut-être été écourté ou modifié, en tout cas il aura duré presque une demi-heure et forcé le respect des sceptiques.
La foule compacte se massa encore plus devant pour OPETH qui se présenta sous des acclamations ferventes dans le sillage d'un Mikael peu en voix ce soir malgré son t-shirt à l'effigie de Conan : son growl était trop juste au commencement, le chant clair resta tout le long du set trop nasillard pour sa part, trop chanté avec la tête seulement. Ce détail et la relative raideur collective sensible en début de set laissent croire que c'est sans doute un effet de la fatigue. Il a fallu également amoindrir le volume de la seconde guitare et pousser celui des claviers. Au bout de deux titres joués devant un public encore un peu transi (un joli slam quand même), le miaulement choral de quelques – fausses ! – groupies a détendu l'ambiance, offrant à Mikael l'occasion de commencer ses blagues débiles sans lesquelles un concert d'Opeth ne serait plus pareil. Rassuré sur la réaction du public, le groupe a vraiment pris toute sa dimension avec une version sublime, fantastique de "Godhead's Lament". Au long du set, j'ai pu redécouvrir la basse chez Opeth, grâce à un mixage plus à l'avantage de Martin Mendez. Wiberg reste droit comme une cheminée quand on n'a pas besoin de lui mais se lâche complètement tout en jouant sur ses vastes claviers, sans se planter pour autant. Au fil des années, Mikael Akerfeldt est devenu vraiment cabotin avec son public, il fait de plus en plus le pitre, les interludes tournent au stand-up maintenant. De toute manière, la foule des admirateurs est conquise d'avance, réagit au quart de tour autant que pour applaudir les titres ou lever les cornes en masse à bout de bras. Les nouveaux titres ont remporté un succès égal aux plus anciens. "Hope Leaves" a ouvert une petite pause en milieu de set et s'est terminé par un excellent solo de guitare greffé sur l'original, avant d'être enchaîné avec une version complète et intraitable de "Deliverance". Le groupe s'éclipsa après "Demon of the Fall", longuement annoncé et devenu trop habituel en concert à présent (sans méjuger sa qualité).
La plaisanterie a pris le dessus lors du rappel. Après avoir traditionnellement présenté ses acolytes par de bonnes mises en boîte, Mikael essaya d'enchaîner avec "The Drapery Falls" dont l'intro tourna à la joyeuse catastrophe : le doigté mal assuré à la seconde guitare fut suivi d'une mauvaise entrée de Mikael sur les premières notes, en chant clair. Pendant que tout le monde gloussait et que le reste du groupe continuait de jouer, il se retira au fond de la scène pour s'éclaircir la gorge. Mais une fois de retour au micro, au moment de retenter le premier couplet… Axenrot enchaîna sur le roulement qui suit, coupant net Mikael et provoquant l'hilarité générale ! Une petite pause le temps d'en rire, et on repartit pour une interprétation sans autre anicroche. Comme a dit Mikael, il leur faudra un peu répéter ensemble. Un salut final et tout le monde au lit.
Les nouveaux morceaux passent parfaitement sur scène, et Opeth est vraiment devenu une grosse machine de scène où le show prend de plus en plus d'importance sur la musique. D'ailleurs le set me semble à moi aussi, avec le recul, un peu court. Nous sommes très contents d'entendre de nouveaux morceaux et que la pioche dans l'ancien répertoire tourne un peu, mais il y avait probablement la place pour un titre de plus (de la période Candelight, de préférence). En dépit de ses réserves, cette soirée reste un beau succès et il faut espérer de futures visites.
Set list Opeth :
Heir Apparent / The Grand Conjuration / Godhead's Lament / The Lotus Eaters / Hope Leaves / Deliverance / Demon of the Fall.
Rappel : passage extrait de "Watershed" non précisément identifié / The Drapery Falls.
Nous reviendrons sur place dans deux semaines pour Entombed, Cryptopsy et compagnie.
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