Et il fallait arriver à l'heure pour ne pas rater CALIBAN qui commença devant un public encore très clairsemé. Porté par un son correct sans plus, Caliban réunit tous les traits du jeune groupe américain qui fait sa première tournée européenne. Un petit manque d'expérience de la scène se sent, notamment avec quelques jolis blancs entre les titres (ah, le trac…). Ou sinon n'échappe à aucun des petits poncifs du combo américain : "You France are really great, thanks a lot, buy our new album, etc, etc…". Tout ceci agrémentant une musique elle-même hyper-tendance, très proche de Killswitch Engage avec quelques hurlements à la Chimaira. Que reprocher finalement à Caliban sinon de sonner comme tous les autres groupes du courant actuel et d'avoir un chanteur qui se grime comme pour ressembler à son confrère de chez Placebo (ce qui accentue le côté attrape-mode)? En attendant la suite éventuelle, espérons que ces chers petits se trouveront une personnalité pour plus tard quand le courant qui les porte aujourd'hui aura décru, et mettons tous ces petits défauts sur le compte d'un suivisme dû à la jeunesse et donc excusable pour le moment.
GOD FORBID, au contraire, est un des précurseurs de la nouvelle vague. Il promeut déjà son deuxième album devant nous. Aussi nulle surprise à trouver un groupe bien plus à l'aise sur scène, et un son plus abouti. L'affiliation avec Gotebörg est ici encore plus criante au fil des morceaux. Mais, vous l'aurez compris peut-être, ni cette école suédoise originelle ni son rejeton américain ne sont mes tasses de thé. Alors, hormis quelques bons moments comme le dernier titre plus direct et primaire que les autres, ou lors de certains solis, un certain désintérêt nous gagne. Il était plus l'effet d'un manque d'inclination envers le créneau musical en scène que de quelconques défauts imputables au combo. Une partie du public, devant, a l'air d'apprécier, pas surprenant finalement…
… Bon, en attendant el jefe de lidia, nous ne retenions pas grand chose de ce que la nouvelle génération triomphante nous avait montré. Le long intermède au son du dernier Chimaira nous parut le meilleur moment en attendant la suite, pour vous dire.
Et arriva enfin MACHINE HEAD au son d'un Imperium dont les premières notes furent chaleureusement acclamées et donnant lieu évidemment à un joli pogo. Ainsi commença en fanfare (et un peu trop en fumée mais ça ne dura pas) une performance qui s'avéra remarquable. Même le vieux fan que je suis et qui ne les voyait pas pour la première fois reste soufflé par la force, l'enthousiasme de MH cuvée 2004. Robb Flynn a-t-il aggravé son cas de compositeur opportuniste avec Through the Ashes…? En tout cas il est patent qu'il s'est depuis libéré de certaines choses, à le voir se donner avec la joie et la foi des psychanalysés, des renouvelés, sans tabous ni limites. Autrefois, il faisait penser malgré lui tour à tour à Kerry King, James Hetfield ou Phil Anselmo sur scène. A présent, les mêmes poses sont prises avec tellement de naturel que ces références s'oublient complètement. Maintenant, les quatre d'Oakland ont assez de titres en réserve pour ne choisir que les grands classiques hors bien sûr la grande place laissée au dernier album à promouvoir. Mais même les plus anciens morceaux de Burn my Eyes (en l'occurrence Old, Davidian et Block) sont interprétés avec une sincérité frappante malgré le temps passé, spontanéité partagée par tout le groupe y compris le dernier arrivé Phil Demmel. Ce dernier semble beaucoup mieux intégré qu'Ahrue Luster en son temps, du moins sur scène. Et ne parlons pas d'un public déchaîné et heureux, répondant à toutes les invitations. Encore une fois, la franchise sur scène se ressent toujours dans le parterre dont le bonheur transcende en retour l'artiste et ainsi de suite…
Et Flynn de rigoler à l'adresse du maladroit qui n'a su rattraper son verre lancé plein, de nous blaguer à sortir tous ensemble à boire un pot en sortant (mais on aime se laisser prendre aux promesses de gascon par ici), puis nous exhorter à fêter publiquement l'anniv' d'un des membres de God Forbid qui revient sur scène noir comme l'encre et en perpétuel déséquilibre, de nous gratifier d'une très jolie interprétation de Descent the Shades of the Night avec intro complète à deux guitares sèches le tout dans un éclairage presque a giorno osé mais adapté à l'ambiance, de sacrifier à la nouvelle mode au milieu de Block en séparant le public par le milieu tel Moïse avec la Mer Rouge pour nous ordonner ensuite de nous rentrer dedans… Une impression de liberté atteignant une dimension quasi transcendantale et hallucinée lorsque s'entonne une reprise tronquée au premier couplet du Walk de Pantera, reprise en chœur jusqu'au fond de la salle. Oui, Pantera! Le groupe avec lequel MH fut sempiternellement comparé et mis en concurrence ou en parallèle par la critique et le public, tandis que les deux intéressés feignaient sans cesse de s'ignorer… Certes, les texans sont aujourd'hui séparés. Mais un tel hommage brisant les anciens interdits ne prouve-t-il pas aussi une assurance enviable?
Tout en sachant qui tient les commandes, nous signalerons un Adam Duce toujours égal à lui-même, inusable en un certain sens, et un Dave McClain toujours très pro derrière sur son matériel (mais un peu juste quand il jongle avec ses baguettes!).
Sortant comblé et quelque peu sonné d'un tel déferlement, il faut rappeler que c'était là l'une des toutes premières dates de la tournée européenne d'un groupe qui est donc en forme car pas encore usé par la vie décalée propre à ces exercices, qui sait que son public est essentiellement en Europe et qui s'y sent donc particulièrement à l'aise. MH n'est-il donc qu'une girouette? S'inspirer de la mode en vogue pour modifier son style à la marge ou en privilégier coup par coup un aspect jusque là discret n'est assurément pas condamnable lorsqu'on constate un talent et une sincérité aussi brillantes. Si ça continue même train, attendez-vous à du très grand Machine Head. Quant aux détracteurs…
PS : Dommage qu'on se soit loupé, Fabrice! Sans doute la foule.
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